La domination de l’homme sur le monde - Un privilège et non un vol

Concernant le verset (Béréshit 3:19): « ...jusqu’à ce que tu retournes à la terre d’où tu as été tiré », les Sages disent (Béréshit Rabba 26:26): « La poignée de terre de laquelle tu as été créé, ne l’as-tu pas volée? » C’est-à-dire: à partir du moment où tu as fauté en mangeant du fruit de l’arbre défendu, tu as dénaturé la raison pour laquelle tu as été créé et donc c’est comme si tu avais volé la poussière de laquelle tu viens.

Il est nécessaire d’analyser et de comprendre ce concept. Nous allons présenter à ce sujet un certain nombre de questions.

1. Les Sages disent (Shabbat 55b): « Si l’Homme n’avait pas transgressé l’interdit de manger de l’arbre de la Connaissance, il aurait vécu éternellement », car tant qu’il ne faute pas, il ne meurt pas et la terre à partir de laquelle il fut créé n’est pas considérée comme volée. Ce n’est que lorsqu’il a fauté qu’il fut décrété qu’il allait mourir, et dans ce cas, n’est-il pas dans l’obligation de rendre la terre de laquelle il fut créé?

2. Les Sages disent (Sanhédrin 38a-b) que « pour créer l’Homme, D. a collecté de la terre de toutes les parties du monde, sa tête étant formée de la terre d’Eretz Israël, son corps de Babel, afin qu’il puisse être enterré dans n’importe quel endroit du monde où il mourrait. » S’il en est ainsi, pourquoi est-il dit qu’il a volé la terre dont il est formé, puisqu’elle va retourner à l’endroit où elle fut prise?

3. Les commentateurs posent une autre question au nom du Midrash Yonathan: « Pourquoi l’accuser d’avoir volé de la terre, puisque D. lui a donné la terre dont il est formé sans le prévenir que ce don était conditionnel et que s’il fautait, cette terre serait considérée comme volée par lui?  Si l’Homme avait su que cette terre serait considérée comme volée, aurait-il fauté?

La réponse à ces questions est simple. Toute la création a été créée à l’aide de la Torah, comme le disent les Sages (Béréshit Rabba 1:2): « D. a consulté la Torah et créé le monde », et « c’est pour la Torah que tout fut créé » (Béréshit Rabba 1:1). Mais l’Homme fut créé en dernier lieu, car il est le but et l’apogée de toute la création dont il a reçu la direction. C’est lui qui a appelé par leurs noms toutes les créatures, comme il est écrit (Béréshit 2:20): « Et l’Homme donna des noms à toutes les bêtes sauvages et à tous les animaux domestiques... » car il avait la sagesse de distinguer dans chaque créature la qualité particulière que D. avait voulu lui donner, ce qui lui a permis de lui donner un nom approprié.

De même, son nom à lui est Adam, qui a la même valeur numérique que le Nom de D. (Zohar I 25b), en raison de son origine divine et parce qu’il a été créé pour faire valoir la volonté de D. dans le monde. Telle est sa raison d’être. Mais s’il ne remplit pas son rôle, son existence en ce monde est en quelque sorte un abus (un vol) puisqu’il est formé de la poussière de toute la terre dont il n’a le droit de jouissance qu’à la condition de remplir ce rôle.

Maintenant nous pouvons répondre aux questions posées. L’Homme comprenait l’essence de chaque chose (puisque toute chose lui est liée), ce qui lui a permis de nommer toutes les créatures. Bien que créé pour vivre éternellement, il fut aussi créé à partir de la terre, pour que, grâce à lui, le monde entier atteigne la perfection (le monde entier dépend de lui, puisqu’il est créé à partir de la terre du monde entier). D. l’a créé avec de la terre prise des quatre coins du monde pour lui permettre de perfectionner le monde entier. S’il n’avait été créé qu’à partir de la terre d’Eretz Israël, cette terre aurait été comme un emprunt et non une possession, puisqu’il n’aurait pas pu corriger le monde entier.

Avant sa faute, l’Homme a le statut de gardien rémunéré, puisque D. lui a donné une âme avec l’obligation de veiller sur elle. S’il veille sur elle comme il convient en observant les Lois de D., il recevra la vie éternelle, en récompense du soin qu’il a pris de son âme, qui est un dépôt et un gage dont il a la garde. S’il faute, il doit payer l’usufruit de sa jouissance. De même, la terre dont il est formé lui est prêtée afin qu’il domine la création et la soumette par le mérite de ses bonnes actions. Mais s’il faute, il tire une jouissance usurpée de la terre dont il est formé, ce qui est un vol.

L’Homme fut créé avec des penchants naturels, mais avant la faute, le mauvais penchant ne le troublait pas parce qu’il était comme endormi et inactif. L’Homme aurait dû se garder de l’attiser et l’empêcher d’entrer dans son cœur mais en fautant, il s’est soumis à l’emprise du mauvais penchant au lieu de se soumettre à la volonté de D. et il a transformé en abus sa faculté de dominer et diriger le monde, puisqu’il a tiré de son origine terrestre une jouissance contraire à la volonté manifestée par D. au moment de la création.

Si le mauvais penchant réussit à couper l’Homme de son origine et lui faire oublier sa raison d’être, il en fait un voleur puisqu’en fautant l’homme jouit des choses de ce monde, et c’est comme s’il volait D. Les Sages disent (Brach’ot 35b): « Quiconque jouit des biens de ce monde sans bénédiction préliminaire, vole un bien appartenant à D. » et « c’est comme s’il volait son père et sa mère, comme il est dit (Mishley 28:24): Voler son père et sa mère en disant que ce n’est pas un crime, c’est se faire le compagnon d’un artisan de ruines ». Pourquoi en est-il ainsi? Parce que la bénédiction est une prise de possession par laquelle D. donne à l’homme le droit de jouir des choses de ce monde afin que l’homme se souvienne que tout ce qu’il possède lui vient de D. L’homme est responsable et garant de la création dont il a reçu la garde et son existence repose sur cette condition. S’il abuse d’un bien qui appartient à D. il se fait « le compagnon du destructeur », du mauvais penchant, qui lui tend des pièges et l’attrape, et il est possible que tel soit le sens du dicton (Zohar II 154b): « On ne trouve le mauvais penchant que dans les festins et les beuveries ».

Nous voyons donc que l’exigence de D. envers l’Homme est grande (et cette exigence s’adresse à chaque homme). Avant qu’il n’ait fauté, son mauvais penchant était latent, il lui suffisait de ne pas le réveiller afin qu’il ne puisse pas l’inciter à transgresser la volonté du Créateur. La poussière dont il était formé l’attachait aux montagnes et aux vallons, aux arbres et aux plantes, aux animaux sauvages et domestiques, etc. ce qui le rendait responsable de toute la création. C’est dans ce sens qu’il est dit que l’homme est un monde en miniature et c’est pourquoi les Sages ont dit (Sanhédrin 37a): « L’Homme doit considérer que le monde entier a été créé pour lui », et (Brach’ot 6b): « Le monde entier n’a été créé que pour celui-ci, pour que tous lui obéissent », car tout dépend de lui et est inclus en lui.

De plus l’homme a reçu l’intelligence et la faculté de comprendre, ce qui lui a permis de nommer toutes les créatures. Il a aussi une âme, une part de divinité, qui le rend supérieur aux anges, car: « D. lui a insufflé Son propre souffle » (Béréshit Rabba 12:8), et Il lui a donné une âme qui émane de Sa propre existence. C’est cette âme qui donne à l’homme le pouvoir de diriger le monde, et s’il veille sur sa bonne marche, il en est récompensé dans le monde à venir. Mais s’il faute, il endommage toute la création, ses forces internes et ses possessions ne sont plus qu’usurpation du pouvoir qui lui fut accordé, et par conséquent il mérite de mourir sur le champ, sans avoir la jouissance de la poussière dont il est formé. Cette exigence envers l’Homme s’applique à tous les hommes. Par son repentir, l’homme reprend possession de la poussière dont il est formé.

Nous pouvons désormais comprendre les paroles de nos Sages rapportées plus haut (Sanhédrin 37a): « Chaque homme doit considérer que le monde fut créé pour lui ». C’est qu’il possède en lui une part de tout ce que le monde contient et une parcelle de la matière qui forme le monde dont il est responsable. S’il faute, cette poussière n’est plus que vol et elle tend à retourner d’où elle est venue. Mais la bonté divine soutient l’homme et l’aide à se repentir.

Qui peut mieux nous servir de témoignage que Hillel, Yossef, Rabbi Elazar ben H’arsoum? « Face à eux, les pauvres, les méchants, et les riches n’ont aucune excuse » (Yoma 35b), car ces hommes vertueux ont prouvé par leur conduite que malgré la pauvreté, la force du désir, la richesse, qui étaient respectivement le lot de chacun d’eux, ils ont pu dominer les tentations, afin que la poussière dont leur corps était formé ne soit pas un vol, et qu’ils puissent en jouir de bon droit, en toute justice et sans abus, à D. ne plaise. Si les Sages disent (Avoda Zara 10b,17a): « Il est des gens qui gagnent leur monde en un instant », il est évident que le contraire aussi est vrai et qu’il en est qui perdent leur monde en un instant. Ce n’est que par le repentir que l’homme peut regagner le monde en un instant, et il est écrit: « Le Juste qui gouverne, gouverne dans la crainte de D. » (Shmouel II, 23:3), c’est-à-dire: « C’est le Juste qui Me gouverne, car (dit D.) Je prononce un décret et le Juste l’annule » (Moed Katane 16b, Shabbat 63b, Zohar II 15a). S’il en est ainsi, c’est pour le Juste que le monde fut créé. Comment? Grâce à l’étude de la Torah et à l’observance des commandements, l’homme a le droit de jouir de la poussière dont il est formé et la récompense lui est réservée dans le monde à venir.

Que D. nous accorde de vivre notre vie en ce monde de manière juste et sans reproche d’aucune sorte, afin de ne pas endommager la création et de ne pas être considérés comme des voleurs, mais plutôt comme des maîtres qui dirigent le monde selon la volonté de D. Amen, qu’il en soit ainsi.

 

 

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