Ya’akov et Yossef s’efforcent d’opérer la correction de l’exil

Il est vrai que Ya’akov a désiré tout d’abord s’installer dans la tranquillité afin d’annuler le décret de l’exil. Il aspirait à une résidence permanente, et non pas à être un résident étranger comme ses pères, justement « dans le pays des pérégrinations de son père » (ce qui répond à la question 8) et il voulait vivre tranquillement bien que les Justes n’aient pas de repos en ce monde, car son intention était d’annuler le décret de l’exil (et cela répond à la deuxième question).

C’est alors que le Satan s’en est pris à lui, disant qu’il ne méritait pas de vivre en paix, et Ya’akov fut puni pour les deux raisons indiquées dans le verset: pour avoir voulu s’installer tranquillement en ce monde - et selon l’argumentation du Satan c’est là, chose impossible, puisque l’essentiel dans l’étude de la Torah est la peine qu’on se donne et il est interdit de rechercher la tranquillité. Mais pour cette seule raison, il est possible que les Enfants d’Israël n’aient pas été exilés de leur pays. A cela s’ajoute une autre raison indiquée dans la fin du verset: « dans le pays des pérégrinations de ses pères ». Ya’akov n’a pas honoré ses parents et au lieu d’être comme son père un étranger de passage, il décide de devenir un résident permanent, au mépris de la volonté de son père. Il mérite donc, rétrospectivement, d’être puni pour n’avoir pas honoré ses parents pendant ses vingt-deux ans d’absence. Les deux raisons s’ajoutent l’une à l’autre, et Ya’akov fut privé de repos pour n’avoir pas honoré ses parents.

Il est possible que si Ya’akov avait tenté d’annuler le décret après la mort de son père, le Satan n’aurait pas pu s’en prendre à lui. Mais pour avoir tenté d’annuler le décret du vivant de son père, il a fourni un argument au Satan, car il ne convient pas que Ya’akov se conduise comme un résident en terre de Canaan, alors qu’Yits’hak y a vécu en étranger jusqu’au jour de sa mort. C’est ce qui attira sur Ya’akov la punition.

Nous pouvons à présent répondre à la question posée par l’Admor de Satmar: Pourquoi le malheur de Yossef l’a-t-il atteint, si D. exauce la volonté de ses fidèles et que le seul but de Ya’akov était de servir D. honorablement? Pourquoi est-il dit Roguezo, son malheur, un terme qui indique la colère, et non Tsaaro, sa peine?

Sur la base de ce que nous avons avancé, l’essentiel de l’accusation du Satan provenait de ce qu’il voulait que les Enfants d’Israël descendent en exil, car il est possible que là-bas, ils ne réussissent pas à corriger les étincelles de sainteté. Et donc le Satan prétend qu’il n’est pas permis de s’installer tranquillement, qu’il faut étudier dans la peine, et que « la Torah ne s’acquiert que par celui qui se meurt pour elle » (Brach’oth 63b; Chabath 83b), dans la souffrance (Brach’oth 5a), et avec de grands efforts (ibid. 63b). Et la Torah ne s’acquiert que par celui qui va à sa recherche, et Ya’akov veut s’installer tranquillement... ce qui est une faute, même si l’intention de Ya’akov était de servir D. et non pas de vivre confortablement en ce monde. Selon le plaidoyer du Satan: « les Justes ne se contentent pas de ce qui leur est réservé dans le monde à Venir qu’ils veulent aussi la tranquillité en ce monde? » (ce qui répond à la question 3, concernant la longueur du plaidoyer du Satan).

Cela nous enseigne combien il faut être attentif tant aux commandements faciles à pratiquer qu’à ceux qui sont difficiles, (Avoth II:1; Tan’houma Ekev 1), car nul ne sait quelle est la récompense de chaque commandement. Parfois, un commandement pratiqué uniquement pour obéir à D., peut attirer sur soi la colère de la Justice si on l’a dédaigné une seule fois sans s’être repenti de ce dédain. Chacun doit peser ses actes et ses gestes, car « la fin de toute chose est dans la pensée qui l’a motivée ».

Ya’akov désirait la tranquillité pour s’élever et se sanctifier, afin que toutes ses actions soient limpides et pures, et que le monde soit béni de prospérité. Il voulait corriger la faute d’Adam et restituer toutes les étincelles de sainteté à leur source, et il avait combattu et vaincu l’ange d’Essav (‘Houlin 92a). De plus, il est dit de lui qu’il est le plus parfait des Patriarches (Béréchith Rabah 76:1), son visage est gravé sur le Trône de Gloire (Tikouney HaZohar 22, 65b; Zohar I, 168a), il est lui-même appelé un trône (Zohar I, 97a). Du fait de sa grandeur, de ses vertus, et de son attachement à D., il aurait pu corriger tout ce qui devait l’être, et le décret de l’exil pour ses enfants aurait été annulé. Ses enfants l’auraient même aidé dans cette tâche car « tous sont Justes et sans défaut » (Chabath 146a; Chemoth Rabah 1:1), et Ya’akov aurait pu corriger tout ce qui le  nécessitait.

Bien qu’il ait quitté Béer Cheva contre son gré à cause de son frère, et bien qu’il ait continué à s’occuper de Torah ce qui aurait pu le protéger et l’excuser de n’avoir pas rempli son obligation d’honorer ses parents, la colère du Satan s’éveilla contre lui pour avoir désiré annuler la sentence de l’exil, et il fut frappé justement du malheur de Yossef et non d’un autre de ses fils (ce qui est notre septième question). C’est que Ya’akov comptait tout spécialement sur son fils Yossef, qui est appelé « Juste, fondement du monde » (Zohar I, 59b) pour avoir respecté le signe de l’Alliance. De plus, Yossef est celui qui doit vaincre Essav (Pessikta Zouta et Rachi Vayetzé 30:25; Zohar I, 158a), et Ya’akov espère justement que Yossef l’aidera à annuler l’exil, à anticiper la rédemption et amener le monde à se soumettre au règne de D. Mais il a fait l’erreur de ne pas attendre la mort de son père et de commencer à faire cette correction du vivant d’Yits’hak. Il est dit: « Ya’akov s’installa dans la terre des pérégrinations de ses pères, le pays de Canaan », pour indiquer que le pays de Canaan n’avait pas encore atteint l’apogée de ses fautes qui causerait son extinction, et ne pouvait pas encore servir de résidence permanente pour Ya’akov, et c’est la raison pour laquelle Yits’hak s’y conduisait comme un étranger et un résident de passage. Mais Ya’akov a apparemment dédaigné l’honneur de son père en ce qu’il désirait s’installer tranquillement pour s’occuper de la correction du monde... alors que le temps de cette tâche n’était pas encore arrivé. C’est pour toutes ces raisons que le Satan s’en est pris à lui.

Pour avoir compté sur Yossef pour l’aider à annuler le décret de l’exil, son projet fut annulé, et le décret s’est réalisé justement en Yossef qui fut séparé de son père pendant vingt-deux ans, de même qu’il s’était lui-même séparé d’Yits’hak pendant vingt-deux ans, une période bien plus longue que le temps fixé par Rivka. Dorénavant, ils ne pourront pas corriger ensemble la faute d’Adam en terre de Canaan, et c’est justement Yossef qui eut des songes et qui descendit en Egypte, et non un autre de ses frères.

Comme nous l’avons postulé dans notre quatrième question, il ne s’agit pas du « malheur » de Yossef mais d’un bienfait, car sa descente en Egypte était nécessaire afin de préparer la venue des Enfants d’Israël, honorablement, et non honteusement, enchaînés dans des fers.

Il est dit de Yossef (Béréchith Rabah 84:7; Zohar I, 189b) qu’il avait une conduite enfantine, il se frottait les yeux, sautillait, s’arrangeait les cheveux... Comment comprendre que ce Juste se livrait à de telles vanités, surtout en présence de son père et de son grand-père? Et comment comprendre qu’ils ne l’aient pas réprimandé?

Mais ce que nous avons dit, l’explique. Ya’akov voulait que Yossef l’aide à annuler le décret de l’exil parce que Yossef, qui est appelé le Juste, est celui qui doit vaincre Essav. Cela nous permet de comprendre que Yossef n’a pas voulu s’embellir gratuitement, mais pour conquérir l’ange d’Essav et le faire tomber. Le mot Bé-Séaaro, par ses cheveux, est composé des mêmes lettres que le mot Bé-Rish’o, par sa méchanceté, pour faire allusion au fait qu’il ne voulait pas s’embellir pour plaire mais pour surmonter son mauvais penchant et faire tomber l’ange d’Essav. Les lettres du mot Bé-Séaaro, forment aussi les mots Rav Essav, pour indiquer que Yossef s’est paré de bonnes actions afin de pouvoir vaincre l’ange d’Essav.

Cela explique pourquoi il se conduisait de la sorte en présence de son père et de son grand-père, et pourquoi ils ne lui firent aucun reproche: ils connaissaient ses intentions.

Nous voyons qu’en Egypte aussi, dans la maison de Poutiphar, Yossef s’arrangeait les cheveux... (Béréchith Rabah 87:3), et D. lui dit: « Je vais envoyer contre toi un ours, va te mesurer à lui ». Pour s’être embelli, il fut puni en étant tenté par la femme de Poutiphar, car D. lui dit (Tan’houma Vayechev 8): « Ton père porte le deuil à cause de toi, et toi tu bois, tu manges et tu t’arranges les cheveux! Je vais t’envoyer un ours... » Est-ce que Yossef cherchait à plaire, ou bien cherchait-il à dominer son penchant, comme il l’avait fait en présence de son père et de son grand-père, au pays de Canaan?

En fait, le temps de la correction et de la rédemption n’était pas encore arrivé, bien que Yossef ait pensé le contraire. Ya’akov fut puni justement à travers Yossef, car c’est lui qui s’arrangeait les cheveux et qui voulait anticiper le temps de la rédemption, déjà en terre de Canaan. Ya’akov aurait dû le lui reprocher, puisque le temps de la correction de la faute d’Adam n’était pas encore arrivé, seul l’exil accomplira cette correction. Pour n’avoir pas réprimandé Yossef, Ya’akov fut frappé par ce malheur, car le Satan a invoqué contre lui tous les arguments cités plus haut. Bien que la descente de Yossef en Egypte, une descente honorable et respectable, ait été nécessaire pour préparer la venue de ses frères, c’était « un malheur » et une punition pour Ya’akov qui n’avait pas réprimandé son fils. Le fait même que Yossef soit descendu en Egypte est la preuve que le temps de la rédemption n’était pas encore arrivé et qu’il n’était pas donné d’annuler le décret de l’exil. Mais une fois en Egypte, Yossef y a préparé la venue de Ya’akov et de ses enfants, car seul l’exil devait permettre d’opérer la correction voulue, qui ne se ferait pas en Erets Israël.

Après avoir été puni et exilé en Egypte pour avoir voulu aider son père à précipiter la venue de la rédemption avant son temps (en jouant avec les boucles de ses cheveux), pourquoi continue-t-il à le faire en Egypte, étant donné qu’il savait alors que le temps de la rédemption n’était pas encore venu?

Yossef savait que son père était en deuil et en peine à cause de lui, et il aurait dû comprendre que seul, sans Ya’akov, il ne pouvait rien corriger. Mais Yossef pensait que justement en Egypte, dans ce pays dépravé (Chemoth Rabah 1:22), il devait poursuivre dans sa voie à lui, se boucler les cheveux, non pas pour plaire, mais pour surmonter le mauvais penchant et vaincre le mal. Et effectivement, il l’a vaincu! Il est certain qu’en voyant sa beauté, le mauvais penchant a tenté de le faire faillir et de l’attacher à des plaisirs mondains. En effet, les Sages disent que « les jeunes filles Egyptiennes se promenaient le long des murailles pour voir Yossef passer, et de là, elles jetaient des bagues en or en direction de son char dans l’espoir qu’il lève les yeux vers elles » (Pirkey D’Rabbi Eliézer 39; Rachi Béréchith 49:22).

Mais cela n’empêchait pas Yossef de servir D. Il dominait les tentations comme un lion, et bien que tout le monde ait été heureux uniquement en le regardant, il aurait dû choisir une autre façon de servir D. Pourquoi cherches-tu à vaincre le mal de la sorte? « Ton père est dans la peine, pour ne t’avoir pas réprimandé lorsque tu étais chez lui, et ton comportement n’est pas naturel aux yeux des gens ». C’est ainsi que Yossef subit l’épreuve de la femme de Poutiphar. Ce récit nous enseigne qu’il est interdit de chercher à faire avancer le temps de la rédemption, et que l’exil permet de parfaire la correction nécessaire.

La correction et la rédemption ne commencèrent qu’après la descente des Enfants d’Israël en Egypte, et les Sages disent que c’est grâce au mérite de Ya’akov et de Yossef que les Enfants d’Israël furent sauvés d’Egypte (Bamidbar Rabah 13:19).

 

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