La raillerie et la frivolité engendrent les transgressions
« Et Sarah vit le fils qu’Hagar l’Egyptienne avait enfanté à Avraham se livrer à des railleries » (Béréshit 21:9).
Pourquoi Ismaël n’est-il pas nommé dans ce verset qui aurait pu dire: « Sarah vit Ismaël, le fils d’Hagar... »? Nous devons expliquer le fait étonnant que le nom d’Ismaël ne soit pas explicitement mentionné dans toute cette section, mais seulement par allusion, une fois il est appelé l’enfant, comme il est écrit (ibid. 21:16): « Je ne veux pas voir mourir cet enfant », une fois « adolescent » (verset 20): « D. accompagna cet adolescent, et il grandit », et une fois « fils d’Hagar ». Pourquoi le nom d’Ismaël n’est-il pas mentionné dans toute la section?
Nous voyons souvent des gens de bonnes familles, qui ont reçu une éducation irréprochable et qui pratiquent les commandements avec empressement, prendre tout à coup un mauvais chemin, bien qu’ils fréquentent des personnes convenables et n’aient négligé jusque-là aucun commandement. Comment expliquer qu’ils aient pu par la suite prendre un mauvais chemin?
Ce fut le cas d’Ismaël. Il avait grandi dans un entourage d’hommes forts et bons, dans la maison d’Avraham et en compagnie d’Yits’hak. A l’âge de treize ans, il fut circoncis avec joie, sans hésitation (Béréshit Rabba 55:4), ce qui montre qu’il a exécuté ce commandement avec un esprit de sacrifice. Lorsque Yits’hak est né, alors qu’Avraham avait cent ans et Sarah quatre-vingt-dix ans, le monde fut rempli de joie. « Beaucoup de femmes stériles ont enfanté en même temps qu’elle » (Tanh’ouma Toledot 3). Tous étaient heureux (Béréshit Rabba 53:8). Lorsque Yits’hak atteint l’âge de deux ans, « Avraham fit un grand festin le jour où l’on sevra Yits’hak » (Béréshit 21:8), et tous les grands de son temps y participèrent (Béréshit Rabba 53:14). Rashi rapporte ce fait dans son commentaire de la Torah.
Tous ces événements bouleversants et merveilleux furent accompagnés de miracles. Ismaël, bien que témoin de toutes ces merveilles, au lieu d’affermir sa foi et sa crainte de D. et de s’élever de plus en plus dans la connaissance de la Torah, délaissa tout, et commença au contraire à « jouer avec Yits’hak à l’idolâtrie, à l’inceste et au meurtre » (Béréshit Rabba 53:15), c’est dire qu’il a commencé par des moqueries, des railleries et des frivolités inacceptables.
Il en perdit le titre de « fils d’Avraham » et il ne convient pas que le nom Ismaël - « que D. a entendu » - lui soit attribué. Dorénavant il est le fils d’Hagar, l’Egyptienne, seulement un enfant qui fait des sottises, un adolescent qui ne sait rien et ne se rend pas compte de ce qu’il fait. Au lieu de tirer un enseignement de tout ce qu’il voit autour de lui, et du fait même qu’il a pratiqué la circoncision avec un esprit de sacrifice, il va jouer à l’idolâtrie, s’occuper de choses contraires à D. et à la voie de la Torah, et se détourner de toute élévation spirituelle.
Son nom Ismaël n’est pas mentionné dans le verset, mais seulement « le fils d’Hagar », et il est décrit comme « enfant » et « adolescent ». Il n’est pas digne d’être appelé « le fils d’Avraham » puisque sa conduite étourdie ne fait pas honneur à son père.
Quelqu’un peut être un homme grand et important, il peut fréquenter des gens vertueux, mais s’il est railleur, s’il se moque et se rit de tout, il risque de perdre en un instant tous les mérites, et tomber au plus bas (H’aguiga 5b). La preuve incontestable est le cas d’Ismaël, qui est tombé si bas que les Sages disent de lui (Shemot Rabba 1:1, Tanh’ouma Shemot 1): « Il se tenait aux carrefours et pillait les passants ». Le fait est qu’il ne tenait pas compte des remontrances et des menaces de punition, comme le disent les Sages (Shevet Moussar): « Une seule raillerie annule cent réprimandes ».
C’est ce que dit le roi David, au début de ses Psaumes (Téhilim 1:1-2): « Heureux l’homme qui ne suit pas le conseil des méchants... qui ne prend point place dans la société des railleurs, mais qui désire la Loi de l’Eternel et qui médite la Torah jour et nuit ». La raison d’être et le but de l’homme est d’acquérir la sagesse de la Torah et de ne pas se laisser entraîner par des futilités sans avenir. Si, comme il ressort clairement ici, il commence à se moquer et persifler, il perd son nom, comme Ismaël qui n’est pas nommé et qui n’est plus considéré comme le fils d’Avraham, car ses railleries l’ont déshonoré au point qu’il n’est plus que « le fils d’Hagar ».
Essav fut influencé par son oncle Ismaël et il lui ressemble, comme le disent les Sages (Shemot Rabba 1:1): « Essav alla chez Ismaël apprendre de lui ses mauvaises voies ».
Et ils ajoutent (Yoma 38b): « Essav était méchant, car il vivait entre deux personnes vertueuses, Yits’hak son père, et Rivka sa mère, en compagnie de son frère Ya’akov, et il n’a rien appris de leur conduite ». N’est-il pas étonnant qu’il n’ait rien appris du comportement de ces gens vertueux?
En fait, Essav a quand même appris quelque chose de ses parents. Il a reçu la même éducation que Ya’akov comme le disent les Sages: « ils ont appris ensemble à lire la Torah » (Béréshit Rabba 63:10). Et pourtant, il avait en lui une tendance à la raillerie et à la moquerie, qui eut pour conséquence de l’amener à renier D., à réfuter la résurrection des morts » (Babba Bathra 16b), et à commettre sans frein les transgressions les plus graves. De là, il en vint à renier la Torah et D., Créateur de l’univers. Tout ce qu’il faisait n’était que tromperie, et les Sages le comparent au cochon « qui montre à tous ses sabots fendus [un des signes de pureté de l’animal] comme pour dire: voyez, je suis pur » (Béréshit Rabba 65:1). Extérieurement, Essav se montrait pur et joyeux, il plaisantait avec tous jusqu’à ce qu’ils tombent dans ses filets, et nombreux sont ceux qu’il prenait au piège des railleries dont il était coutumier. Il se conduisait avec légèreté et frivolité ce qui, on le sait « entraîne l’homme à commettre des actes interdits » (Avot III:17). Le fils d’Yits’hak se comportait comme s’il était le fils de Laban ou de son oncle Ismaël. Il avait même réussi à tromper son père en lui demandant comment prélever la dîme du sel et du foin [choses qui ne sont pas soumises à la dîme] (Béréshit Rabba 63:10, 97:9), et de là, il en était venu à la promiscuité et à la débauche, « Essav pourchassait les femmes, les enlevait à leur mari, et les violait » (Béréshit Rabba 65:1). Tout cela à cause de son esprit moqueur.
Il est écrit (ibid. 25:29): « Essav revint des champs fatigué ». Fatigué de quoi? « D’avoir tué tant de gens » (Babba Bathra 16b, Béréshit Rabba 63:12) comme il est écrit « Mon âme est fatiguée à cause des meurtriers » (Yérémia 4:31). Pour comble, en rentrant ce jour-là, il vit que son frère Ya’akov avait préparé un plat de lentilles pour son père Yits’hak, alors en deuil de la mort d’Avraham (Babba Bathra 16b, Béréshit Rabba 63:16, 19) et il dit à son frère (ibid. 25:30): « Laisse moi avaler de ce plat tout rouge, car je suis fatigué ».
Pourquoi Essav désirait-il tant ce plat de lentilles, un plat de gens en deuil et de pauvres (Ibn Ezra ad. loc. 25:34)? C’est qu’il était malhonnête - il trompait tout le monde. Il désirait une nourriture de gens endeuillés et pauvres pour faire croire à tous qu’il était vertueux, qu’il se nourrissait de plats simples. De plus, il voulait montrer au monde entier que lui aussi portait le deuil d’Avraham... Malgré sa fatigue extrême, il continuait à tromper tout le monde, tant la raillerie était devenue chez lui une habitude.
« Malheur à nous pour ce que nous avons définitivement perdu ». Essav a tout perdu par sa propre faute. L’homme est testé au moment de l’épreuve, car c’est alors que l’on sait s’il est sincère ou non. Au lieu de se repentir en entendant qu’Avraham avait quitté ce monde, fatigué au point d’être lui-même au seuil de la mort, comme il le dit à Ya’akov (ibid. 25:32): « Moi aussi je vais mourir », au lieu de remercier D. d’avoir trouvé de quoi faire revivre son âme, il renie à ce moment-là son droit d’aînesse (Rashi ibid. 25:34, Babba Bathra 15b), et c’est justement « le jour de la mort d’Avraham, qu’il prit le mauvais chemin » (Babba Bathra 15b), et « renia la croyance en la résurrection des morts ».
Essav et Ismaël avaient en commun la tendance à la raillerie et à la moquerie, « qui éliminent l’homme de ce monde » (Zohar I 163a), et qui sont mères de toutes les transgressions.
Tandis qu’Essav est resté sur le mauvais chemin, Ismaël a surmonté ses mauvaises tendances et s’est repenti le jour de la mort d’Avraham (Babba Bathra 16b), et sa descendance bénéficie de son mérite jusqu’à ce jour. Cela nous enseigne, à nous aussi, qu’il faut éviter la raillerie qui risque de nous amener à commettre les fautes les plus graves. Au contraire, il faut craindre D. de tout cœur, et alors combien grand sera notre bonheur d’avoir notre part en ce monde et dans l’autre. Amen.