Les enfants de Ya’akov furent conçus en toute pureté

« Ya’akov leur père leur dit: Vous m’arrachez mes enfants! Yossef a disparu, Chimon a disparu, et vous voulez m’ôter Benyamin! » (Béréchith 42:36). Rachi rapporte le Midrach (Béréchith Rabah 91:9): « Il les soupçonnait de vouloir tuer ou vendre Benyamin, comme ils avaient vendu Yossef ».

La vente et le récit de la tunique entachée de sang auxquels Ya’akov fait allusion maintenant nous montre qu’il les soupçonne, ce qui est nouveau. Il faut se demander pourquoi il ne croit pas leur récit.

Citons tout d’abord quelques-uns des versets qui traitent de ce sujet, ce qui nous permettra de comprendre clairement tout cet épisode.

Il est écrit (Béréchith 37:33, 35): « Il s’écria: c’est la tunique de mon fils! Une bête féroce l’a dévoré! Yossef, Yossef a été mis en pièces! et il refusa toute consolation et dit: non! Je rejoindrai, en pleurant, mon fils dans la tombe! Et son père continua de le pleurer ». Par la suite, lorsqu’ils durent aller acheter du blé en Egypte, il est écrit (ibid. 42:2): « J’ai ouï dire qu’il y a du blé en Egypte. Allez-y, achetez-nous du blé et nous resterons en vie au lieu de mourir ». Et effectivement les dix fils de Ya’akov descendirent en Egypte sur la demande de leur père (ibid. 42:3) pour y acheter de quoi se nourrir.

Dans les versets qui relatent la vente de Yossef et la douleur de Ya’akov, ce qui n’est pas dit va bien au-delà de ce qui est dit.

1. Pourquoi le deuil de Ya’akov est-il si grand? Il a confiance en D. et il sait que tout ce qui est arrivé vient de Lui. Que craint-il?

2. Comment se fait-il qu’il soupçonne les frères? Ne sait-il pas que « celui qui soupçonne un innocent est puni » (Chabath  97a; Yoma 19b; Tan’houma Metsora 4)? Il est certain que les frères, « chefs des tribus d’Israël » (Téhilim 122:4) sont des hommes sans défaut, vertueux et justes (Chabath 146a, Chemoth Rabah 1:1). Comment les soupçonner sans preuve et sans raison? En outre, après la vente de Yossef, Ya’akov perdit l’inspiration divine (Tan’houma Vayechev 2). Comment donc pouvait-il savoir que ses fils, chefs des saintes tribus d’Israël, étaient coupables (puisque D. ne le lui avait pas révélé)?

3. Il faut aussi expliquer pourquoi les dix frères de Yossef descendent en Egypte acheter du grain. Un seul ou deux auraient pu accomplir cette mission.

Les Sages nous disent (Chabath 89b; Béréchith Rabah 86:1; Yalkout Chimoni 39): « Ya’akov aurait dû descendre en Egypte enchaîné dans des fers mais son mérite le protégea ». Les frères n’ont pas pensé un seul instant à la peine qu’ils allaient causer à Ya’akov, leur père, lorsqu’ils lui annonceraient la perte de son fils, et combien il serait difficile de le consoler.

Ya’akov de son côté aurait certainement préféré descendre en Egypte, même enchaîné dans des fers, afin de réaliser la prophétie « ta descendance... sera asservie et opprimée pendant quatre cents ans » (Béréchith 15:13), plutôt que de souffrir la peine de la vente de Yossef et la perte de l’inspiration divine (Tan’houma Vayechev 2; Pirkey D’Rabbi Eliézer 38), et ce n’est que lorsqu’il apprit que Yossef était en vie que « la vie revint au cœur de Ya’akov, leur père » (Béréchith 45:27).

Ya’akov servait D. dans la douleur, à cause de l’annonce de la mort de Yossef, d’autant plus qu’il avait reçu de D. l’assurance que « si aucun de ses fils ne mourrait de son vivant, il ne verrait pas l’enfer » (Tan’houma Vayigach 9; Midrach Hagadah). Il refusait de se laisser consoler, il craignait qu’un manque de perfection (Pessa’him 56a; Chir HaChirim 5:15) ne l’empêche de devenir « un soutien pour la Présence Divine » (Béréchith Rabah 47:8; Pessikta Zouta Le’h Le’ha 17:22), et que son image ne soit pas « gravée sur le Trône de Gloire » (Béréchith Rabah 82:2; Pessikta Zouta Vayetsé 28:13). Si tout cela devait lui échapper, ce serait signe qu’il était en faute, si bien qu’il s’écria: « Je rejoindrai mon fils dans la tombe! » tant sa peine et son deuil étaient grands à la pensée qu’il en était la cause.

Nous pouvons ajouter, à propos du verset « assurément (Akh) il a été dévoré » (Béréchith 44:28), que le mot Akh exprime toujours une restriction (Pessa’him 5a; Yérouchalmi Brach’oth 9:7), ce qui nous indique que Ya’akov ne sait pas avec certitude si son fils a été dévoré par une bête sauvage ou non, et c’est la raison pour laquelle il refuse toute consolation. Les Sages disent même (Béréchith Rabah 84:19): « C’est une loi que le défunt est oublié, puisque l’on n’accepte pas de consolation pour quelqu’un qui est en vie » (Béréchith Rabah 84:21; Sofrim 21). Yossef est peut-être en vie, et dans ce cas, Ya’akov peut continuer à prier pour que D. dans Sa bienveillance lui fasse retrouver son fils, et alors il saura que sa couche a été parfaite. Ya’akov n’a jamais perdu l’espoir de retrouver son fils Yossef en vie.

Nous pouvons comprendre pourquoi Ya’akov hésitait tellement à envoyer son fils Benyamin en Egypte, comme il dit: « Vous voulez m’ôter Benyamin! (Béréchith 42:36). C’est que « toutes les routes sont dangereuses » (Yérouchalmi Brach’oth 4:4; Kohélet Rabah 3:2), et « le Satan ne se montre qu’à l’heure du danger » (Yérouchalmi Chabath II:6; Béréchith Rabah 91:9). Ya’akov craignait « qu’un malheur lui arrive en route et vous ferez descendre, sous le poids de la douleur, mes cheveux blancs dans la tombe » (Béréchith 42:38). Si Benyamin devait mourir, c’est que la couche de Ya’akov n’aurait pas été parfaite.

Nous voyons là combien de souffrances l’homme est prêt à accepter, pourvu que la Présence Divine ne le quitte pas. C’est ce que dit David HaMelekh (Téhilim 51:12-13): « D. a créé en moi un cœur pur et fait renaître dans mon sein un esprit droit. Ne me rejette pas de devant Ta face, ne me retire pas Ta sainte inspiration ». C’est-à-dire: D. m’a donné un cœur pur afin que je ne faute pas et un esprit droit afin que je puisse supporter les souffrances, pour qu’Il ne me rejette pas loin de Lui, qu’Il ne me prive pas de Sa sainte inspiration.

C’est un fait connu qu’il est des Juifs qui se proclament tels mais n’hésitent pas pour autant à épouser des femmes non-juives. Ils doivent savoir que non seulement la Présence Divine les abandonne lorsqu’ils s’éloignent du D. d’Israël, mais ils mettent en grand danger le peuple tout entier et, surtout, ils font souffrir leurs parents de la douleur de voir leurs enfants quitter leur peuple « pour aller brouter dans des champs étrangers ». De tels parents préféreraient mourir plutôt que de voir leurs enfants s’assimiler à des peuples étrangers. De tels enfants sont coupables d’égoïsme, n’ayant agi ainsi que pour satisfaire leurs propres désirs, sans penser à la douleur et aux souffrances dont ils sont la cause.

Lorsque D. vit la douleur de Ya’akov qui aspirait à la perfection, Il lui restitua, dans Sa grande bonté, un peu de l’inspiration divine, comme il est écrit (Béréchith 42:1): « Il vit qu’il y avait vente de blé en Egypte » et les Sages remarquent (Béréchith Rabah 91:6): « Par inspiration divine, il vit qu’il y avait de l’espoir du côté de l’Egypte » (La valeur numérique du mot chever, compté avec le mot lui-même, est la même que celle de l’expression: « Son fils Yossef, un juste fondement »). Le mot Chever, brisure, indique que Ya’akov informa ses fils qu’il n’y avait pas lieu d’avoir peur en Egypte, puisqu’il s’y trouvait quelqu’un appartenant à notre peuple.

En apprenant que son fils Yossef était en vie, qu’il était le gouverneur de toute la contrée (Béréchith 42:6), la vie revint dans le cœur de Ya’akov (Béréchith 45:27) et Rachi explique: « L’inspiration divine qui s’était séparée de lui, lui revint » (Tan’houma Vayechev 2). Ya’akov craignait que sa couche n’ait peut-être pas été totalement pure, et que pour cette raison la Présence Divine l’avait quitté. Mais à présent, en apprenant que Yossef était le gouverneur de l’Egypte et qu’il était resté vertueux, il comprit qu’il n’en était rien, et la preuve en est que l’inspiration divine lui fut restituée.

Lorsque l’inspiration divine lui revint, il sut aussi que ses fils, ceux qui avaient vendu Yossef, avaient préparé la descente en Egypte, et que leur intention avait été pure, puisque D. Lui-même avait pris part au serment de ne pas révéler à Ya’akov la vérité (Tan’houma Vayechev 2; Pirkey D’Rabbi Eliézer 38). Yits’hak, qui savait que Yossef était vivant, n’a rien dévoilé non plus, se disant: « Si D. ne le fait pas savoir à Ya’akov, vais-je moi révéler ce secret? » (Béréchith Rabah 84:21). Pour quelle raison, jusque-là, Ya’akov soupçonnait-il ses fils?

Tout le monde sait que les bienfaits de ce monde n’adviennent que grâce au mérite des Justes, et le monde entier jouit de la prospérité grâce à eux, comme il est dit (Ta’anith 24b; Zohar III, 216b): « Le monde entier ne se nourrit que grâce au mérite de Mon fils ‘Hanania ». Effectivement, Ya’akov crut tout d’abord que son fils était mort, et il en porta le deuil. Mais par la suite, voyant que l’Egypte jouissait de la prospérité matérielle et spirituelle, il comprit que c’était grâce à Yossef. Effectivement, c’est Yossef qui conseilla à Pharaon de mettre en réserve les récoltes, lui disant (Béréchith 41:35): « Qu’on amasse toute la nourriture des années fertiles... » Ya’akov n’avait plus de doute que son fils fût vivant et qu’il fût resté vertueux, comme en témoignent les Sages (Vayikra Rabah 32:5; Chir HaChirim Rabah 4:24, Tan’houma Nasso 28), et il n’avait donc plus de raison de soupçonner ses fils de la vente de Yossef. Il comprit que tout avait été motivé par des intentions pures, afin de préparer la descente des Enfants d’Israël en Egypte.

Maintenant nous pouvons expliquer pourquoi Ya’akov envoya ses dix fils (sauf Benyamin) en Egypte. La joie fut très grande dans la maison de Ya’akov lorsqu’il annonça qu’il y avait vente de blé en Egypte, non pas qu’ils aient manqué de subsistance, puisque nous savons qu’ils avaient encore des récoltes (Ta’anith 10b), mais parce que l’inspiration divine fut restituée à Ya’akov et il se préparait déjà à rencontrer Yossef. Il envoya donc tous ses fils faire la paix avec Yossef et se faire pardonner, et finalement, il envoya aussi Benyamin pour que tous les frères soient réunis.

S’il n’y avait pas eu de famine en terre de Canaan, les fils de Ya’akov n’auraient pas pu descendre en Egypte chercher Yossef sans éveiller les soupçons de leur père. La famine obligea les frères à descendre en Egypte, ce qui leur donna un prétexte pour chercher Yossef sans éveiller les soupçons de Ya’akov.

Yossef aussi savait tout cela. C’est pourquoi, quand il  rencontre ses frères et se confesse à eux, il est écrit (Béréchith 45:1): « Yossef ne pouvait plus se contenir ». Yossef voulait en finir avec l’exil. Comment?

Citons le Pitou’hey ‘Hotam (page 88), concernant ce verset: « Il est possible qu’il y ait là une indication de la fin des temps. Toutes les dates sont passées et nous attendons toujours, et D. aussi attend. Nos yeux sont tournés vers Lui afin qu’Il nous prenne en pitié, et Lui attend le moment où Il nous ramènera à Lui et Il est en peine pour nous et pour Sa propre gloire. C’est l’attribut de Justice qui cause le retard, mais nous avons confiance qu’Il sauvera le peuple de Son héritage et nous dévoilera Sa Présence. Tel est le sens du verset « Yossef ne pouvait plus se contenir ». Ce verset indique notre long exil, et parle au cœur des Enfants d’Israël, leur enjoignant de ne pas perdre espoir ».

Dans le même sens, les Sages disent (Yérouchalmi Brach’oth 89:3): « Ra’hel fut l’une des premières prophétesses. Elle prie pour mettre un terme à l’exil, comme il est dit: « Ra’hel pleure pour ses enfants... » (Yérémia 31:15) ». Elle sait que la rédemption ne viendra qu’après six mille ans, qui correspondent aux six jours de la création du monde (Zohar II, 176b, 181b; III, 9b), et que la permanence du monde ne dépend que de l’attribut de Miséricorde, bien que l’attribut de Justice domine. C’est pourquoi elle appela son fils Yossef, indiquant par ce nom la fin de l’exil. Le Nom de D. est indiqué dans les premières lettres  des mots « Yossef ne pouvait plus (Vélo Yakhal Yossef) » (Vav, Youd, Youd = 26), et les dernières lettres forment le mot Elef. Dans le sixième millénaire D. amènera la rédemption. Ainsi, Yossef indiqua à ses frères l’approche du temps de la rédemption, et la venue du Messie.

Quelle est la voie à suivre?

Chacun doit s’efforcer de ne pas chasser la Présence Divine et de ne pas causer les souffrances et les peines qui sont la conséquence des mariages mixtes et de l’assimilation, choses qui sont sévèrement punies. Il faut rester attaché au peuple de D. et à Son héritage, de façon à être heureux en ce monde et dans l’autre.

 

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