Les secrets appartiennent à D.

« Ya’akov a tant souffert qu’il disait de lui-même: Je viens à peine de sortir du malheur de Dina, du malheur de Yossef, du malheur de Laban... (Tan’houma Miketz 10), et il a révélé dans ces circonstances toute sa grandeur, comme le disent les Sages (Tan’houma Toledoth 14): « Il souffre mais ne se plaint pas de la rigueur de la Justice ».

J’ai médité ces propos. Pourquoi Ya’akov, qui a engendré les douze tribus de D. (Téhilim 122:4) et dont le visage est gravé sur le Trône de Gloire (Pessikta Zouta Vayetsé 28:13), a-t-il tant souffert durant sa vie, surtout du malheur de voir Dina violée par un non-juif (Béréchith 34:2) et profanée (ibid. 34:5)? Pourquoi Ya’akov doit-il souffrir de tout cela? (Nous avons déjà proposé une réponse dans le chapitre précédent, mais chaque étude révèle un sens nouveau).

C’est peut-être pour signifier aux générations futures que la conduite de Dina, sortant de la carriole - qui est assimilée à une Yéchivah - nous enseigne que chaque Juif doit éviter de sortir des murs de la maison d’étude et que, s’il en sort, il doit en subir les conséquences. Il faut créer des instituts d’enseignement de la Torah afin de servir de protection contre l’assimilation. Quoi qu’il en soit, il convient de se demander pourquoi Dina fut enlevée et violée par ce non-juif sans scrupule.

Nous apprenons là combien la Justice est stricte, car même envers les Patriarches qui étaient le support de la Présence Divine (Béréchith Rabah 47:8; Zohar I, 213) et étaient parvenus à la perfection, qui étaient « aussi resplendissants que les anges qui les servaient » (Béréchith Rabah 75:4), le jugement fut très sévère. Bien qu’ils aient eu des anges à leur service - des anges créés par les bonnes actions qu’ils pratiquaient uniquement pour obéir à la volonté du Créateur - ils n’étaient pas protégés contre la rigueur de la Justice.

Ya’akov venait tout juste d’atteindre une grande noblesse puisqu’il avait vaincu l’ange d’Essav (‘Houlin 92a), et repoussé la proposition d’Essav (Béréchith 33:12): « Partons, marchons ensemble, je me conformerai à ton pas ». Essav ne voulait l’accompagner et se joindre à lui que pour lui nuire et l’empêcher de progresser. Ya’akov aurait donc dû accomplir immédiatement son vœu afin de parvenir à une plus grande perfection, car la perfection n’a pas de limite, chaque jour l’homme approfondit sa connaissance du moment. L’homme doit continuer à progresser avec des forces toujours croissantes, sans se contenter de ce qu’il a déjà acquis. Il faut progresser chaque jour, chaque heure, chaque instant, car la vraie perfection est sans bornes.

Lorsque Ya’akov parvint à ce degré de perfection, il aurait dû continuer. Il avait encore beaucoup à faire pour atteindre le « tout » du monde à Venir, dans le sens de « Tout Israël a une place dans le monde à Venir » (Sanhédrin 90a), et ce « tout » est sans limite. Ce n’est que l’accomplissement de son vœu qui peut lui assurer la perfection (Béréchith Rabah 81:2) et c’est pourquoi il fut puni par le malheur qui frappa Dina.

Ya’akov cherchait fondamentalement à s’éloigner du mal puisqu’il avait dit à Essav (Béréchith 33:13): « Mon seigneur sait que ces enfants sont délicats, que ce menu et gros bétail qui allaitent exigent mes soins... » Il a expliqué à son frère qu’il ne désire pas vivre avec lui pour ne pas être dérangé dans l’éducation de ses enfants, une éducation qui lui coûte tant d’argent et nécessite tant d’efforts, et c’est pourquoi il lui dit: « Je cheminerai à ma commodité, selon le pas de la suite qui m’accompagne et selon le pas des enfants » (Béréchith 33:14). Autrement dit: J’irai d’étape en étape, de force en force, car ce n’est que grâce à la Torah que je parviendrai au « tout », au monde à Venir, sans être détourné de mon but par la richesse qui elle aussi est appelée « tout » comme il est écrit (Téhilim 49:18): « Quand il mourra il n’emportera rien [littéralement: « pas tout »], son luxe ne le suivra pas dans la tombe ». Ya’akov possédait ce dont il avait besoin, puisqu’il dit (Béréchith 33:11): « D. m’a favorisé et je possède tout ce dont j’ai besoin », c’est-à-dire qu’il était riche dans le sens où il était « satisfait de son sort » (Avoth IV:1), et il utilisait généreusement le surplus de ses biens pour accomplir des actes de bienveillance.

Et pourtant, la rigueur de la Justice s’en est prise à lui considérant qu’il y avait une faille dans sa perfection pour n’avoir pas rempli tout de suite son vœu et sa promesse. Loin de nous la pensée que Ya’akov n’avait pas tenu parole, mais son séjour à Chekhem fut considéré comme une faille, malgré la maison d’étude qu’il y avait instituée. Il nous est difficile de discerner avec précision comment la Justice s’est  alors manifestée contre lui, bien qu’il ait progressé dans d’autres domaines, et cela pour n’avoir pas encore rempli son vœu envers D. qui venait tout juste de le sauver des mains d’Essav et de confirmer les bénédictions (Béréchith Rabah 78:11). Seul l’accomplissement de sa promesse lui aurait permis d’atteindre le comble de la perfection. Bien qu’il soit dit qu’à ce moment-là, précisément, « Ya’akov arriva à Chalem » (chalem, entier) (Béréchith 33:18), « entier dans son corps, dans ses biens et dans sa Torah » (Chabath 33; Béréchith Rabah 79:5), il n’était pas parvenu au comble de la perfection en « tout », ce qui enseigne aux générations futures la rigueur de la Justice, et combien elle est pointilleuse.

Celui qui fait vœu de servir D. de toutes ses forces est jugé fautif tant qu’il ne réalise pas son vœu ou s’il ne le réalise que partiellement, même si dans d’autres domaines il a une conduite irréprochable.

Les Sages disent (Béréchith Rabah 80:4): « Pour avoir été enfermée dans la carriole, Dina finit par tomber entre les mains de Chekhem, fils de H’amor ». Pourquoi cela? Parce que la sentence avait déjà été prononcée contre Ya’akov à cause de son manque de perfection. Si D. avait promis de veiller sur lui et sa famille, pourquoi craignait-il le regard mal intentionné d’Essav? Si après l’avoir cachée dans la carriole, Ya’akov s’était empressé d’accomplir son vœu, il est possible que la sentence ait été annulée. Nous aurions alors expliqué que Ya’akov aurait pu repousser la demande en mariage d’Essav en prétextant que Dina était encore trop jeune. Mais nous voyons qu’il s’arrête à Chekhem et qu’il tarde à accomplir son vœu. Telle est la rigueur de la Justice envers celui qui manque de perfection. La conduite de Ya’akov nous enseigne à aspirer à toujours plus de perfection.

En résumé:

Ya’akov a subi durant sa vie beaucoup de malheurs, dont l’enlèvement de Dina par Chekhem. Pourquoi? Bien que Ya’akov ait progressé avec des forces toujours croissantes en s’éloignant d’Essav, en instituant une maison d’étude, en faisant le bien, la rigueur de la Justice a pesé sur lui parce qu’il n’avait pas accompli son vœu à temps. Le malheur de Dina le frappa parce qu’il n’avait pas craint les habitants de Chekhem. Il faut parvenir au comble de la perfection en tout, et il ne suffit pas de progresser uniquement dans certains domaines, et cela, afin d’éviter la rigueur de la Justice.

Quelle est la conduite convenable?

Chacun doit accomplir ses bonnes résolutions et tenir ses promesses pour progresser dans le service de D., dans tous les domaines. Il ne faut pas remettre à plus tard la possibilité de progresser, et par exemple, dès que l’on est libéré des occupations courantes, il faut courir vers la maison d’étude, faute de quoi la rigueur de la Justice pèsera sur notre tête car nous aurons laissé échapper la possibilité de réaliser à temps de bonnes actions avec nos bénéfices, comme Ya’akov nous en donne l’exemple.

 

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