Tu méditeras la loi jour et nuit
« L’époque de la délivrance arriva, il se trouva qu’elle portait des jumeaux » (Béréchith 25 :24). Le mot Téomim, jumeaux, est écrit sans la lettre aleph, et Rachi explique au nom des Sages (Béréchith Rabah 63 :9) que « cette omission indique que l’un des jumeaux était vertueux et l’autre impie ». Cela n’exclut pas le droit d’ajouter humblement une autre explication.
A propos de Moché, il est écrit : « Moché séjourna sur la montagne quarante jours et quarante nuits » (Chemoth 24 :18). Pourquoi la Torah souligne-t-elle « quarante nuits », étant donné que la journée comprend la nuit, comme il est dit : « Et il fut soir, et il fut matin - un jour » (Béréchith 1 :5), ce qui indique que le jour est la continuation de la nuit. En ce qui concerne le service du Temple, la nuit est la continuation du jour pour former une journée (‘Houlin 83a), et sur la montagne, Moché était en Présence de D. comme dans le service sacré, mais d’une façon ou d’une autre, s’il est déjà dit « quarante jours », quel besoin d’ajouter « quarante nuits » ?
Pour expliquer cela, il faut remarquer qu’il est naturel d’être fatigué à la fin de la journée, d’être épuisé la nuit par les activités de la journée, et il est naturel de reprendre des forces grâce à un sommeil réparateur, comme le disent les Sages (Yirouvin 65a) : « La nuit n’a été créée que pour le sommeil ». Mais cela ne s’applique pas à Moché Rabbeinou. Au contraire, pour lui, la nuit était en toute chose comme le jour, dans le sens où il est écrit : « La nuit est lumineuse comme le jour, l’obscurité est pareille à la lumière » (Téhilim 139 :13), au point qu’il ne ressentait aucune fatigue ou lassitude nocturne, par son désir ardent d’apprendre la Loi de la bouche même de D.
Les Sages ajoutent (Chemoth Rabah 47 :8) que durant les quarante jours où il était sur la montagne, le jour il étudiait la Torah en Présence de D. et la nuit il révisait ce qu’il avait appris, afin d’enseigner aux Enfants d’Israël qu’ils doivent réserver un temps pour méditer la Torah autant le jour que la nuit. Si la Torah n’avait pas écrit « quarante nuits », nous aurions pu penser que Moché, vu sa grandeur et ses capacités, a effectivement étudié la Torah la nuit, comme il est écrit : « Tu méditeras la loi jour et nuit » (Yochoua 1 :8), mais que, malgré lui, il a peut-être pris quelque repos et peut-être somnolé ! C’est pourquoi la Torah dit explicitement « quarante jours et quarante nuits » pour souligner que les nuits étaient semblables aux jours et de même qu’il étudiait assidûment la Torah avec D. pendant la journée, il l’étudiait aussi la nuit sans connaître la fatigue.
Ajoutons à cela que la volonté et le désir d’étudier la nuit, les yeux ouverts et l’esprit vif, découlent de l’étude de la journée. La capacité de lutter contre l’emprise naturelle du sommeil et d’étudier la nuit, est proportionnelle aux efforts et à la persévérance dans l’étude de la Torah pendant la journée, et c’est alors que l’homme parvient à ce que les Sages lui promettent (‘Haguigah 12b) : « Celui qui étudie la Torah la nuit est couronné d’un halo de bienveillance divine le lendemain ». En outre, celui qui médite la Torah la nuit, c’est-à-dire en ce monde qui ressemble à la nuit, est entouré d’un halo de bienveillance divine dans le monde à Venir, dans le monde qui est parfait et éternel (ibid.).
Il me semble pouvoir appliquer cela au verset : « Heureux ceux qui habitent Ta maison, sans cesse ils chantent Tes louanges » (Téhilim 84 :5). Quel est le sens de « sans cesse ils chantent Tes louanges » ? C’est que celui qui médite la Torah avec assiduité dans la journée a un désir accru de poursuivre son étude pendant la nuit, et cela lui permet de surmonter sa fatigue naturelle. D. lui donne alors la force de continuer. Étudier la Torah, régulièrement chaque jour, à des heures fixes, permet de surmonter la fatigue, de continuer avec des forces renouvelées, comme Moché qui a étudié la Torah pendant quarante jours et quarante nuits en présence de D.
Dire que « la Torah affaiblit les forces de l’homme » (Sanhédrin 26b), c’est dire que l’étude affaiblit en l’homme les tendances de son mauvais penchant et ses besoins naturels en sont diminués, mais elle affirme ses élans spirituels, ce qui lui permet de retrouver l’énergie de sa jeunesse et de s’adonner à l’étude avec des forces renouvelées.
Nous savons qu’une telle assiduité, au-delà des forces naturelles, est possible dans l’étude de la Torah, et nous la rencontrons non loin de nous, chez les Sages de notre temps. Le Gaon ‘Hayim de Brisk eut la visite matinale d’une femme qui venait lui demander conseil. L’ayant trouvé profondément plongé dans son étude, elle s’assit et attendit... jusqu’au lendemain matin ! Une journée entière ! Jusqu’à ce que le Gaon se libère de son étude pour écouter sa requête. Nous avons aussi entendu parler de l’assiduité extraordinaire du Gaon de Vilna, qui ne dormait que deux heures par nuit ! Seulement deux heures...
Cela montre clairement que l’assiduité dans l’étude de la Torah d’une part, et d’autre part l’aide particulière que D. procure à ceux qui font des efforts, dépendent l’un de l’autre. L’aide de D. multiplie les forces de l’homme, lui permettant de continuer le lendemain, jour après jour.
Le Zohar explique des choses merveilleuses concernant ceux qui s’efforcent d’étudier la Torah la nuit, et de quelle façon D. S’attache à eux. Nous allons en citer quelques unes : « Celui qui se donne de la peine pour comprendre la Torah s’attache à l’arbre de la vie » (Zohar Kora’h 176a), « Connais le Nom de D. et délivre-toi de la prison » (ibid. III, 176a), « Celui qui s’occupe de Torah en ce monde trouvera ouverts un certain nombre de portiques dans le monde à Venir » (ibid. III, 213a), « Celui qui étudie la Torah de jour et de nuit acquiert deux mondes : le monde supérieur et le monde inférieur » (ibid. I, 189b), « Il réalise l’unité de D. » (ibid. III, 9b), « C’est comme s’il se tenait sur le Mont Sinaï et recevait lui-même la Torah » (ibid. III, 179b), « Il mourra dans un baiser de D. » (ibid. I, 168a). C’est dire que celui qui surmonte sa fatigue pour étudier la Torah fait la joie de D., au point qu’il est dit que D. l’embrasse en disant : « Voyez quelle créature J’ai créée dans Mon monde » et pour un tel homme « La récompense est à la mesure de la peine » (Avoth V :26).
Parallèlement à Moché qui a étudié la Torah quarante jours et quarante nuits sur la montagne, nous trouvons dans la Torah une personnalité complètement différente, et bien que ce ne soit pas ici notre sujet, la comparaison avec elle nous permet d’expliquer et de comprendre le sujet qui nous concerne. Il s’agit d’Efron le Héthéen, qui a vendu le caveau de Mach’pela à Avraham.
Tout d’abord, Efron avait dit à Avraham : « Tu es le représentant de D. parmi nous » (Béréchith 23 :6), et « en présence de tous ceux qui étaient venus à la porte de sa ville, il dit : le champ je te le donne, le caveau qui s’y trouve, je te le donne également » (ibid. v. 10-11). Apparemment, il agissait avec le respect cérémonieux dû au représentant de D. à qui il faisait don de tout, gratuitement. Mais au moment de réaliser sa promesse, il révéla quelle était son intention réelle : « une terre qui vaut quatre cents sicles, qu’est-ce entre nous ? » (ibid. v. 15).
Cela nous montre qu’Efron, un trompeur de l’engeance d’Essav, mentait ouvertement. Tout comme Essav trompait les gens, Efron se faisait passer pour vertueux et généreux en public, mais ce n’était qu’une apparence, comme le prouve la fin. Efron fait partie de ces hypocrites « qui parlent beaucoup mais ne font rien de ce qu’ils disent » (Baba Metsya 87a), car leurs paroles ne sont que mensonges.
Le monde fut détruit par le déluge en punition des crimes commis par les hommes les uns envers les autres. Après le déluge, D. contracta une alliance avec Noa’h, promettant à toutes les créatures qui sont sur terre qu’il n’y aurait plus de déluge. Il désigna l’arc-en-ciel en signe de cette promesse, comme il est écrit : « J’ai placé Mon arc dans la nuée et ce sera le signe de l’alliance entre Moi et la terre » (Béréchith 9 :13). Si D., à l’avenir voulait à nouveau détruire le monde « l’arc apparaîtra dans la nuée... et Je me souviendrai de Mon alliance avec vous... et les eaux ne deviendront plus un déluge anéantissant toute chair... » (ibid. 14-16). Il n’y aura pas d’autre déluge.
Efron, par ses tromperies et ses bassesses, aurait pu causer un autre déluge, si ce n’était que le signe de l’alliance - l’arc-en-ciel - l’en empêchait. Cela est indiqué dans son nom, Efron qui sans la lettre Vav a la valeur numérique de quatre cents. Ajoutés aux quatre cents sicles d’argent qu’il extorqua à Avraham, nous trouvons le nombre huit cents, la valeur numérique du mot Késhét, arc-en-ciel. L’arc-en-ciel aurait dû apparaître dans le ciel lorsque Efron trompa Avraham aux yeux de tous les habitants de la ville.
Qu’indique le mot Téomim, jumeaux, écrit sans la lettre Alef ? Lorsque Rivka se rendit à la Yéchivah de Chem et Ever (Béréchith 63 :6) afin de les consulter quant à son avenir et au sens des mouvements qu’elle ressentait, il lui fut dit que bien qu’elle portât des jumeaux - ce qui normalement indique une ressemblance - ses enfants étaient tout à fait différents l’un de l’autre : « deux peuples sortiront de tes entrailles et ils se sépareront » (Béréchith 25 :23), celui-ci ira son chemin dans les pas de Moché qui étudie la Torah jour et nuit, et celui-là suivra le chemin d’Efron le Héthéen, qui trompe et cherche à éblouir les gens.
En décomposant le mot téoumim nous obtenons tou, et mem . Tou a la valeur numérique du nom Efron, qui rappelle Essav le menteur, et mem doublé, a la valeur numérique du nom de Ya’akov, qui est semblable à Moché qui a étudié la Torah quarante jours et quarante nuits, sans interruption.