Index Halakhot Index BAMIDBAR

La vertu de la paix

« Aaron, le pontife, monta sur cette montagne par ordre de l’Eternel, et y mourut. C’était la quarantième année du départ des Israélites du pays d’Egypte, le premier jour du cinquième mois. Aaron avait cent vingt-trois ans lorsqu’il mourut à Hor-la-Montagne. C’est alors que le Cananéen, roi d’Arad, qui habitait au midi du pays de Canaan, apprit l’arrivée des enfants d’Israël. » (Nombres 33, 38-40)

Dans la section de Massé, la Torah passe en revue les voyages successifs des enfants d’Israël dans le désert. Pour certains d’entre eux, elle décrit la raison de l’étape en question et ce qui s’y est passé, alors que pour d’autres, elle ne fait que mentionner le lieu d’arrêt et le départ de celui-ci. En ce qui concerne celui qui mena nos ancêtres de Kadech à Hor-la-Montagne, il est précisé qu’Aaron mourut à cet endroit, puis que le Cananéen, roi d’Arad, entendit cette nouvelle. Et Rachi de commenter : « Il apprit la mort d’Aaron. Car les nuées de gloire ont alors disparu, et il crut qu’il lui était désormais loisible d’attaquer le peuple juif. »

Je me suis posé la question suivante : si les Cananéens craignaient de combattre les enfants d’Israël du fait qu’ils étaient entourés par les nuées de gloire, comment ont-ils osé les combattre dès l’instant où celles-ci ont disparu ? Pensaient-ils réellement que l’Eternel ne pouvait protéger Ses enfants que par l’intermédiaire de ces nuées ? Il semble évident, au contraire, que ces nuées n’étaient qu’un symbole de cette protection divine qui, même en leur absence, s’exerçait de manière constante. Il nous faut donc expliquer pourquoi le roi de Canaan vit, dans la disparition de ces nuées, l’occasion rêvée pour s’attaquer contre le peuple juif.

Comme nous le savons, les enfants d’Israël vivent et se maintiennent en vie par le mérite de la solidarité. Plus encore, l’univers entier repose sur le pilier de la paix, sans lequel il ne pourrait subsister. Or, Aaron le grand prêtre incarnait la vertu de la paix, comme le soulignent nos Maîtres : « Il aimait la paix, la poursuivait, aimait les hommes et les rapprochait de la Torah. » (Maximes de nos Pères 1, 12) Ainsi, lorsqu’éclatait une querelle entre des conjoints, Aaron déployait tous ses efforts et se dévouait pour rétablir la paix conjugale. Dans le même esprit, il fuyait la querelle. Nous trouvons, à cet égard, que lors du soulèvement de Kora’h, il ne réagit pas aux propos désobligeants que celui-ci prononça à son encontre. C’est la disparition de cette exceptionnelle personnalité pacifique que tous les membres du peuple juif, hommes, femmes et enfants, pleurèrent amèrement.

Dès lors, nous comprenons mieux l’expression du verset : « le Cananéen (…) apprit » : il fut informé de la mort d’Aaron, lui qui représentait et assurait la paix au sein de ses frères, et pensa donc, en l’absence de celle-ci, être dorénavant en mesure de prendre le dessus sur les enfants d’Israël. Par conséquent, même aux yeux des Cananéens, la disparition des nuées de gloire n’était qu’un signe de celle d’Aaron qui, pensaient-ils, entraînerait des dissensions au sein du peuple juif, le rendant ainsi, à leurs yeux, vulnérable.

L’importance cruciale de la paix et de la solidarité est mise en exergue par nos Sages (Yalkout Chimoni, Rois I, 213), qui exposent le contraste entre les succès militaires de deux rois. Le roi Achab, qui était idolâtre tout comme l’ensemble de ses sujets, sortait pourtant toujours victorieux des combats, du fait que tous veillaient scrupuleusement à ne pas médire et que la solidarité prévalait. Par contre, le roi David, à l’époque duquel même les jeunes enfants maîtrisaient les lois complexes de pureté et d’impureté, ne l’emportait pas systématiquement, parce que ses soldats médisaient les uns des autres.

Nous pouvons en retirer une leçon édifiante : tant que nous coexistons dans un climat de solidarité, les non-juifs n’ont pas le pouvoir de nous attaquer, mais, dès l’instant où nous laissons la querelle se développer, au détriment de la paix, nous transmettons à nos ennemis la force de se lever contre nous.

Ceci est aussi porteur d’un autre enseignement. Si déjà les soldats d’Achab qui, comme lui, étaient des mécréants, eurent droit à la protection divine lors des guerres en vertu de leur solidarité, combien plus les hommes qui servent l’Eternel et entre lesquels règne une telle atmosphère, peuvent-ils prétendre à une telle prérogative !

 

Hevrat Pinto • 32, rue du Plateau 75019 Paris - FRANCE • Tél. : +331 42 08 25 40 • Fax : +331 42 06 00 33 • © 2015 • Webmaster : Hanania Soussan