La Torah est un élixir de vie

« Ya’akov s’éveilla de son sommeil et dit: assurément l’Eternel est présent en ce lieu et je ne le savais pas. Il fut saisi de crainte et ajouta: que ce lieu est redoutable! Ceci n’est autre que la maison du Seigneur, et c’est ici la porte du Ciel » (Béréchith 28:16-17). Et Rachi commente: « Je ne le savais pas – si j’avais su je n’aurais pas dormi en ce lieu ».

Il est étonnant que Ya’akov, l’élu d’entre les Patriarches (Béréchith Rabah 76:1), se couche et s’endorme en ce lieu saint. S’il s’était rendu compte de la sainteté de ce lieu, il n’y aurait pas dormi. Est-il possible que ce lieu d’où « les prières d’Israël montent au Ciel » (voir Béréchith Rabah 69:7; Pirkei DéRabbi Eliézer 38), ce lieu auquel les Sages se réfèrent lorsqu’ils disent (Yérouchalmi Brach’oth 4:5): « Le Temple d’en-Haut est exactement au-dessus du Temple d’en bas », soit justement l’endroit que Ya’akov ait choisi pour dormir?

Nous avons d’autres sujets d’étonnement à propos de cette section, trop profonde pour en expliquer tous les détails.

Concernant le verset: « Il établit son gîte en cet endroit car le soleil s’était couché » (ibid. verset 11), les Sages expliquent que « D. fit disparaître le soleil avant son heure, afin d’obliger Ya’akov à s’arrêter en cet endroit » (Sanhédrin 95b). Il est difficile de comprendre pour quelle raison D. obligea le soleil à se coucher avant son heure justement pour que Ya’akov dorme en ce lieu? Pourquoi ne resterait-il pas éveillé?

Tout d’abord il est dit: « Il prit des pierres de l’endroit et les plaça sous sa tête » (verset 11), et ensuite il est dit: « Ya’akov se leva de grand matin et il prit la pierre qu’il avait placée sous sa tête » (verset 18), et non pas un certain nombre de pierres, comme il est dit précédemment. Les Sages expliquent (‘Houlin 91b): « Ya’akov prit douze pierres qu’il plaça sous sa tête, mais les pierres se disputèrent entre elles, chacune disant: c’est sur moi que cet homme vertueux va reposer sa tête, si bien que D. transforma toutes ces pierres en une seule ». D. ne fait pas de miracle sans raison, et donc, quel enseignement tirer de celui-là? A ce propos, il faut aussi se demander pourquoi, le lendemain matin après ce miracle, les pierres sont restées unies, car à ce moment-là, le miracle n’était plus nécessaire, et les pierres auraient pu retourner à leur état initial de douze pierres séparées?

Il est écrit : « Il prit la pierre… et l’érigea en monument, et il répandait de l’huile sur son faîte ». Pourquoi verser de l’huile sur la pierre? Que signifie cette onction?

Comme nous le savons, le Temple allait être construit plus tard en ce lieu où Ya’akov s’était endormi, car c’était le Mont Moriah (‘Houlin 91b). D. dirigea les événements de telle sorte que Ya’akov s’endormit justement en ce lieu d’où toutes les prières des Juifs montent au Ciel, car Il désirait Se révéler à lui et lui faire savoir qu’en cet endroit, le Temple allait être plus tard construit. D. fit tomber la nuit avant son heure, justement pour que Ya’akov s’endorme en ce lieu et pour lui apparaître en songe et lui faire savoir ce qui allait advenir des Enfants d’Israël.

Pour quelle raison? Ya’akov était « un homme intègre, qui passait son temps dans les tentes (de la Torah) » (Béréchith 25:27), et « Durant les quatorze ans où il avait étudié la Torah dans les tentes de Chem et Ever, il n’avait pas dormi » (Béréchith Rabah 68:14) comme il est écrit: « et il dormit en ce lieu – précisément en ce lieu, mais pas dans les tentes de la Torah ». La Providence pourvoyait à ses besoins matériels. D. changea en sa faveur l’ordre naturel du monde, puisque Ya’akov « parcourut la route d’un seul bond » (Sanhédrin 95b). D. voulait aussi lui épargner les fatigues de la route, et pour lui révéler le lieu où le Temple allait être construit plus tard, Il fit tomber sur lui un lourd sommeil, justement en cet endroit. Là, Il Se révéla et lui promit la prospérité, à lui et à ses descendants.

D. révéla à Ya’akov que le Temple ne serait détruit que si l’unité et les liens de fraternité entre les douze tribus d’Israël devaient se rompre. Nous savons que « le deuxième Temple fut détruit à cause de la haine gratuite » (Yoma 9b). Ce n’est que si tous les Juifs sont unis que le Temple peut continuer à exister. Pour symboliser ce fait, D. prit douze pierres – représentant les douze tribus – et les fondit en une seule (Pirkei DéRabbi Eliézer 35), sur laquelle Ya’akov reposa sa tête, et il pria pour que ses Enfants restent unis et maintiennent des liens fraternels afin que le Temple ne soit jamais détruit. Cela explique aussi pourquoi, lorsqu’il se réveilla le matin, les douze pierres ne se sont pas séparées, mais sont restées unies, pour nous enseigner que l’unité est le fondement de tout, comme il est écrit: « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Vayikra 18:19), qui est un principe fondamental de la Torah (Yérouchalmi Nédarim 9:4). Lorsque l’unité règne entre les individus, entre l’homme et son prochain, le Temple peut durer éternellement et il est indestructible.

Mais Ya’akov savait prophétiquement que deux Temples allaient être détruits, qu’ils n’allaient pas durer toujours, et donc que le Peuple Juif ne serait pas toujours uni. Il fut rempli de peur et de crainte pour ses descendants, il fut inquiet de ce qui allait leur arriver à la fin des temps, et il ne savait pas comment ils allaient pourvoir survivre à ce long et amer exil. D. le réconforta tout de suite pour ne pas assombrir le grand bonheur de Ya’akov en raison de tous les bienfaits que D. lui promettait, à lui et à ses descendants. Pour le rassurer, D. lui procura miraculeusement cette huile d’onction (Béréchith Rabah 69:7; Pirkei DéRabbi Eliézer 35) afin de la répandre sur la pierre. Le Peuple d’Israël est comparé à de l’huile, et Rabbi Chimon Bar Yo’haï dit (Chir Hachirim Rabah 1:21; Chemoth Rabah 36:1): « Comme l’huile qui est tout d’abord amère et en fin de compte douce, de même Israël subit tout d’abord des souffrances, et en fin de compte connaît la sérénité, comme il est dit: « humbles auront été tes débuts, mais combien brillant sera ton avenir » (Yov 8:7). De même que l’huile ne se mélange pas aux autres liquides, ainsi Israël ne se mêle pas aux autres nations, de même que l’huile flotte au-dessus des autres liquides, ainsi Israël sera toujours au-dessus ».

L’huile (le mot chémen, huile, est composé des mêmes lettres que le mot néchama , l’âme) fait allusion à l’âme juive, et Ya’akov – qui comprenait cette allusion – prit l’huile et en oignit la pierre dressée en monument (qui symbolise l’unité du Peuple Juif), afin de signifier que même si l’unité devait se rompre et que le Temple était détruit (à cause de la haine gratuite), D. leur viendrait en aide et les sauverait de leurs oppresseurs, parce que les Enfants d’Israël sont comme l’huile qui remonte toujours à la surface. Ils ne se mélangeront pas aux peuples du monde et ils n’imiteront pas leurs mœurs. Lorsqu’ils verront combien les actes de D. sont grands, ils reviendront à Lui de tout cœur, ils corrigeront leurs fautes, s’uniront de nouveau, et ils seront sauvés et délivrés, comme le disent les Sages (Tan’houma Nitsavim 1): « Les Juifs ne seront délivrés que lorsqu’ils seront unis comme un seul corps ».

Nous voyons donc que seule la Torah a le pouvoir de protéger Israël en tant que peuple, et chaque Juif en tant qu’individu. Celui dont tous les désirs et tous les actes sont fondés sur la Torah est protégé par la Torah, et elle le sauve (Sotah 21a), elle le soutient et le dirige puisque « l’homme est aidé dans la voie qu’il se choisit » (Makoth 10b). S’il suit la voie de la Torah, « s’il veut se purifier, il reçoit l’aide du Ciel » (Yoma 38b), et il réussit dans tout ce qu’il fait et partout où il va.

Bien que Ya’akov n’ait pas dormi pendant les quatorze ans passés chez Chem et Ever, « son regard ne s’était pas terni et sa vigueur n’était point épuisée » (Devarim 34:7), il ne s’était pas affaibli, il n’avait pas connu la maladie. Au contraire ses forces physiques étaient accrues par son attachement à D. dans le sens où il est dit « ils progressent avec des forces toujours grandissantes » (Téhilim 84:8), et il a mérité que la fin de ce verset aussi s’applique à lui: « et il verra l’Eternel à Sion », car c’est en ce lieu que D. se révéla à lui. Ya’akov avait acquis des forces qui lui permettaient de continuer à approfondir la Torah sans devoir dormir. Ce n’est que pour se marier qu’il quitta la maison d’étude de Chem et Ever, malgré son grand désir de continuer à étudier sans se donner de repos. Si son intention avait été de dormir, il n’aurait pas pris des pierres pour en faire son chevet, car il est impossible de dormir sur des pierres, et il est donc certain qu’il a reposé sa tête sur ces pierres uniquement pour qu’elles l’empêchent de s’endormir profondément, car il ne voulait prendre qu’un bref repos.

Mais D. dirige les événements, et Il réalisa pour Ya’akov un miracle évident. Toutes les pierres se sont unies en une seule, afin qu’il puisse dormir profondément et pour que D. vienne lui parler dans un songe. Il est certain que le sommeil de Ya’akov n’était pas un sommeil ordinaire, comme nous pourrions l’imaginer selon nos propres critères. Son sommeil est considéré par D. comme une prière, et c’est ce que disent les Sages (Brach’oth 26b): « Ici, il institua la prière du soir ». Les pierres sont restées unies en une seule, pour lui montrer que la volonté de D. était qu’il se repose et s’endorme sans être dérangé, et il se consola d’avoir dormi dans un tel lieu, puisqu’il y eut la révélation divine.

Les Sages nous enseignent que « Ya’akov n’est pas mort (Ta’anith 5b), il est toujours vivant, comme ses descendants. Le mot « mort » n’est pas mentionné à son sujet. « L’ange de la mort n’a aucun pouvoir sur celui dont toute la vie est plongée dans la Torah, comme Ya’akov» (Baba Bathra 17a). A plus forte raison, l’ange du sommeil n’aura aucune emprise sur lui puisque « le sommeil est un soixantième de la mort » (Brach’oth 57b). Il est certain que Ya’acov n’avait aucune intention de dormir car il n’avait aucun commerce avec le sommeil – avec la mort. Mais la Providence a voulu lui faire goûter un peu de l’autre monde durant sa vie.

Il en est de même pour tout homme, quel qu’il soit. Lorsqu’il étudie la Torah et y consacre toute son énergie, il reçoit l’aide du Ciel et il est capable de surmonter de nombreux obstacles. Il reçoit aussi la force et le courage de dominer ses besoins naturels. La Michnah (Avoth VI:1) dénombre les qualités de celui qui étudie la Torah de façon désintéressée et les grands mérites qu’il acquiert. La Torah lui donne « conseil, succès, intelligence et force » (Michlei 8:14). Surtout, elle est pour lui « un élixir de vie » comme le disent les Sages (Ta’anith 7a): Rabbi Bénaa enseigne: la Torah est élixir de vie pour quiconque l’apprend pour elle même ».

Nous savons qu’il existe des hommes dans les générations passées ou récentes, qui n’ont jamais dormi, comme par exemple le roi David qui témoigne de lui même (Téhilim 119:62): « Je me lève au milieu de la nuit pour Te rendre grâce » et les Sages expliquent (Brach’oth 3b; Bamidbar Rabah 15:12): « Avant minuit, il dort un peu, semblable au cheval, et se dresse ensuite comme un lion pour servir D. » Plus près de nous, nous avons le Gaon de Vilna, le Rabbin de Brisk et d’autres, pour qui Ya’akov est un modèle et un exemple, et qui ont surmonté le sommeil par leur étude assidue de la Torah, comme il est dit: « La nuit n’a été créée que pour l’étude » (Yirouvin 65a). Quiconque agit ainsi acquiert du mérite pour lui et pour ses descendants, et, comme Ya’akov, il a la révélation de ce qui arrivera à ses descendants afin qu’il puisse les bénir d’une bénédiction qui se réalisera.

 

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