La Torah et l’amour du prochain, correction de l’exil d’Egypte

« Et Ya’akov s’installa (Vayéshèv) dans le pays des pérégrinations de son père, dans le pays de Canaan » (Béréchith 37:1). Le Midrash explique: « Ya’akov espérait vivre une vie sereine, mais il en fut empêché lorsque le malheur causé par la disparition de Yossef le saisit. La promesse du monde à Venir ne suffit donc pas aux Justes, pour qu’ils aspirent encore à une vie tranquille en ce monde-ci! » (Béréchith Rabah 84:1).

Il nous faut comprendre le sens de l’expression Vayéshèv (littéralement: « il s’assit »). Pourquoi la Torah n’utilise-t-elle pas le mot « habiter »? C’est que l’intention du texte est précisément d’indiquer la position assise, de même que la Yéchivah est le lieu d’étude de la Torah. Ya’akov Avinou désirait se consacrer à l’étude de la Torah et au service de D. en toute tranquillité, mais l’affliction qui l’accabla à cause de Yossef l’empêcha de le faire dans la tranquillité.

Parfois l’étude de la Torah peut se faire à tête reposée, mais souvent cette étude exige de surmonter bien des obstacles. C’est ce que disent nos Sages: « La Torah s’acquiert par des souffrances » (Brach’oth 5a). Les peines qu’il faut endurer pour l’étude de la Torah sont autant d’épreuves pour celui qui l’acquiert à travers des souffrances.

Ya’akov Avinou désirait ériger en pays de Canaan un lieu permanent d’étude de la Torah afin d’annuler la sentence d’exil qui fut décrétée contre les enfants d’Avraham, car l’étude de la Torah a le pouvoir d’annuler les punitions, comme le disent les Sages: « La Torah nous protège et nous sauve » (Sotah 21a). Pourquoi fut-il frappé d’un si grand malheur? C’est que D. désirait lui faire comprendre que l’étude de la Torah n’est pas une activité aisée, effectuée à tête reposée dans le confort et le calme mais qu’il faut aussi étudier la Torah malgré les tourments de l’exil et, même si les douleurs et les tourments que l’on y rencontre sont grands, il ne faut pas pour autant négliger l’étude de la Torah.

Il semble que les mots Bé-éretz Cénaan (au pays de Canaan) dont les dernières lettres forment le mot Nétz (bourgeon) indiquent l’idée que le temps de l’exil pour ainsi dire « bourgeonne » et approche, comme il est dit: « Les boutons des fleurs apparaissent sur la terre » (Chir HaChirim 2:12) que Rachi explique ainsi: « Les jours d’été sont proches ». De même à propos de notre verset, le temps de l’exil approche. A pareil moment, il ne convient pas de se reposer sur les piliers de la Torah et de la piété, il faut surmonter les souffrances et étudier la Torah afin d’annuler les rigueurs de l’exil. Effectivement, l’exil d’Egypte, au lieu de se prolonger quatre cents ans (selon le décret de D. à Abraham), n’a duré que deux cent dix ans, justement parce que Ya’akov n’a pas connu de tranquillité en ce monde. Pour avoir surmonté toutes les souffrances, il a pu réduire l’exil de cent quatre-vingt-dix ans et atténuer la sévérité du décret.

Si nous considérons de plus près notre section, nous voyons que l’exil fut causé par une conduite fautive et apparemment mauvaise. Étudier la Torah ensemble, qu’on l’apprenne ou qu’on l’enseigne, entretient l’amour du prochain, des sentiments de fraternité, et conduit à l’amitié des uns envers les autres.

« Yossef enfant, passe son temps avec les fils de Bilha et les fils de Zilpa, épouses de son père » (Béréchith 37:2). La Torah témoigne expressément que Bilha et Zilpa sont les épouses à part entière de Ya’akov, mais Yossef soupçonnait ses frères, nés de Léah, de mépriser les fils de Bilha et de Zilpa comme s’ils ignoraient ce fait. Rachi explique: « Yossef passait son temps avec les fils de Bilha parce que ses frères les méprisaient et il voulait, lui, les réconcilier par des rapports amicaux ». Etant donné que la Torah témoigne que Bilha et Zilpa étaient les épouses de Ya’akov, il va sans dire que leurs enfants n’étaient pas méprisés par les autres frères et les soupçons sans fondement de Yossef ont causé un grand tort et finalement conduit à l’exil d’Egypte.

On peut maintenant comprendre la fin du verset: « ...et il proféra, sur leur compte, des médisances à leur père ». De quelles médisances s’agit-il? Nos Sages nous disent: « Lorsque Yossef voyait ses frères, les fils de Léah, mal agir, il rapportait la chose à son père, lui disant qu’ils mangeaient de la viande arrachée à une bête vivante, qu’ils méprisaient les fils des servantes en les traitant d’esclaves, et qu’ils avaient une conduite immorale » (Midrach Béréchith Rabah 84:7; Rachi ad. loc.). Pour comprendre Yossef, il nous faut savoir qu’il passait son temps avec les fils de Bilha et de Zilpa, épouses de son père, c’est dire qu’il s’était lié d’amitié avec eux, mais pas avec les fils de Léah, ce qui l’a amené à les soupçonner de dénigrer les fils des servantes. De tels soupçons concernant les pères des tribus d’Israël sont déplacés. Comment « les tribus de l’Eternel, témoins d’Israël » (Téhilim 122:4) peuvent-elles dénigrer leurs frères et les traiter d’esclaves! Yossef fut puni mesure pour mesure et il fut lui-même vendu comme esclave, ce qui en fin de compte a causé l’exil de nos ancêtres en Egypte.

Lorsque Yossef fut vendu comme esclave, Ya’akov refusa toute consolation: « Non, je porterai le deuil de mon fils jusqu’en enfer » (Béréchith 37:35). Pourquoi? Nos Sages nous disent: « Ya’akov savait que si aucun de ses fils ne mourait de son vivant, ce serait pour lui l’indication qu’il ne verrait pas l’enfer. Mais maintenant, pensant que Yossef est mort, il croit qu’il a manqué de perfection dans ses relations maritales et qu’il lui faudra subir les peines de l’enfer » (Méam Loez ad. loc.; Tan’houma Vayigach 9). Si tous sont vivants, c’est pour Ya’akov la garantie qu’il ne verra pas l’enfer mais, si un seul d’entre eux disparaît, c’est qu’il n’aura pas été parfait, et Ya’akov redoutait cela tout particulièrement.

Maintenant nous pouvons mieux comprendre ce qui a été dit plus haut: Yossef fréquentait les fils de Bilha et de Zilpa, épouses de son père, ce qui donnait à penser qu’il n’aimait pas ses autres frères, les fils de Léah et c’est la raison pour laquelle il rapportait à son père Ya’akov des calomnies à leur sujet. C’est effectivement ce que Yossef le Juste, qui ne fréquentait pas ses grands frères, insinue par ses accusations. Si les frères traitent les fils des servantes d’esclaves, il en découle qu’en tant qu’esclaves ils n’ont le droit d’épouser que des servantes et qu’il leur est interdit d’épouser des filles de familles libres. Tel est le sens de l’accusation d’immoralité, tandis que le fait de leur imputer du mépris envers les fils des servantes et de rapporter sur eux des médisances est de l’ordre de « la consommation d’un membre arraché à un animal vivant ».

Yossef aurait dû s’en garder. Compte tenu de sa propre grandeur, il n’avait aucun besoin de limiter ses relations fraternelles aux fils des servantes et de provoquer la méfiance de ses autres frères envers lui. Au contraire, il aurait dû se conduire avec tous de la même façon. Pour ne l’avoir pas fait, il fut puni.

Les Sages nous mettent en garde: « Un père ne doit pas favoriser l’un de ses fils plus que les autres, il ne doit pas passer plus de temps auprès de l’un d’entre eux au détriment des autres, car c’est la préférence de Ya’akov pour Yossef qui a amené ses frères à le jalouser, et qui en fin de compte les a tous conduits en Egypte » (Béréchith Rabah 84:8). Yossef lui-même, en montrant une préférence pour les fils des servantes, n’a fait qu’imiter son père, ce qui a causé l’exil en Egypte.

Revenons maintenant à notre première idée. Les accusations de Yossef ont causé un amer exil, mais l’étude de la Torah dans des conditions difficiles est un remède qui peut corriger les trois fautes qu’il leur reprochait: la viande arrachée à un corps vivant, le mépris de l’autre et l’immoralité. Voyons comment?

Les Sages nous disent: « La Torah s’appelle la vie » (Avoth D’Rabbi Nathan 34:10), et « La Torah est un élixir de vie pour le corps tout entier » (Yirouvin 54a; Cho’har Tov 78:1), c’est dire qu’une vie sanctifiée par la Torah annule la faute de consommer un membre arraché à un animal vivant, comme la Torah est un remède pour le corps.

Les Sages disent encore: « La Torah est un arbre de vie, elle est un remède contre la médisance » (Tanh’ouma Metsorah 2), c’est dire qu’elle corrige le mépris des autres et les calomnies contre ceux qui ne sont asservis à rien d’autre qu’à la Torah.

Ou encore: « La Torah et Israël sont liés l’un à l’autre comme des fiancés » (Sifri Brach’a 4), c’est donc que la Torah corrige l’immoralité, dans le sens où « la Torah est figurativement représentée par la femme vertueuse » (Yébamoth 63a), c’est dire qu’elle nous protège et nous sauve de toute inconduite. Cela va de pair avec l’amour du prochain, ce qui indique que la Torah - qui s’apprend et s’enseigne en groupe - peut compenser les souffrances de l’exil et rapprocher le temps de la rédemption.

De l’histoire de Yossef, qui a été puni pour s’être attaché aux fils des servantes et pas aux fils de Léah, nous apprenons le devoir de fraterniser avec chaque Juif, comme il est dit: « Tous les juifs sont liés d’amitié les uns aux autres ». Surtout, il faut désirer le bien de chacun (Avoth 4:15) et chercher à réaliser l’unité de tous jusqu’à être « comme un seul homme avec un seul cœur » (Mekhilta Yithro 19:2). Inversement, puisque « de ce qui est dit nous entendons ce qui n’est pas dit » (Bamidbar Rabah 9:47), celui qui s’attache aux uns à l’exclusion des autres manifeste ce faisant un manque d’amour, et il est interdit de ne pas aimer un autre Juif, comme il est écrit: « Tu ne haïras pas ton frère en ton cœur » (Vayikra 19:17). C’est ce qui est démontré par la conduite de Yossef, pour laquelle il fut puni.

A chaque Juif de se lier d’amitié avec tous les autres Juifs, c’est ce qui nous sauvera et amènera la rédemption, promptement et de nos jours. Amen.

 

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