Les Mandragores

 « Réouven alla au temps de la moisson du blé, trouva des mandragores dans le champ, les apporta à Léa sa mère, et Ra’hel dit à Léa : donne-moi, je te prie, des mandragores de ton fils » (30, 14)

Réouven sort dans les champs à l’époque de la moisson, y trouve des mandragores et les rapporte à sa mère, Ra’hel qui aspire à avoir des enfants et qui a dit peu de temps auparavant à Ya'akov « Donne-moi des fils, sinon je suis morte. » Quand elle voit Réouven qui donne tant de satisfaction à sa mère, elle voudrait elle aussi à profiter de cette agréable odeur et demande : « Donne-moi, je te prie, des « mandragores de ton fils », toi qui a mérité d’avoir des enfants, donne-moi des mandragores de ton fils. Certes, je n’ai pas la chance d’avoir des enfants, mais je voudrais tout au moins profiter de ce qu’ils t’apportent, que tout au moins en cela j’aie la même part que toi. » Mais Léa refuse et lui répond avec rancune : « Est-ce peu de choses que tu aies pris mon mari ? » Il est vrai que tu souffres de ne pas avoir eu d’enfants, mais toi tu as Ya'akov dans ta tente, qui est plus important que des fils. C’est pourquoi elle proteste : cela ne te suffit-il pas que Ya'akov te donne son amour, tu voudrais aussi les mandragores de mon fils ? C’est un partage équitable, moi j’ai des enfants, et toi tu as Ya'akov. Ra’hel a compris ce que disait sa sœur Léa et a conclu un pacte avec elle : donne-moi des mandragores, et ce soir Ya'akov dormira dans ta tente.

Apparemment, cet accord demande explication. D’abord, la réponse de Léa n’est pas claire : est-ce comme cela qu’on parle à une femme qui n’a pas d’enfant, en particulier quand c’est votre sœur, et qu’elle était digne d’épouser Ya'akov ? Si Léa elle-même l’a épousé, c’est  uniquement parce que sa sœur lui a donné les signes convenus ! De plus, la conduite de Ra’hel elle-même n’est pas claire : quelle compensation a donc reçue Ra’hel avec ces mandragores, qu’est-ce qu’elles signifient, pour qu’elle soit prête à renoncer à Ya'akov ?

Nos Sages se sont déjà penchés sur le sujet des mandragores, et y ont vu des allusions à des mystères extraordinaires. Nous allons citer l’essentiel de ce que dit « Beer Maïm ‘Haïm », qui l’a longuement expliqué.

Réouven, comme le dit la Torah, souffrait du fait que Ya'akov ne partage pas la tente de Léa, au point qu’il a « déplacé le lit de son père ». Quand il a trouvé les mandragores, qui ont le pouvoir de réveiller l’amour, car le mot « doudaïm » est de la même racine que « dodim » (les amours), il a voulu les amener à sa mère, dans l’espoir que l’amour de Ya'akov pour sa mère s’en trouverait accru et qu’il s’installerait dans sa tente.

De son côté, Ra’hel estimait que l’amour de Ya'akov pour elle s’était affaibli, croyant qu’au bout de tellement de temps sans qu’elle ait eu d’enfants, peut-être que son amour pour elle avait changé. Quand elle a vu les mandragores, elle a craint encore plus son amour pour Léa, c’est pourquoi elle a demandé un peu des mandragores pour que l’amour de Ya'akov soit au moins égal entre elles deux. Et Léa lui répond : « Est-ce que cela ne te suffit pas que Ya'akov se trouve en permanence dans ta tente, tu voudrais encore prendre pour toi tout son amour ? » Ra’hel, quand elle a vu que Léa refusait de lui en donner, a proposé un compromis : « Donne-moi des mandragores de ton fils, et si tu crains pour l’amour de Ya'akov, je renonce à cette nuit, qu’il passera dans ta tente. » Léa a donné son accord, car même si cela entraînait un accroissement de l’amour de Ya'akov pour Ra’hel, cela lui permettrait de donner naissance aux tribus plus rapidement, ce qui était préférable.

On peut encore expliquer à ce propos que les deux, Ra’hel et Léa, avaient des intentions pures. Léa a fait tout cela pour que Ra’hel soit heureuse de son sort et n’ait pas d’amertume, elle lui dit qu’elle a de quoi se réjouir, certes elle n’a pas d’enfants, mais Ya'akov est meilleur pour elle que dix fils. Elle a mérité l’amour du plus grand de sa génération, de Ya'akov, l’homme parfait installé dans les tentes, donc elle participe à sa part dans le service de Hachem et à sa Torah. Ra’hel elle aussi a fait ce qu’elle a fait avec des intentions pures : montrer à Léa qu’elle aussi devait se réjouir de sa part, de ses enfants, et ne pas penser que Ya'akov ne l’aimait pas. C’est pourquoi elle a renoncé à la présence de Ya'akov pour cette nuit-là, afin de montrer à Léa que la part qui lui était échue, les enfants, était meilleure pour elle que Ya'akov. Tout cela était pour l’encourager, non pour traiter à la légère la présence du tsadik (cela lui a pourtant été reproché, car elle n’aurait pas dû s’exprimer de cette façon), mais comme on l’a dit, pour montrer à Léa combien elle devait se réjouir de sa part. Donc non seulement il n’y a pas là une faute dans les rapports entre les hommes, mais c’est exactement le contraire, tout ce qu’elles ont fait provenait de leur grand amour l’une pour l’autre. Il n’y a pas non plus une absence de satisfaction de leur sort, car chacune a compris que c’est ce que D. voulait, et se contentait de la part qui lui avait été destinée par le Créateur du monde. Mais quand chacune a vu sa sœur, elle a craint que ce soit elle qui ne soit pas heureuse et qui souffre de son sort, alors pour l’encourager elle a dit ce qu’elle a dit.

 

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