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Le détail des étapes du voyage

« Voici l’itinéraire des enfants d’Israël, depuis qu’ils furent sortis du pays d’Egypte, selon leurs légions, sous la conduite de Moïse et d’Aaron. Moïse inscrivit leurs départs et leurs stations sur l’ordre de l’Eternel ; voici donc leurs stations et leurs départs. » (Nombres 33, 1-2)

La Torah mentionne les nombreux voyages des enfants d’Israël durant leurs quarante ans d’errance dans le désert. Or, comme nous le savons, le texte saint se caractérise par sa concision, si bien que, loin d’être fortuit, chacun de ses mots est porteur d’un message pour l’ensemble des générations. Que peut-on donc retirer du rapport détaillé de toutes ces étapes ?

J’ai pensé que le Saint béni soit-Il désirait, par ce biais, nous transmettre un principe fondamental dans notre vie : tout ce que l’on fait n’est autre que la résultante d’un décret divin. En effet, le cours de la vie d’un homme a déjà été déterminé dans le ciel avant même qu’il ne vienne au monde, ainsi que l’expriment nos Maîtres : « L’homme ne bouge son doigt ici-bas que s’il en a été décidé ainsi en haut. » (’Houlin, 7b) De même que toute herbe possède un ange tutélaire qui la frappe et lui ordonne de pousser (cf. Genèse Rabba 10, 6), tout ce qui se passe dans le monde découle de la Providence individuelle, constamment exercée par le Très-Haut.

A propos du Chabbat, nous pouvons nous demander comment le monde continue à fonctionner selon son schéma habituel, alors que l’Eternel, qui est à l’origine de chaque événement, se repose. Comment, en l’absence d’opérateur, le soleil est-il en mesure de se lever, les pluies de tomber, la mer de respecter les frontières du littoral ? C’est que, depuis les six jours de la Création, Dieu a établi une condition avec la nature, à savoir que chacun de ses éléments reste fidèle à sa fonction, même si Lui-même cesse toute activité le Chabbat. Par conséquent, la continuation, en ce jour, de l’ordre préétabli durant ces temps immémoriaux, dépend elle aussi directement d’une Providence divine scrupuleuse. En outre, si le Saint béni soit-Il s’abstient de faire des travaux créatifs pendant le jour saint, Il continue néanmoins à superviser et diriger le monde à tout instant.

D’ailleurs, c’est également au regard de ces conditions préétablies durant les six jours de la Création que la mer des Joncs devait se fendre en deux pour laisser passer les enfants d’Israël, lorsqu’ils furent poursuivis par les Egyptiens, suite à leur sortie d’Egypte (Genèse Rabba 5, 5). Cependant, à l’heure où elle devait se tenir à ses engagements et accepter de modifier son habitude pour mettre ses eaux de côté et laisser apparaître la terre sèche, elle tenta de s’y soustraire, sous prétexte que le peuple juif, qui n’avait pas encore reçu la Torah, n’en détenait pas le mérite. L’Eternel rappela alors à la mer que cette condition avait été fixée depuis sa création et qu’il lui était donc impossible de s’y dérober. Nous en déduisons l’étendue et le caractère absolu de la Providence divine dans le monde, à l’origine de tout événement.

A cet égard, le fait que tous les voyages des enfants d’Israël dans le désert se trouvent minutieusement répertoriés dans la Torah, a pour but de souligner la réalité divine dans le monde. Chacune de ces étapes faisait partie du plan conçu par Dieu et a été exécutée sur Son ordre. Ceci prouve l’absence de hasard, tout événement ne résultant que des instructions de Celui qui est à l’origine de toutes les causes. Parfois, comme nous pouvons le lire à travers le glissement du verset, notre vie prend la dimension de « sorties selon les étapes », et parfois celle d’« étapes selon les sorties » (traduction littérale de ces expressions de notre verset introductif), tout dépendant de la voie que nous choisissons d’emprunter, dans laquelle nous sommes conduits du Ciel.

Les initiales de l’expression élé massé (voici l’itinéraire) équivalent numériquement, en leur ajoutant un, au terme bam du verset « tu en (bam) parleras » (Deutéronome 6, 7), qui se réfère aux paroles de Torah. Par ailleurs, celle-ci est également appelée « voyage » (traduction littérale de massa), l’homme devant toujours se déplacer à l’intérieur du monde de la Torah. Autrement dit, celui qui emprunte la voie de l’Eternel et observe Ses paroles, méritera qu’Il l’accompagne toujours dans tous ses voyages, comme le suggèrent les lettres finales de l’expression précitée, qui forment le Nom divin Ya. Le Créateur le guidera et lui éclairera le chemin.

Notre verset peut également être interprété sous un autre angle. Rappelons, en premier lieu, la double formulation qui y apparaît : celle de « sorties selon les étapes » et celle d’« étapes selon les sorties ». Si le sens de la première est clair, en l’occurrence l’homme sort dans le but de voyager, la seconde demeure plus obscure. En effet, il ne voyage pas afin de sortir ! Proposons l’explication suivante. Il arrive parfois que nous n’ayons pas eu l’intention ni la volonté de voyager, mais que nous sortions simplement de chez nous, et que l’Eternel ayant prévu que nous entreprenions un voyage, c’est ce que nous faisons finalement. Un cas de figure opposé peut aussi se produire : nous avions prévu de voyager, mais le Très-Haut en ayant décidé autrement, ce voyage n’a pas lieu. Combien est-il courant que des gens ratent leur avion à la dernière minute, parce que, dans les sphères célestes, ce voyage n’était pas approuvé !

Ainsi donc, tout est inscrit dans le ciel, et Celui qui y trône décide et fixe où sera chaque homme à tout instant de son existence. Tel est bien le sens de cette étrange expression de notre verset, qui nous indique que nos ancêtres voyagèrent dans le désert sans avoir la moindre idée de leur itinéraire, suivant aveuglément le décret divin.

Toutefois, dans de telles conditions où tout ce qui le concerne est déterminé, il semblerait que l’homme ne dispose pas du libre arbitre, ce qui est contraire à cette affirmation de la Torah : « Vois, je te propose en ce jour, d’un côté, la vie avec le bien, de l’autre, la mort avec le mal » (Deutéronome 30, 15), qui évoque clairement le choix qui lui est donné.

En réalité, c’est le Saint béni soit-Il qui décide tout : Il décrète qui sera riche et qui sera pauvre, qui aura des enfants et qui sera stérile… Il s’agit là de domaines qui échappent totalement à la maîtrise de l’homme. Cependant, il en existe un seul que Dieu nous a entièrement confié : celui relatif à la crainte qu’Il nous inspire, comme le définissent nos Maîtres : « Tout est dans les mains du Ciel, sauf la crainte du Ciel. » (Berakhot, 33b) Or, loin d’être un domaine isolé, il peut interagir avec de nombreux autres, puisqu’en fonction de notre conduite et de notre lien avec le Créateur, il est probable qu’Il modifie la situation dans laquelle Il nous avait placés, ainsi que le laisse entendre un autre enseignement de nos Sages : « Ce sont tes actes qui te rapprocheront, et ce sont eux qui t’éloigneront. » (Edouyot 5, 7) L’homme détient donc le choix absolu de décider s’il désire s’attacher à l’Eternel et suivre le droit chemin, ou, à Dieu ne plaise, tourner le dos à la tradition de ses pères et emprunter une autre voie.

Suite aux deux versets introductifs qui ouvrent la section de Massé, est énumérée la succession de voyages et d’étapes qui constitua l’itinéraire des enfants d’Israël, à commencer par le premier d’entre eux : « Ils partirent de Ramessès dans le premier mois, le quinzième jour du premier mois ; le lendemain de la Pâque, les enfants d’Israël sortirent, triomphants, à la vue de toute l’Egypte, tandis que les Egyptiens ensevelissaient ceux que l’Eternel avait frappés parmi eux, tous les premiers-nés, l’Eternel faisant ainsi justice de leurs divinités. Partis de Ramessès, les enfants d’Israël s’arrêtèrent à Soukkot. » (Nombres 33, 3-5) Or, si l’on compare ces versets à ceux qui évoquent les autres étapes de nos ancêtres, on trouvera que celui-ci est le plus détaillé. Il contient de multiples informations, comme la date du voyage et l’occupation des Egyptiens à ce moment. Pourquoi donc n’est-il pas simplement écrit, à la manière des autres voyages, qu’ils quittèrent Ramessès pour camper à Soukkot ?

Comme nous l’avons déjà mentionné, la section de Massé est toujours lue durant la période des trois semaines de deuil, coïncidence porteuse d’un message édifiant pour toutes les générations : alors que nous sombrons dans un exil amer et prolongé, parsemé de malheurs, il nous incombe de nous souvenir du premier voyage de nos pères. Les Egyptiens étaient alors à leurs trousses, et le Saint béni soit-Il les sauva de leurs griffes, les battant à plate couture. Le rappel de cette première délivrance où le Tout-Puissant les a secourus et soustraits à l’emprise de leurs ennemis, éveillera en nous des pensées de contrition et nous incitera à corriger notre mauvaise conduite. Et, si nous nous repentons ainsi sincèrement, nous serons dignes de mériter une nouvelle délivrance.

Résumé

Pourquoi la Torah détaille-t-elle les voyages successifs de nos ancêtres dans le désert ? Afin de nous enseigner que, de même qu’ils suivaient aveuglément l’Eternel qui décidait vers où les diriger, de même, tous les aspects de notre existence sont déterminés par le Ciel.

Bien que Dieu se repose le Chabbat, la nature continue à assurer ses fonctions, car ceci fait partie des conditions qu’Il a fixées lors des six jours de Création – de même que la scission de la Mer Rouge.

L’expression « étapes selon les sorties » paraît contraire au bon sens, puisque l’homme ne voyage pas pour sortir ! De fait, elle appuie notre propos : le peuple juif voyageait sans savoir vers où il se dirigeait, se pliant simplement au décret divin lui ordonnant de partir.

Cependant, si tout est déterminé par le Ciel, qu’en est-il de notre libre arbitre ? L’homme ne peut décider quand il fera jour ni quelle sera la température, pas plus que s’il sera riche ou aura des enfants, mais tout ce qui a trait au spirituel est entre ses mains. Le domaine de la crainte du Ciel lui a été confié, et joue, si Dieu le veut, sur sa condition matérielle.