Le sens caché et le sens révélé de la Torah
Il est écrit (Béréshit 1:1): « Au commencement D. créa les cieux et la terre ». Rabbi Yits’hak demande: Pourquoi la Torah débute-t-elle ainsi? (Yalkout Shimoni Shemot 187). Les commentateurs de tous les temps se sont penchés sur cette question. J’ai voulu me joindre à eux moi aussi, dans le sens où il est dit « médite la part de ton héritage ».
Les Sages disent (H’aguigah 11b): « Il est interdit de commenter les secrets de la Création, Maassé Béréshit, devant deux élèves, et les secrets de l’existence de D., Maassé Merkava, seulement devant un élève sage qui comprend de lui-même ce qui est sous-entendu ». Et encore (ibid. 13a): « Rabbi Amy dit: On ne doit révéler les secrets de la Torah qu’à celui qui possède les cinq qualités du verset (Ishaya 3:3): « stratège et notable, conseiller, expert et connaisseur ». Rashi (ad. loc.) explique: « Les secrets de la Torah, comme par exemple Maassé Merkava, le Livre de la Création, et Maassé Béréshit ».
Nous trouvons à ce sujet dans le Livre de ben Syra (H’aguiga 13a, Béréshit Rabba 8:2, Zohar II 270b) : « Ne cherche pas à pénétrer les mystères ni à sonder les choses qui te sont cachées, médite plutôt la part de ton héritage, car tu n’as que faire des secrets ». Le commentateur Maharsha explique ainsi la répétition: « Ne cherche pas à pénétrer les mystères, se réfère au Maassé Merkava, ce qui est au-delà et en deçà, « les choses qui te sont cachées » vient ajouter que celui qui ne connaît pas les lois de la physique ne peut pas sonder le Maassé Béréshit. Par contre, « médite la part de ton héritage » est un impératif car l’homme doit approfondir sa connaissance de D. par l’observation de Ses œuvres, comme le font les scientifiques et les philosophes, mais « tu n’as que faire des secrets », se réfère au secret des unions, comme par exemple l’interdit d’épouser la sœur de sa femme, alors que Ya’akov qui était pieux et pur (Pessah’im 56a) avait épousé deux sœurs, ou l’interdit d’épouser sa propre sœur, alors qu’au début du peuplement du monde Havel et Caïn avaient épousé leur sœur (Sanhédrin 58b). Ces sujets sont des secrets de la Torah tout autant que les mystères du Maassé Béréshit et du Maassé Merkava ».
Nous pourrions humblement ajouter un autre exemple: « Ne cherche pas à pénétrer les mystères » concerne Ya’akov Avinou et l’ange de Essav avec lequel il a lutté jusqu’au petit matin. Ya’akov lui demanda alors quel était son nom. « Pourquoi veux-tu savoir mon nom? » lui répondit l’ange (Béréshit 32:30), qui expliqua à Ya’akov que « nous n’avons pas de nom propre, car notre nom change en fonction de la mission pour laquelle nous sommes envoyés » (Béréshit Rabba 78:4, Rashi ad. loc). Le commentateur Ohr Hah’ayim ajoute: « Nous n’avons pas de nom défini, c’est un mystère, et si tu me demandes mon nom une autre fois, il sera différent car notre nom change ».
De même concernant Manoah’, le père de Shimshon, il est écrit (Shoftim 13:17-18): « Et Manoah’ demande à l’ange: Quel est ton nom afin que tes paroles s’accomplissent et que nous t’honorions? Et l’ange lui répond: Pourquoi t’enquérir de mon nom - c’est un mystère ». Rashi commente: « C’est un mystère: une chose cachée, il change selon les occasions et j’ignore ce qu’il est aujourd’hui ».
« Ne cherche pas à pénétrer les mystères ». Il ne faut pas chercher à percer ce qui est caché et qui ne peut pas être révélé parce qu’il se transforme (c’est une merveille que le nom change en fonction du genre de mission). « Les choses qui te sont cachées », Maassé Merkava et Maassé Béréshit, sont des secrets qu’il ne faut pas sonder, comme il est écrit (Dvarim 29:28): « Les choses cachées appartiennent à l’Eternel notre D. » Par contre, les lois de la nature nous sont révélées, comme le dit la suite du verset: « les choses révélées nous appartiennent, à nous et à nos enfants, pour toujours ». Tu n’as que faire des choses cachées - de ces lois de la Torah pour lesquelles nous ne trouvons pas d’explication rationnelle et qui nous semblent contradictoires, comme l’exemple donné plus haut concernant le mystère des unions interdites.
Nous savons qu’il existe quatre mondes, Atzilout, Bryia, Yetzira, Assyia, (Zohar II 192a). La Torah se trouve dans ce monde-ci, le monde de la Assyia, de l’action, et non dans le ciel (Babba Metzya 59b). Malgré cela, par un attachement fervent, l’homme peut parvenir à pénétrer les secrets de la Torah comme l’ont fait nos Sages et il est donné à chacun de parvenir à leur connaissance, comme le dit le Rambam dans son Code de lois (Halah’ot Teshouva, V:2): « Chacun a la possibilité d’atteindre le degré de perfection de Moshé Rabbeinou ». Atteindre cette perfection n’est possible que si l’on se sacrifie pour la Torah, comme il est écrit (concernant les lois de pureté et d’impureté) (Bamidbar 19:14): « Telle est la loi de la Torah: un homme qui meurt sous la tente... » et les Sages expliquent (Brach’ot 63b): « La Torah n’appartient qu’à celui qui se meurt pour elle ». C’est alors qu’elle devient sienne, que les secrets de la Torah lui sont révélés, et s’il l’étudie pour elle-même (Avot VI 1), tous les secrets et toutes les portes de la Torah lui sont ouverts.
Nous comprenons maintenant pourquoi la Torah est appelée « commencement » comme il est dit (Mishley 8:22): « L’Eternel me créa au début de Sa création », et toute la création n’existe que pour la Torah, qui est le commencement de tout (Béréshit Rabba 1:1). Mais s’il en est ainsi, on pourrait objecter que la Torah aurait dû dire: « Le commencement D. créa » (Réshit, et non Béréshit), puisque la Torah est le commencement. Pourquoi est-il ajouté la lettre beth pour former le mot béréshit? La Torah écrit Béréshit, justement pour signifier qu’avant tout, nous devons apprendre comment aborder la Torah et ses secrets. Tout d’abord, il faut apprendre le sens simple de la Torah, ses cinq livres, le Talmud, les lois, les exégèses de nos Sages dans les divers Midrashim et les prophéties, jusqu’à être bien versé dans « toutes ses voies pleines de douceur » (Mishley 3:17). Il faut apprendre aussi les lois de la nature, sans en scruter les secrets. Et puis, lorsque grâce à une étude assidue, l’élève a acquis des notions claires et que toutes ses actions sont droites, il peut alors s’aventurer et méditer les secrets de la Torah, comme le disent nos Sages (Avoda Zara 20b): « La Torah conduit à la prudence, la prudence mène au zèle, le zèle mène à la netteté, etc. » Lorsque l’on est exempt de toute faute et que l’on a grimpé les échelons décrits par Rabbi Pinh’as ben Yaïr, jusqu’à posséder la qualité d’austérité, comme il est dit (Yébamot 20a): « Sois saint, même dans les choses qui te sont permises », alors seulement on peut commencer à aborder les secrets de la Torah.
Le mot Béreshit lui-même marque que le commencement indique ce qui est révélé, et non pas ce qui est caché et enfoui. Ce mot a la même valeur numérique que l’expression nisgav mi-binateynou, « au-delà de notre compréhension » et qui se réfère au sens caché de la Torah. En outre, les mots Béréshit bara Elokim ont la même valeur numérique que l’expression « ne cherche pas à pénétrer les mystères ». Le mot Béréshit a la valeur numérique des premières lettres de l’expression: « ne cherche pas à pénétrer les mystères ni à sonder les choses qui te sont cachées » si on y ajoute les lettres zayin-kh’af, qui forment le mot Zakh pur. Cela indique que celui qui est net et pur peut commencer à aborder les secrets cachés de la Torah et ses mystères.
La création de l’Homme, une créature enveloppée de lumière qui se tient face au Roi des rois, est un des plus grands mystères de la Torah...
L’Eternel a dit (Béréshit 1:26): « Faisons l’Homme à Notre image et à Notre ressemblance », mais est-il possible d’attribuer à D. une forme et une image? (Le saint Rabbi Yéhouda Pattia explique cela longuement dans son livre Mah’ané Yéhouda). C’est que l’Homme ressemble effectivement à son Créateur en ce qu’il s’attache à D., à Ses secrets et Ses mystères.
Ce que racontent les Sages au sujet de Caïn, (Béréshit Rabba 22:12) s’applique à tout homme. Tant qu’il n’avait pas fauté, les animaux le craignaient, mais après la faute, c’est lui qui eut peur des animaux. C’est dire que tant que l’homme n’a pas commis de faute, tous le craignent car il est porteur de l’image de D., mais s’il commet une faute, cette empreinte divine s’efface et les animaux ne le craignent plus. Après avoir commis son crime, Caïn eut peur des animaux. Les Sages disent bien que Caïn « a fait un compromis avec son Créateur », c’est-à-dire « qu’il s’est repenti » (Béréshit Rabba 22:28). Mais son crime était tellement grave, comme il l’avoue lui-même (Béréshit 4:13): « Mon crime est trop grand pour être pardonné », que l’empreinte de l’image divine ne lui fut pas complètement restituée, et il fut seulement « marqué par un signe sur le front » (Pirkey D’Rabbi Eliézer 21) comme il est écrit (ibid. 4:15): « Et l’Eternel marqua Caïn d’un signe ».
Le Ari zal enseigne que les dix Sphères elles-mêmes sont des vêtements. Dans son livre Likoutey Taamey Torah (page 293) il écrit que la sphère Hod (Gloire) attire sur elle les scories, les impuretés, et les décrets néfastes (voir Tikouney HaZohar 69). Ce sens est caché dans les mots « sans trêve endolori » (Ech’a 1:13) [le mot davah, endolori, est formé par l’inversion des lettres du mot hod, Gloire]. Cette idée est aussi indiquée dans le verset: « Majesté (hod) et splendeur (hadar), tel est le propre de Son action » (Téhilim 101:3), car ce qui est beau est un plaisir pour les yeux, et la beauté attire à elle les regards impurs. La fin de ce même verset dit: « Sa justice subsiste à jamais », ce qui signifie que la majesté divine subsiste à jamais, car elle attire à elle les forces du mal et les épure en éliminant les scories, et il en sera de même pour le Temple, détruit à cause du mal, et qui sera reconstruit.
En se fondant sur les écrits du Ari zal, on peut comprendre le verset (Shmouel I, 15:29): « L’Eternel, Protecteur d’Israël (Netzah’) n’est ni trompeur ni versatile, Il n’est pas un être humain pour se rétracter ». Si les forces du Mal avaient la possibilité d’engloutir le Bien, le monde serait anéanti. Même à l’époque du déluge, l’inondation a détruit pour toujours tout ce qui se trouvait à la surface de la terre, et les impuretés n’eurent aucune emprise sur le monde. Celui qui est nommé l’Eternel, (netzah’) ne trompe pas, Il ne change pas. Il est significatif de noter que le mot yenah’em est composé des mêmes lettres que mey Noah’, le déluge. Le prophète nous dit au nom de D. (Ishaya 54:9): « J’ai fait le serment de ne plus jamais occasionner de déluge sur la terre », afin que l’on ne puisse pas dire que le déluge s’était emparé du pouvoir et de la gloire de D. et que c’était la raison pour laquelle le monde fut détruit (D. ne détruit plus le monde parce que, dans Sa bonté, Il accepte le repentir des hommes). Le sens de « Il ne trompe pas », est que le déluge ne fut pas causé par une emprise des forces du Mal. Mais ce sont des secrets de la Torah, et nous n’avons que faire de secrets...
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