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La vie : un voyage

« Voici l’itinéraire des enfants d’Israël, depuis qu’ils furent sortis du pays d’Egypte, selon leurs légions, sous la conduite de Moïse et d’Aaron. » (Nombres 33, 1)

« tandis que les Egyptiens ensevelissaient ceux que l’Eternel avait frappés parmi eux, tous les premiers-nés, l’Eternel faisant ainsi justice de leurs divinités. » (Nombres 33, 4)

Dans la section de Massé, la Torah retrace l’itinéraire du peuple juif, depuis sa sortie d’Egypte jusqu’à son entrée en Terre Sainte. Nous pouvons nous demander pourquoi elle s’attarde tant sur le détail de chacun de ces voyages, et qu’est-ce que cela peut nous apporter. De même, au sujet du premier d’entre eux, en l’occurrence celui d’Egypte à Ramessès, une autre précision peut nous surprendre : le fait qu’à ce même moment, leurs anciens oppresseurs étaient en train d’enterrer leurs morts – les premiers-nés, tombés lors de la dernière plaie. Là encore, quel est donc l’intérêt d’une telle mention ?

Proposons une interprétation éthique de ces diverses indications. Nous allons voir en quoi elles nous indiquent, sous forme allusive, le devoir de l’homme de connaître et de définir sa mission, sa raison d’être dans ce monde. A cet égard, combien est-il dommage que tant de personnes perdent stupidement leur temps dans des vanités, alors qu’« une heure de repentir et de bonnes actions dans ce monde vaut plus que toute la vie du monde futur » (Maximes de nos Pères 4, 17) ! A l’inverse, celui qui s’investit, lors de son existence terrestre, dans le service de son Créateur, jouira d’une grande satisfaction dans le monde à venir.

Si la Torah a détaillé les nombreuses étapes par lesquelles les enfants d’Israël durent passer, dans le désert, c’est afin de mettre en valeur la destination finale où elles devaient mener – la Terre Sainte. Celle-ci exigeait néanmoins le respect d’une condition : l’étude de la Torah et le respect des mitsvot, y compris de celles liées à la terre d’Israël. En outre, à travers le détail de ces voyages, nous pouvons lire les difficultés auxquelles le Saint béni soit-Il a volontairement confronté Ses enfants afin qu’ils apprécient ensuite l’étape finale, cette terre où coulent le lait et le miel. Enfin, une fois qu’ils seraient installés dans ce pays béni et y jouiraient de la sérénité, après avoir enduré les fatigues et péripéties de leurs voyages passés, ils réaliseraient combien il serait regrettable d’en être exilés, l’exil étant encore plus éprouvant que des pérégrinations. En effet, avec toutes les difficultés qu’elles représentaient, elles étaient toutefois accompagnées de miracles divins, comme les nuées de gloire qui escortaient le peuple juif, la manne qui lui tombait quotidiennement du ciel, et le puits de Myriam qui l’accompagnait. Ainsi, cette longue traversée du désert était à la fois caractérisée par une protection et une assistance divines particulières, et par de multiples étapes, parfois pénibles, notamment lorsque, à peine campés à un endroit, la nuée s’élevait pour leur signifier de démonter les tentes et de repartir. Pourtant, ceci n’avait pas de commune mesure avec la souffrance qu’ils risquaient de connaître s’ils n’écoutaient pas l’Eternel et devaient alors être exilés de leur terre, réalité dont ils prirent conscience.

A présent, nous comprenons la deuxième précision figurant dans nos versets introductifs. On mentionne le fait que les Egyptiens enterraient leurs morts, dans le but de signifier que ce monde matériel est semblable à l’Egypte, symbole de l’immoralité, en cela que le mauvais penchant y est très puissant. La Torah nous livre donc un conseil à cet égard : plongés dans un monde empli de tentations, nous devons nous efforcer au maximum de maîtriser notre penchant au Mal, de sorte à nous soustraire au joug égyptien, c’est-à-dire à celui de la matière. Pour cela, il nous incombe de nous vouer, toute notre vie durant, à l’étude de la Torah, appelée voyage, conformément à l’interprétation du Or Ha’haïm du verset : « ils partirent de Refidim » (Exode 19, 2) – ils quittèrent leur relâchement (rifion) en Torah pour s’engager à s’y consacrer à nouveau pleinement. Il appartient à l’homme de constamment "voyager" dans la Torah, et d’aller toujours d’une performance à l’autre, sans jamais s’arrêter dans ses progrès. Et même s’il doit parfois marquer une pause, cela doit être dans l’intention d’engranger de nouvelles forces pour être en mesure de poursuivre son élévation spirituelle.

Or, ce qui permet à l’homme de progresser perpétuellement, c’est le souvenir du jour de la mort, qui l’incitera à enterrer ses désirs personnels, vains et fugitifs. C’est pourquoi le texte précise qu’au moment même où les enfants d’Israël quittèrent l’Egypte, les Egyptiens étaient occupés à enterrer leurs morts, allusion au fait qu’avant de partir de ce pays, nos ancêtres veillèrent eux aussi à enterrer leurs "morts", c’est-à-dire leurs attaches à ce vain monde. Afin de parvenir à cet idéal et de surmonter leur penchant, ils se répétaient l’adage : « Sache d’où tu viens, vers où tu te diriges et devant qui tu seras appelé à rendre des comptes. » (Maximes de nos Pères 3, 1)

En ce qui les concerne, « d’où tu viens » consistait en un rappel des dures conditions d’esclavage dans lesquelles ils étaient plongés en Egypte, asservis à toute une panoplie de travaux durs et avilissants, au point qu’ils avaient oublié le concept de la liberté. A l’heure présente, voilà que, par un effet de la Miséricorde divine, ils avaient pu être délivrés et jouissaient à nouveau de la liberté.

« Vers où tu te diriges » fait référence à la Torah qu’ils étaient sur le point de recevoir, à leur sortie d’Egypte, et qui constitua le mérite à l’origine de leur délivrance, alors qu’ils se trouvaient à un médiocre niveau spirituel, un seul pas les séparant du cinquantième palier d’impureté, point de non-retour (cf. Chla, Pessa’him, Matsa Achira, 33).

« Devant qui tu es appelé à rendre des comptes » – devant le Saint béni soit-Il. S’ils ne considéraient pas ces trois réalités, ils risquaient de devoir ensuite rendre des comptes. D’ailleurs, un grand nombre d’entre eux périrent lors de la plaie de l’obscurité du fait qu’ils avaient refusé de penser à ces trois faits, aptes à sauver l’homme du péché.

Allégoriquement parlant, la vie d’un Juif peut être assimilée à un long voyage, chacun de ses actes en constituant les étapes. Un acte qui engendre un résultat positif pourra être considéré comme une étape positive, tandis qu’un acte engendrant un résultat négatif sera lui-même qualifié de négatif, que Dieu préserve. Si l’homme emprunte le droit chemin, se voue à l’étude de la Torah et observe les mitsvot, son voyage sera constructif, mais s’il choisit la voie du matérialisme et de ses vanités, il fera certes mauvaise route.

Comme le rapporte la Torah, le premier voyage des enfants d’Israël, à leur sortie d’Egypte, fut un bon voyage, emprunt de foi et de confiance en Dieu. Idéalement, ils auraient dû s’efforcer de continuer dans cette voie jusqu’au don de la Torah. Cependant, ils dévièrent un tant soit peu de ce chemin, ce qui les fit tomber dans le péché : ils éprouvèrent l’Eternel au sujet de l’eau, puis se relâchèrent dans l’étude de la Torah. Amalec vint alors les combattre et leur causa de considérables dommages, qui se soldèrent finalement par la construction du veau d’or (cf. Sefat Emet, Yitro, 635). Or, le Nom de l’Eternel ne sera pas complet tant que celui d’Amalec ne sera pas totalement effacé (Yalkout Chimoni, Exode, 268). Même lors du don de la Torah, le nom de ce dernier n’avait pas été entièrement effacé, la preuve étant que le peuple juif n’attendit pas le retour de son maître Moïse, qui devait lui descendre les Tables de la loi du mont Sinaï, mais se lança dans la construction d’une idole. Ceci les plongea encore davantage dans la détresse et la déchéance, et les conduisit à médire de la Terre Sainte, péché qui fut sanctionné par quarante ans d’errance dans le désert. Mais, leurs malheurs ne s’arrêtèrent pas là, puisque leurs nombreuses fautes contraignirent Dieu à les exiler de leur terre afin qu’ils y apportent une expiation.

Cette section nous enseigne que, du fait que nos ancêtres portèrent atteinte à la Torah dans le désert, il fut décrété à leur encontre un détour de quarante ans, émaillé d’étapes, à travers celui-ci. Les noms des sections Mattot et Massé y contiennent une allusion : tous deux commencent par un Mèm, lettre équivalant numériquement à quarante, font écho à ce nombre de jours et de nuits passés par Moïse dans les cieux pour y recevoir la Torah – qu’ils ne surent pas respecter fidèlement, ce qui fut à l’origine de leur punition. Quant au terme massé, il peut être décomposé en Mèm-Same’h, d’une part, et Ayin-Youd, de l’autre ; ces dernières lettres équivalent à quatre-vingt, soit deux fois Mèm, en référence à la Torah, tandis que les premières – lues dans l’autre sens, soit Sam – peuvent désigner l’écorce impure. D’où la leçon récurrente que nous retrouvons : leurs manquements dans la Torah permirent aux forces impures de continuer à entraver leur service divin, au point que l’exil dut être décrété.

De même, si l’on coupe le terme mattot, on obtient d’une part les lettres Mèm-Tèt, et de l’autre, Vav-Tav, d’où nous dégageons l’enseignement suivant : du fait que les enfants d’Israël se rebellèrent contre l’Eternel, irritèrent Ses envoyés, Aaron et Moïse, et endommagèrent ainsi la tradition religieuse (sens de badat, de même valeur numérique que Vav-Tav) que ce dernier reçut au mont Sinaï et leur transmit, ils endommagèrent les quarante-neuf (valeur numérique de Mèm-Tèt) traits de caractère qu’ils avaient travaillés et corrigés depuis leur libération d’Egypte.

Ce à quoi le Saint béni soit-Il aspirait ardemment, c’est que Ses enfants constituent un peuple saint et préservent la sainteté de leur camp, durant toutes les étapes de leurs voyages, et jusqu’à leur installation en Terre promise. Là, ils se sanctifieraient encore davantage, devenant un « peuple [qui] vit solitaire [et] ne se confondra point avec les nations » (Nombres 23, 9). Notons, à cet égard, que les lettres finales des termes mattot et massé sont Tav et Youd qui, ensemble, équivalent numériquement au mot kadoch, signifiant saint. Autrement dit, l’étude de la Torah et le respect des mitsvot leur permettra de s’élever, de se sanctifier et de former un camp saint consacré à l’Eternel, dans l’esprit du verset « ton camp doit donc être saint » (Deutéronome 23, 15).

Résumé

Pourquoi la Torah s’est-elle tant attardée sur les nombreuses étapes du peuple juif dans le désert ? Quel intérêt de préciser qu’alors qu’il quittait l’Egypte, les Egyptiens enterraient leurs morts, tombés lors de la dernière plaie ?

Le but ultime de tous les voyages des enfants d’Israël dans le désert était le don de la Torah et l’héritage de la Terre Sainte. Malgré les difficultés de ces périples, ils furent adoucis par des miracles divins quotidiens, et ces difficultés sont donc insignifiantes par rapport à celles de l’exil. Afin de l’éviter, il faut respecter la condition permettant d’habiter en Israël : l’étude de la Torah et le respect des mitsvot.

L’Egypte, pays le plus immoral de l’époque, symbolise le monde matériel, empli de tentations. Celui qui aspire à mener avec succès son voyage dans ce monde doit enterrer ses désirs physiques. C’est ce que firent nos ancêtres à leur sortie d’Egypte et ce qu’il nous incombe à tous de faire, d’où la précision du texte relative à ce qui occupait alors les Egyptiens.

Afin de vaincre le mauvais penchant, le peuple juif devait se rappeler d’où il venait – de l’esclavage égyptien –, vers où il allait – le don de la Torah –, et devant Qui il devrait rendre des comptes – l’Eternel. S’il ne considérait pas ces trois réalités, il risquait de connaître la même fin que ceux de ses frères tombés lors de la plaie de l’obscurité.

L’existence terrestre de l’homme a la dimension d’un voyage. Il lui appartient de veiller à la qualité de celle-ci, en s’engageant sur la bonne voie et en y persistant. Nos ancêtres entamèrent leur voyage sous les auspices de la foi, mais se relâchèrent ensuite dans la Torah, devenant alors la cible d’Amalec et allant jusqu’à construire un veau d’or puis à médire de la Terre Sainte, péché qui se solda par une errance de quarante ans dans le désert. Plus tard, leurs fautes entraîneront le décret de l’exil.

La volonté divine est que nous Lui soyons fidèles et constituions un peuple saint.

 

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