La miséricorde doit précéder la colère

Commentant les versets: «L’Eternel (YKVK) dit à Moïse: Tu verras maintenant ce que je ferai à Pharaon» (Exode 6:1)... Dieu Elokim parla encore à Moïse et lui dit: «Je suis l’Eternel (YKVK)» (id. 21). Le Zohar (III, 227a) demande: pourquoi au début est-il écrit: L’Eternel YKVK, attribut de miséricorde, tandis que par la suite, la Torah se sert du terme Dieu Elokim, attribut de jugement (id. III, 30b), puis enfin de celui de l’Eternel YKVK?

C’est que la Torah ordonne à l’homme: «Prends soin de réprimander ton prochain» (Lévitique 19:17), si tu vois qu’il se conduit mal (cf. Erkhin 16b). Il convient de le faire d’abord avec beaucoup de tact, en utilisant un langage tendre, doux. Mais s’il n’améliore pas sa conduite, on doit lui parler d’un ton plus ferme, jusqu’à lui faire honte (Rambam, Hilkhoth Dé’oth 7:8).

C’est également l’attitude que doit adopter le père à l’égard de son fils. Autrement, il est susceptible de quitter la maison paternelle et de se pervertir. De même Moïse qui a tenu des propos déplacés au Roi des Rois, s’est vu réprimander d’abord selon l’attribut de miséricorde divine (YKVK), ensuite plus fortement, selon l’attribut du jugement (Elokim).

Le Talmud (Roch Hachanah 2a) distingue: «Il existe quatre Roché Chanah, celui des Rois (1<M^>er Nissan); celui pour le ma’asser des animaux (1<M^>er Eloul); celui des années, de la chémitah et des jubilés (1<M^>er Tichré), celui enfin des arbres (1<M^>er Chvat selon l’Ecole de Chamaï, 15 Chvat selon l’Ecole de Hillel)» Il enseigne aussi<M^> (id. 16a) que le Monde est jugé aux quatre époques. Et le jour de Roch Hachanah, toute créature passe devant le Saint, béni soit-Il, comme un troupeau de moutons pour être jugée... comme il est dit: «Il a formé leur cœur à tous et Il observe et comprend tous leurs actes» (Psaumes 33:15). Une question évidente se pose: Du fait que le jour de Roch Hachanah, le monde entier est jugé, pourquoi a-t-il été nécessaire de fixer trois périodes supplémentaires?

C’est que, l’homme ressemble à l’arbre de la vie, comme il est écrit: «Car l’homme est l’arbre du champ» (Deutéronome 20:19), mais à la suite du péché d’Adam qui a souillé l’Arbre de la Connaissance, toute la Créature a été souillée. C’est d’ailleurs ce qui a engendré la mort dans le monde. Même la terre a été châtiée pour le péché qu’elle a commis. Le Talmud (Yérouchalmi, kilaïm 1:7; Béréchith Rabah 5:9) enseigne en effet: Adam, Eve et le serpent sont tous trois passés en jugement mais la terre fut maudite avec eux, comme il est écrit: «Maudite est la terre à cause de toi» (Genèse 3:17). Et pourquoi a-t-elle été maudite? Parce qu’elle a enfreint la prescription divine pour les arbres fruitiers de donner, selon leur espèce, un fruit qui perpétue sa semence sur la terre (id. 1:11), c’est-à-dire qu’elle devait produire des arbres qui soient consommables et qui aient le même goût que le fruit qu’ils donnent. Or «la terre produisit... des arbres portant un fruit...» (id. 12)... Elle fut donc punie également: «Elle produira pour toi des ronces et de l’ivraie» (id. 3:18).

Si tous les besoins de l’homme étaient jugés en même temps que lui le premier jour de Tichré, ils n’auraient aucune chance de se «défendre», car par suite du péché d’Adam, toute la création a été souillée. En effet, nos Sages ont enseigné que l’accusateur ne devient pas défenseur (Bérakhoth 59a; Roch Hachanah 26a; Vayikra Rabah 21:9) et il n’y a point de miséricorde dans un jugement (Yalkout Chimoni, Vaet’hanan 815; cf. Kéthouvoth 84a). Ainsi, il est écrit: «Dieu sauve l’homme et la bête» (Psaumes 37:7): c’est par le mérite des bêtes que l’homme est sauvé [même si elles ne peuvent intervenir pour elles-mêmes, tout comme la terre a été châtiée par suite du péché d’Adam.]

C’est pourquoi nos Sages ont fixé un Premier Jour de l’An différent pour chacun des besoins de l’homme. Par exemple, en consommant des produits de la récolte, il peut élever les étincelles de sainteté qui se sont éparpillées dans la création, et hâter vraiment la Rédemption finale d’Israël et l’avènement de notre Machia’h (voir Or Ha’Haïm, Genèse 49:9; et Kédouchath HaChoul’han, où l’auteur s’étend longuement sur ces concepts).

On trouve une allusion à cela dans le mois de Chvat, où nous réussissons à rectifier les réincarnations des fruits: au Roch Hachanah des arbres, nous recevons de bonnes nouvelles (les premières lettres de Chénitbasser Béssoroth Tovoth forment le mot ChVaT) par l’intermédiaire de notre Rédempteur intègre. Il existe par conséquent, comme nous l’avons vu plus haut, des périodes de miséricorde et des périodes de jugement strict (c’est la raison pour laquelle les arbres ne sont pas jugés le Roch ‘Hodech de Tichré, jour du jugement de l’homme)...

Moïse avait demandé à Dieu: «Seigneur, pourquoi as-Tu fait du mal à ce peuple», en d’autres termes, pourquoi Te conduis-Tu à leur égard avec Ton attribut de jugement? Depuis que je suis allé vers Pharaon pour parler en Ton Nom (attribut de jugement) il a fait du mal à ce peuple.» «Il n’en est pas ainsi, répondit Dieu à Moïse, l’attribut de miséricorde suit toujours celui du jugement. C’est en fin de compte l’attribut de miséricorde qui prime à l’égard des enfants d’Israël et c’est ainsi qu’ils mériteront la délivrance.»

 

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