La bataille d’Amalek: élimination de l’orgueil et des forces étrangères
Efforçons-nous, dans cet exposé, de bien comprendre le concept même d’Amalek et de la bataille qu’il livra aux enfants d’Israël.
Comme nous l’avons déjà vu, aussitôt que les enfants d’Israël se mirent à négliger l’étude de la Torah et l’accomplissement des mitsvoth, Amalek vint leur livrer bataille.
Nous avons aussi vu qu’ils se sont purifiés et préparés cinquante jours à la réception de la Torah, et nous nous sommes demandé comment ils ont soudain négligé l’étude de la Torah... Pourquoi en fait les enfants d’Israël reçurent-ils l’ordre d’anéantir jusqu’à la mémoire d’Amalek, et surtout que signifie exactement cet enseignement de nos Sages selon lequel le Nom de Dieu et le Trône céleste ne seront parfaits qu’après l’effacement d’Amalek?
Remarquons que, comme l’écrit l’auteur de Hokhmath Matspoun, qui rapporte les propos de grands moralistes, les enfants d’Israël qui se trouvaient à un niveau spirituel extrêmement élevé, ne se sont pas rendu compte qu’ils négligeaient peu à peu l’étude de la Torah. En outre, seule une minorité d’entre eux commirent ce péché, comme le fait remarquer la Mékhilta sur le verset: «Moïse dit à Josué: «Choisis-nous des hommes» (Exode 17:9)... pieux assistés par leurs mérites.
L’unité devait cependant régner au sein des enfants d’Israël: ils devaient former un seul corps et être garants les uns des autres (Chavou’oth 39a; Sanhédrine 27b), car le péché de l’un commis par orgueil affecte l’autre. Comme on l’a vu au cours de la bataille de Jéricho, à Aï: ‘Akhan s’était approprié quelque chose du butin interdit, ce qui attira la colère divine sur tous les enfants d’Israël (Josué 7)...
L’Eternel et l’orgueilleux ne peuvent subsister dans ce monde, car ce n’est qu’à l’Eternel que sied la grandeur et la majesté... Tout comme Amalek (qui a pour valeur numérique 240, la même que RaM, élevé, orgueilleux), l’orgueilleux souille le Nom de Dieu, et à cause de lui, le Nom de Dieu et le Trône céleste ne peuvent être parfaits que s’il corrige son défaut...
Amalek livra bataille aux enfants d’Israël avant la réception de la Torah (eux aussi s’étaient enorgueillis), car, nous l’avons vu, la Torah ne subsiste que chez l’homme modeste. Celui qui veut accéder à la Torah, doit annuler son ego devant l’Eternel, livrer combat à son mauvais penchant... L’étude de la Torah, permet de maîtriser cette «montagne» (le mauvais penchant)... Mais Amalek, incarnation même de l’orgueil, est venu attaquer les enfants d’Israël avant la réception de la Torah parce qu’il s’opposait à ce qu’ils accèdent à l’humilité et donc à la Torah et à l’élévation spirituelle. Ainsi ce n’est que lorsque Amalek n’existera plus, que le Nom et le Trône de Dieu seront «achevés.»
Comme nous l’avons vu, seule une minorité des Israélites, négligèrent l’étude de la Torah. La Tourbe (’erev rav), qui étaient montés d’Egypte avec eux, avaient également corrigé leur conduite, mais en leur for intérieur, ils déploraient la catastrophe qui était survenue aux Egyptiens... Tout le peuple commença alors à négliger l’étude de la Torah... et fut attaqué par Amalek.
Commentant le verset: «vayi’had, Yithro se réjouit de tout le bien que l’Eternel avait fait à Israël» (Exode 18:9), le Talmud (Sanhédrine 94a) explique que Yithro eut la chair de poule (’hidoudine), quand il apprit la chute des Egyptiens. Comment peut-on concevoir que celui qui fut le premier à bénir l’Eternel, qui engendra de grands sages «les descendants de Kéni, qui montèrent avec ceux de Judah de la ville des Palmiers (Jéricho) au désert de Judah, qui est au midi d’Arad; et s’y établirent parmi le peuple» (Juges 1:16), pût déplorer leur perte? D’ailleurs, il déclara lui-même: «Béni soit l’Eternel, qui vous a sauvés de la main des Egyptiens et de celle de Pharaon... la méchanceté des Egyptiens s’est retournée contre eux» (Exode 18:11) ce qui témoigne de la joie qu’il éprouva à la chute de Pharaon.
C’est que le prosélyte n’oublie jamais son passé, même quand il fait téchouvah. C’est pourquoi il ne faut pas humilier un non-Juif en sa présence même après dix générations, ni le maudire (Sanhédrine 94a), ni lui rappeler son passé (Bava Metsia 58b; Torath Cohanim, Kédochim 19)... D’ailleurs, même pour la tourbe où se mêlaient les magiciens (cf. Tan’houma, Ki Tissa 19), la chute des Egyptiens était traumatisante; ils ont alors négligé l’étude de la Torah et contaminé les enfants d’Israël... Ainsi, d’après le Midrach (Chémoth Rabah 42:6), l’Eternel s’opposait à ce que le ’erev rav monte avec eux, de peur qu’il ne les contamine par leurs mauvais traits, et c’est Moché seul qui prit la décision de les accepter dans le peuple d’Israël.
C’est pourquoi, lorsque les enfants d’Israël firent le veau d’or, et que Dieu demanda de les tuer tous, Moïse Le supplia de leur pardonner «Sinon, dit-il, efface-moi du livre que Tu as écrit» (Exode 32:32). Il s’avouait coupable d’avoir accueilli le ’erev rav au sein des enfants d’Israël. C’est à cause de cette tourbe qu’ils se relâchèrent dans leur étude de la Torah et finirent par commettre le péché du veau d’or. Et c’est donc aussi à cause d’eux qu’Amalek est venu livrer bataille aux Israélites. D’ailleurs Amalek à la même valeur numérique que ram (orgueil), que ’erev rav (tourbe) et ’assou ‘éguel (ont fait le veau d’or) (240).
Nos sages enseignent (Yalkout Chimoni, Samuel I, 139) que lorsque sur les conseils de Samuel, Saül est allé livrer bataille aux Philistins, Dieu montra à Moïse comment Saül et ses enfants périrent au cours des hostilités, afin qu’en dépit de la sentence prononcée contre lui, il puisse jouir du monde futur. Mais Moïse pria l’Eternel de le laisser en vie. L’Eternel fit cependant taire Moïse en lui rappelant les nombreux péchés de Saül, notamment le massacre de Nov, la ville des prêtres (Yébamoth 78b), et en lui expliquant que sa mort le conduirait au monde futur.
D’ailleurs, Moïse savait bien que Saül avait enfreint le commandement divin lors de la bataille d’Amalek, du massacre des Cohanim, etc... Pourquoi alors devait-il prier pour lui?
C’est que Moïse considérait que les habitants de Nov méritaient la mort pour avoir offert un refuge à David qui fuyait Saül. David se révoltait contre la royauté et eux le faisaient à leur tour... Comme nous l’avons vu plus haut, Moïse avoua que, s’il n’avait pas accueilli la tourbe au sein des enfants d’Israël, ils n’auraient pas négligé l’étude de la Torah et Amalek ne serait pas venu les attaquer. C’est pourquoi ils avaient besoin d’un roi. Saül en l’occurence, pour livrer bataille à Amalek et réparer l’erreur de Moïse.
C’est pourquoi Moïse invoqua la miséricorde divine en faveur du premier roi d’Israël qui périt par sa faute... Il est possible que la tourbe manifesta un désir sincère de se convertir au judaïsme, mais la bataille contre les Egyptiens n’était pas encore achevée; aussi déplorèrent-ils la chute des Egyptiens... et c’est ce qui engendra la bataille d’Amalek. Les Israélites se raffermirent cependant et se repentirent (Yalkouth Chimoni, Yithro 275, Mékhilta Yithro 19b). Ils se débarrassèrent ainsi des impuretés apportées par la tourbe. La bataille d’Amalek sema une grande frayeur même au sein du ’erev rav, qui pensa à se remettre sur le droit chemin. Mais l’Eternel s’y opposait dès le début à cause du relâchement, aussi faible soit-il, dont ils étaient la cause...
Nous voyons de là les effets catastrophiques et contaminants de la paresse et de l’oisiveté... Un seul étudiant de Yéchivah peut contaminer tous ses camarades, bien qu’ils accèdent constamment à des niveaux de Torah très élevés...
C’est ce qui nous permet de comprendre le rapport entre la traversée de la Mer Rouge et la bataille d’Amalek. La tourbe qui avait assisté à la traversée de la Mer Rouge a, comme on l’a vu, fortement déploré la chute des Egyptiens, ce qui a conduit à la bataille d’Amalek. Ils firent ensuite téchouvah comme les enfants d’Israël. Yithro de son côté, a vu la victoire des Israëlites sur la kélipah des Egyptiens qui voulaient les retenir en Egypte, et les empêcher par là de s’engager dans l’étude de la Torah... Les Egyptiens finirent par se noyer par cette même kélipah, alors que les enfants d’Israël sortirent du quarante-neuvième degré de l’impureté pour franchir le cinquantième degré de la pureté.
Yithro prit connaissance de tous ces événements, et en eut la chair de poule, parce que les Gentils se souviennent toujours de leur passé. Les Juifs, quant à eux regardent toujours en avant, et s’imprègnent de tout le bien s’ils étudient la Torah... Quand un non-Juif se convertit exclusivement pour épouser une Juive (ou le contraire), leur vie n’est pas fondée sur la Torah, la connaissance divine, et l’accomplissement de mitsvoth. Comment peuvent-ils en saisir l’essence s’ils ignorent Qui l’a prescrite? Leur mariage qui ne visait que des intérêts personnels, est dépourvu de toute valeur spirituelle...
Le Talmud (Yébamoth 47b; Kidouchine 70b) enseigne que les prosélytes sont durs comme la peste, parce qu’il leur est difficile d’oublier leur passé, et même quand ils font téchouvah, ils sont susceptibles d’introduire l’impureté (même à un degré minimal) au sein des Juifs. Et comme nous l’avons vu plus haut, cette impureté, c’est l’orgueil, l’aspect d’Amalek qu’il faut éliminer par l’étude assidue de la Torah.
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