L’honneur de la Torah n’a pas de limite

« Ya’akov fit un vœu et dit: Si l’Eternel est avec moi, s’Il me protège dans la voie où je vais, s’Il me donne du pain à manger et des vêtements pour me couvrir, et si je retourne en paix à la maison paternelle… » (Béréchith 28:20-21).

Est-il possible que Ya’akov – qui se distingue par la qualité de vérité (Mich’a 7:20), et « la Torah est vérité » (Yérouchalmi Roch HaChanah 3:8; Pti’ha Ekhah Rabah 2) – ait prié D. de pourvoir à ses besoins matériels, la nourriture et les vêtements, lui qui avait renoncé au sommeil puisque pendant les quatorze ans qu’il passa à étudier la Torah, il n’avait pas dormi (Béréchith Rabah 68:11), au lieu de prier pour une compréhension plus profonde et une crainte de D. plus grande?

Il nous semble qu’effectivement Ya’akov demanda à D. de lui donner la compréhension des secrets et des mystères de la Torah qui est comparée au pain, comme il est écrit (Michlei 9:5): « Venez, mangez de mon pain », nourrissez-vous de Torah, car « l’homme ne vit pas que de pain » (Devarim 8:3), et il faut désirer en tout premier lieu le pain de la Torah. Que demande-t-il exactement? Il demande d’être revêtu de Torah et d’en faire une partie de lui-même, d’être pénétré de Torah, et de mériter d’avoir une place parmi les hommes vertueux en ce monde et dans l’autre. En demandant du pain à manger, Ya’akov prie pour une plus grande et une meilleure compréhension de la Torah, il veut savoir de quoi il se nourrit, c’est-à-dire ce qu’il apprend, et désire faire de la Torah son occupation essentielle jusqu’à ce qu’elle devienne sienne, comme le vêtement dont il se couvre.

Celui qui poursuit un tel but parvient sans aucun doute à comprendre ce qu’est vraiment la grandeur de la Torah car il sait que, de même qu’il est impossible de vivre sans pain et sans eau, il est impossible de vivre sans la Torah qui est un élixir de vie (Yirouvin 54a), comme il est dit: « Elle est un gage de vie pour ceux qui en font leur sagesse » (Michlei 4:22). Celui qui sait et ressent que la Torah fait partie de son existence, ne pourra pas en venir à la dédaigner, car il n’aura pas l’idée de dédaigner une partie de lui-même, c’est-à-dire la Torah qui l’enveloppe comme un vêtement. De même que l’on veille à la propreté de ses vêtements, de même il faut veiller à l’honneur de la Torah qui est comme un vêtement, comme il est dit (Zohar III, 29b): « La Torah est le vêtement de l’âme, et aussi sa nourriture ».

Y a-t-il une limite à l’honneur dû à la Torah? Comment mesurer l’amour de la Torah? De même que l’on s’aime soi-même, et que l’on fait tout ce qu’il faut pour son bien-être corporel par respect de soi, de même (toute proportion gardée) il convient de respecter la Torah, car elle est une partie inséparable de nous. C’est la raison pour laquelle la Torah comprend un total de six cent treize commandements: deux cent quarante-huit commandements positifs correspondants aux deux cent quarante-huit membres du corps humain, et trois cent soixante-cinq interdits correspondants aux trois cent soixante-cinq muscles et tendons (Midrach Téhilim 32:4; Zohar I, 170b), ainsi les commandements sont inséparables du corps et aucun ne peut exister sans l’autre. C’est le sens du verset: « L’homme ne vit pas que de pain, il vit de toute parole que D. prononce ». Il existe différentes sortes de pains: un pain que l’on mange sans être rassasié, et un pain qui nourrit et rassasie. La Torah est appelée « pain » (Béréchith Rabah 70:5) comme il est dit: « Venez, mangez de mon pain » (Michlei 9:5). Le vêtement est celui dont se couvrent les sages, le vêtement à franges. Et les Sages ajoutent (Béréchith Rabah 8:1; Zohar I, 130b): « Celui qui le mérite, jouit de deux festins » c’est-à-dire qu’il jouit tant des biens matériels que des biens spirituels? Tel était le contenu de la prière de Ya’akov à D.

Le Rabbin Dessler écrit à ce sujet: « Chlomo HaMelekh’ a comparé la Torah au pain pour deux raisons. De même que le pain est une nécessité quotidienne et que l’on ne peut pas décider de jeûner pendant plusieurs jours en disant que l’on compensera en mangeant la part de chaque jour plus tard en une seule fois, de même on ne peut pas repousser l’étude de la Torah en se disant que l’on compensera plus tard le temps perdu. L’obligation d’étudier la Torah est une obligation de chaque heure et de chaque instant, de jour comme de nuit, et il n’y a pas de compensation possible, sauf pour celui qui est malade (Rambam, Halakhoth Talmud Torah 1:1). Un jour passé sans étude fait oublier ce que l’on a appris la veille, comme il est dit (Sifri Ekev 11:22): « Si tu me délaisses un jour, je t’abandonnerai deux jours ». De plus, il faut ouvrir l’appétit de l’étude comme on ouvre l’appétit pour le pain (par un vin apéritif et des choses qui stimulent l’appétit comme le disent les Sages (Pessa’him 107b): « les boisson fortes ouvrent l’appétit »). C’est un fait que le manque d’appétit est un signe de maladie et dans ce cas, la nourriture est nuisible, tandis que l’homme en bonne santé a bon appétit. Il en est de même de l’étude de la Torah; quiconque n’a pas l’appétit de l’étude n’est pas en bonne santé, son âme est malade, et il doit prendre garde de ne pas rejeter la Torah ».

Quel est le remède pour pareil malade qui n’a pas d’appétit pour la Torah? Qu’il aille s’asseoir dans la maison d’étude, qu’il écoute ce que les autres disent, sans aucun doute son appétit de l’étude en sera stimulé et il en viendra « à faire ce que tout d’abord il n’avait pas l’intention de faire » (Pessa’him 50b; Kalah 8; Zohar III, 85b). « Parce que vous avez abandonné Ma Torah, la terre d’Israël fut dévastée ». Pour expliquer ce verset, les Sages disent: « La terre fut dévastée parce qu’ils n’ont pas fait précéder leur étude de la bénédiction de reconnaissance pour le don de la Torah » (Nédarim 81a), ce qui indique qu’ils n’avaient pas de respect pour la Torah. Pour n’avoir pas prononcé la bénédiction de la Torah comme ils le faisaient avant de consommer du pain, leur appétit pour la Torah en fut diminué, et en fin de compte le Temple fut détruit et la terre d’Israël dévastée.

C’est un fait connu de tous que les plaisirs matériels, si répandus de nos jours, ne sont que des tentations diaboliques qui nous détournent de la voie de la Torah, et nous font abandonner la méditation non seulement le jour, mais aussi la nuit, au profit de la télévision, mère de tous les vices, qui attire à elle tant de gens, et qui est cause de tant de transgressions. C’est que le diable sait bien que le fils de David (le Messie) ne viendra que lorsqu’il y aura « une génération sans faute » (Sanhédrin 98a), et il est donc de notre devoir de pallier l’abandon de la Torah. C’est ce que le prophète dit concernant la destruction de Jérusalem et de la terre d’Israël (Yérémia 9:11-12): « Qui est sage pour comprendre cela, qui pourra transmettre ce que la parole de D. lui révéla? Pourquoi le pays est-il ruiné, dévasté comme le désert où personne ne passe? L’Eternel l’a dit: C’est parce qu’il ont abandonné Ma Loi… » Le mauvais penchant prend le dessus, et il faut agir avec beaucoup d’ingéniosité pour le vaincre, comme le disent les Sages (Soucah 52b; Kidouchin 30b): « Si tu rencontres ce vilain, entraîne-le dans la maison d’étude ».

Nous trouvons dans la Torah elle-même un exemple de l’honneur dû à la Torah et à son étude. Concernant Ya’akov et Yossef, il est écrit (Béréchith 37:2): « Telle est la descendance de Ya’akov, Yossef âgé de dix-sept ans… » et les Sages expliquent (Béréchith Rabah 84:8): « Ya’akov a transmis à son fils Yossef tout ce qu’il avait appris chez Chem et Ever ».

Il est difficile de comprendre que Ya’akov ait pu semer la jalousie et la haine entre les frères en donnant à son fils Yossef une tunique de soie, parce que « Israël aimait Yossef plus que ses autres Enfants » (Béréchith 37:3), auxquels il ne donna pas de tunique en soie. De plus il enseignait à Yossef tout ce qu’il avait appris chez Chem et Ever, mais il n’a pas transmis cet enseignement aux autres. Les Sages en concluent (Chabath 10a; Béréchith Rabah 84:8): « Il ne faut jamais créer de dissension entre ses Enfants, car c’est ce qui a causé l’exil de nos ancêtres en Egypte et leur esclavage ». Effectivement, pourquoi Ya’akov a-t-il provoqué une telle haine de ses fils envers Yossef? Si l’on voulait dire que c’est parce que Yossef était « le fils de sa vieillesse » (ibid. v.3), Binyamin « était plus jeune que lui, et pourquoi est-ce Yossef qui est appelé « le fils de sa vieillesse »?

Il est écrit (Ovadia 1:18): « La maison de Ya’akov sera un feu, la maison de Yossef une flamme », ce qui nous enseignent (Pessikta Zouta Vayetsé 30:25) que « Yossef est l’ennemi d’Essav, qui ne tombera qu’entre les mains du fils de Rah’el » (Baba Bathra 123b), consumé par le feu de Yossef. Ya’akov vit prophétiquement que la maison de Essav tombera entre les mains de Yossef. Pour cette tâche, Yossef (autant que ses descendants) a besoin d’être protégé par un grand mérite. Etant donné que « plus quelqu’un est grand, plus son mauvais penchant est grand » (Soucah 52a; Zohar I, 155a), il lui faut faire plus d’efforts pour le surmonter. Afin de donner à Yossef le pourvoir d’éliminer les ennemis de la maison d’Essav, Ya’akov, son père, se souciait plus de lui et eut envers lui plus de considération. Il lui enseigna la Torah afin de le renforcer dans sa tâche, et pour que lui et ses descendants aient le pouvoir de vaincre leurs ennemis. Etant donné que toutes les tribus bénéficieraient d’une telle préparation, Ya’akov était certain que les frères ne haïraient pas Yossef et ne seraient pas jaloux de lui, car ils savaient tous que Yossef était le feu qui brûlerait la maison d’Essav. Comment le vaincra-t-il? Seulement grâce à la Torah, puisque Yossef est comparé à un feu flamboyant, comme la Torah, ainsi qu’il est écrit (Devarim 33:2): « …à Sa droite, une loi de feu » et les Sages ont dit (Tan’houma Yithro 12): « La Torah est un feu et elle fut transmise dans le feu », c’est-à-dire que c’est grâce à la Torah qu’il consumera Essav.

Ya’akov savait la nécessité d’enseigner la Torah à Yossef, pour lui permettre de vaincre Essav pour le plus grand bien de tout Israël. Essav est semblable à Amalek, au Satan, au mauvais penchant, et Yossef est le Juste fondement du monde parce qu’il n’a pas trahi le signe de l’Alliance (Zohar I, 59b), et la Torah, elle aussi, est le fondement du monde (Avoth I:2). Les Sages disent (Kidouchin 30b; Sifri Ekev 11:18): « J’ai créé le mauvais penchant, et J’ai créé son remède: la Torah », car la Torah permet à l’homme de vaincre le mauvais penchant. Ya’akov enseigna la Torah à Yossef qui était « beau de taille et beau de visage » (Béréchith 39:6), afin de lui permettre de surmonter le mauvais penchant, surtout en Egypte « pays de licence et dont les habitants sont pervers » (Chemoth Rabah 1:22) pour qu’Israël puisse parvenir rapidement à la Rédemption de l’esclavage en Egypte, et à la Rédemption de l’esclavage au mauvais penchant et ses cohortes. Il est possible que, pour cette même raison, Ya’akov le favorisa en lui donnant une « tunique en soie ». Le mot passim a plusieurs sens, dont l’un indique que Yossef sauvera Israël des tentations du mauvais penchant, et l’autre que, grâce à Yossef, le temps de la Rédemption arrivera plus tôt (voir Baal HaTourim, Béréchith 37:3).

Cela nous permet de comprendre pourquoi « deux tabernacles accompagnent le peuple juif dans le désert, l’un à côté de l’autre: l’arche qui contenait les ossements de Yossef et l’arche de la Présence Divine ». Tout le monde se demandait pourquoi l’un était aux côtés de l’autre? C’est que « celui-ci a pratiqué tout ce que celui-là ordonna » (Sotah 13b entre autres). La puissance de Yossef lui vient de ce qu’il a surmonté le mauvais penchant en Egypte, et cela lui a valu l’honneur d’avoir son cercueil porté aux côtés de l’arche qui contenait les Tables de la Loi. Pour avoir fait de la Torah, partie intégrante de lui-même, il convenait qu’après sa mort il accompagne l’arche Sainte. L’étude de la Torah lui a valu aussi de mériter cette tunique de soie. Le commentateur Baal HaTourim montre que les lettres du mot ZéKéNIM, de son vieil âge, sont les premières lettres des mots Zrayim, Kedochim, Nachim Yéchouot, Moed, qui sont les traités du Talmud. Malgré tout, ses frères le jalousaient d’avoir étudié la Torah écrite et orale, bien que cette étude ait été son arme dans la guerre contre Essav. Ils n’avaient pas compris cette nécessité et c’est comme s’ils avaient dédaigné la Torah elle-même. Ce qui nous enseigne combien il est important de veiller à l’honneur de la Torah.

 

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