La détérioration de la lumière primordiale
Il est écrit (Béréshit 2:25): « Ils étaient tous deux nus, l’homme et sa femme, et ils n’éprouvaient pas de honte » et (ibid. 3:1): « De toutes les bêtes de la terre que l’Eternel D. a créées, le Serpent était le plus rusé Aroum. » Les commentateurs remarquent à ce sujet (Targoum Yonathan ben Ouziel, Tzéda Laderech’, Siftey H’ach’amim): « Ils étaient tous deux nus (aroumim), tous deux intelligents (aroum), et ils n’en avaient pas honte, parce qu’ils n’avaient pas de penchant pour les plaisirs des sens, de sorte que pour eux il n’y avait pas de différence entre le bien et le mal, et ils ne ressentaient ni faute ni honte.
Rashi ajoute au nom des Sages (Béréshit Rabba 18:6, 85,2) à propos du verset « le Serpent était rusé »: « Nous apprenons ici ce qui a motivé le Serpent. Il les a vus nus et accouplés au grand jour. Il fut pris de désir pour la femme, et a incité H’ava à manger de l’arbre de la Connaissance ».
Le Torah Témima rapporte le commentaire des Sages (Yéroushalmi Kidoushin IV:1): « Le Serpent s’est dit: je sais que D. a dit (Béréshit 2:17): ‘le jour où vous en mangerez vous mourrez’. Je vais tromper Adam et H’ava, ils en mangeront, ils seront punis, et j’hériterai de la terre, moi seul ».
Posons quelques questions:
1. Comment D. a-t-Il pu interdire de manger du fruit de l’arbre de la Connaissance en prévenant que « le jour où vous en mangerez, vous mourrez », si Adam ne savait pas ce qu’est la mort, et comment une punition dont on ne comprend pas la nature, peut-elle être dissuasive (Minh’at Yéhouda)?
2. Comment se fait-il qu’Adam et H’ava, avant d’avoir fauté, n’aient pas eu honte de leur nudité, et en quoi consiste leur sentiment de honte après la faute, lorsque l’Homme dit à D. (Béréshit 3:10): « J’ai vu que j’étais nu et je me suis caché » - « parce qu’il avait honte », ajoute Yonathan ben Ouziel?
3. Il faut aussi expliquer pourquoi le Serpent a choisi de pousser la Femme à manger du fruit. Pourquoi n’a-t-il pas essayé d’en convaincre l’Homme?
Nous allons essayer de répondre à ces questions en nous appuyant sur ce qu’écrit le Ari zal dans son livre Likoutey Torah. Le mot ‘honte’, Boshet a les mêmes lettres que le mot Chabbat pour indiquer que si Adam avait attendu jusqu’au saint Shabbat pour s’unir à sa femme, le Serpent n’aurait eu aucun moyen de les séduire, car le Serpent n’a aucun pouvoir le Shabbat (voir Zohar III 273a). Durant le Shabbat, qui est boshet, la honte, Adam et sa femme auraient été enveloppés par la lumière primordiale de la création comme par un vêtement et cette lumière les aurait entourés de telle sorte que le Serpent n’aurait jamais pu avoir d’emprise sur eux. Mais pour avoir fauté et n’avoir pas attendu jusqu’au Shabbat, ils sont tombés dans le monde de la matière et ils ont vus qu’ils étaient « dénués du seul commandement qu’ils avaient » (Béréshit Rabba 19:6), et qu’ils n’étaient pas capables de bénéficier de la lumière primordiale. C’est pourquoi le Serpent attaque dès qu’il a l’occasion de les pousser à fauter. Et alors ils furent punis et D. les chassa du Jardin d’Eden comme il est écrit (Béréshit 3:23-24): « Et l’Eternel D. le renvoya du Jardin d’Eden... et il chassa l’Homme... » En disant: ‘J’ai vu que j’étais nu et je me suis caché’ (ibid. 3:10), Adam indique: je n’ai pas été capable de recevoir la lumière de la création, et je me trouve découvert ». Telles sont les paroles du Ari zal.
Mais pour s’être accouplés avant le Shabbat, ils ont entamé le processus de la dégradation et ils n’ont plus été capables de s’envelopper de la lumière primordiale - le vêtement d’Adam et de H’ava, un vêtement qui ne se porte que le Shabbat dont les lettres forment le mot boshet, honte. Et alors ils sont tombés dans le monde de la matière, ce qui a permis au Serpent de désirer H’ava et de les inciter à fauter. Il les a séduits afin que D. les punisse et les chasse du Jardin d’Eden avant le Shabbat et qu’il hérite de leur place dans le Jardin d’Eden (Yéroushalmi Kidoushin IV:1).
En fait, la ruse du Serpent se perpétue à travers les générations, comme l’a écrit notre maître vénéré, le saint Rabbi H’ayim PINTO de mémoire bénie, dans son poème: « Le mal causé par le Serpent poursuit toutes les générations, mais nos ancêtres ont érigé contre lui la sanctification ». Nous lisons dans les textes du Ari zal: « Ceci est le pain de misère que nos pères ont mangé en terre d’Egypte... (Hagada de Pessah’). Le pain de misère représente les étincelles de sainteté captives des forces du Mal et qui n’avaient pas le pouvoir de se libérer, jusqu’à ce que nos pères descendent en Egypte et délivrent les étincelles de sainteté captives en exil » (Voir Or Hah’ayim, Béréshit 49:9).
La confusion s’empara du monde et beaucoup d’étincelles de sainteté restèrent captives « en terre étrangère » à cause de la méchanceté du Serpent qui désirait ce qui ne lui appartenait pas et à cause de la faute d’Adam. N’était-ce le Shabbat, venu le sauver, Adam serait mort sans aucun doute. Au lieu d’apporter une amélioration, l’Homme a provoqué la détérioration, et s’il était resté dans le Jardin d’Eden alors qu’il était coupable, il aurait causé encore plus de dommage. Il en fut exilé afin de corriger, par la prière, tout ce qu’il avait endommagé, dit le Ari zal.
Les Sages nous enseignent (Béréshit Rabba 22:28) qu’Adam s’est repenti de sa faute et a dit le « Cantique du Jour du Shabbat » (Téhilim 92:1), car le Shabbat l’a sauvé de la peine de mort. Ensuite, il s’est amendé et s’est repenti, comme il est écrit (ibid. 2): « Il est bon de rendre grâce à l’Eternel ». Et il est dit (Tikouney Zohar 69, 113a) que les saints Patriarches Avraham, Yits’hak et Ya’akov ont reçu l’âme d’Adam afin de réparer ce qu’il avait endommagé, et encore (Tikouney Zohar 139b) que les Patriarches viennent combattre et corriger l’idolâtrie, les relations incestueuses, et le meurtre.
Nous avons ici une preuve flagrante que le péché est destructeur. Les Sages disent (Avot V:9): « l’exil fut décrété à cause de l’idolâtrie, des relations incestueuses, et du meurtre », et: « à cause du meurtre, le Temple fut détruit et la Présence de D. s’est retirée d’Israël ». La faute d’Adam est aussi grave que l’idolâtrie, les relations incestueuses et le meurtre. Elle permet aux forces du Mal et de l’impureté d’étendre leur domination sur le monde. Par contre, l’obéissance aux commandements et les bonnes actions ont le pouvoir de les affaiblir et de les éliminer, rapidement de nos jours. Amen.
A propos du verset (Béréshit 1:31): « D. vit tout ce qu’Il avait fait, et voilà tout était très bon », les Sages remarquent que « le mauvais penchant aussi est une bonne chose » (Béréshit Rabba 9:9). C’est-à-dire que D. a créé le mauvais penchant et son contraire, le penchant au bien, comme il est écrit (Kohélet 7:14): « D. a créé chaque chose avec son contraire ». Le bon penchant conseille à l’homme d’étudier la Torah qui est un feu dévorant, comme il est écrit (Dvarim 33:2): « A Sa droite, une loi de feu ». Ce n’est qu’avec l’aide de ce feu-là que les forces du Mal, qui s’opposent au Bien, disparaîtront de la terre.
Maintenant, nous pouvons répondre aux questions posées, à savoir pourquoi le Serpent a séduit justement H’ava et n’a pas essayé de convaincre l’Homme. Avant la faute, le Serpent servait Adam et H’ava comme un esclave (Zohar I 221b), c’est pourquoi il n’a pas tenté de persuader l’Homme, car un esclave n’a pas l’affront de s’opposer à son maître, encore moins de le tenter. Le Serpent connaissait parfaitement la grandeur sublime et la sainteté de l’Homme, « création des mains de D. » (Kohélet Rabba 3:14). Il savait que l’Homme avait été créé pour servir D. et veiller à l’ordre du monde, et que par son intelligence il était capable de dominer les trois mondes, Bryia, Yetzira, Assiya.
Même si le Serpent avait voulu séduire Adam par des ruses, comme un esclave familier qui ne craint plus son maître, il n’y aurait pas réussi. Adam l’aurait sévèrement réprimandé et l’aurait peut-être même chassé de son service. Et s’il ne l’avait pas chassé, il lui aurait expliqué qu’il est lui (l’Homme) rempli de sagesse et d’intelligence et qu’il n’a aucun besoin de manger de l’arbre de la Connaissance pour augmenter son savoir et comprendre la différence entre le Bien et le Mal. Il sait quel malheur s’ensuivrait s’il en mangeait, comme le fait remarquer l’auteur du Minh’at H’inouch’: « est-il possible de décourager quelqu’un en le menaçant de quelque chose qu’il ne connaît pas? Pourquoi donc lui dire: Tu mourras »? L’Homme savait sans aucun doute ce que c’est que la mort. Pour toutes ces raisons, le Serpent évita de s’adresser à l’Homme.
Il préféra s’adresser à H’ava, qui n’avait pas la même intelligence qu’Adam, et qui ne comprenait le sens de la mort qu’à travers ce que lui en avait dit son mari. En s’adressant à elle, le Serpent pouvait espérer réussir. A cause de ce qui s’ensuivit, la lumière de la création fut détériorée. Cela nous enseigne que la lumière de la création protège durant le Shabbat et cette lumière nous évite de fauter, et nous permet de nous repentir.