Le péché du veau d’or — «Réprimande ton prochain»

«Le peuple voyant que Moïse tardait à descendre de la montagne, s’attroupa...» (Exode 32:1) et «L’Eternel dit à Moïse: «Voici moi-même Je t’apparaîtrai au plus épais du nuage, afin que le peuple entende que c’est Moi qui te parle, et qu’en toi aussi ils aient foi constamment» (id. 19:9).

Le Ibn Ezra écrit: «Tout comme les Indous et les Egyptiens qui descendent de ‘Ham ne croyaient pas qu’on puisse parler avec Dieu et rester vivants, un certain nombre d’enfants d’Israël, asservis en Egypte, pensaient de même. C’est pourquoi il est écrit qu’«ils eurent foi en l’Eternel et en Moïse Son serviteur» (id. 14:31). Le verset ne stipule pas: tout le peuple eut foi, mais seul un certain nombre d’Israélites. En revanche, concernant le don de la Torah, il est écrit: «en toi aussi ils auront [tous] foi»; «nous avons vu aujourd’hui Dieu parler à l’homme, et celui-ci vit» (Deutéronome 5:21).

Mais le Ramban explique que Dieu dit à Moïse: «les enfants d’Israël aussi accéderont au niveau de prophètes, et entendront directement Ma parole.» Ils comprendront ainsi que Moïse est prophète et qu’il est le serviteur fidèle de Dieu.

En ce qui concerne la version du Ibn Ezra, on peut ajouter que si les enfants d’Israël ne croyaient pas en la prophétie de Moïse (qui tardait à descendre du ciel), pourquoi ont-ils attendu quarante jours pour commettre le péché du veau d’or? En vérité, ils croyaient en Moïse mais ils s’étaient trompés sur le nombre de jours à la fin desquels il devait revenir parmi eux, et comme, d’autre part, le Satan leur avait montré le cercueil de Moïse (Chabath 89a), ils estimaient qu’ayant accédé au niveau d’ange, il ne devait plus jamais revenir parmi eux. Ils construisirent donc un veau d’or, qui devait servir d’intermédiaire entre l’Eternel et eux... Mais lorsque Moïse descendit de la montagne, ils furent saisis de frayeur: où était donc leur bravoure, leur impudence, eux qui n’avaient pas hésité à tuer ‘Hour, fils de Miriam (Tan’houma, Ki Tissa 24), qui avaient menacé de mort Aharon s’il ne leur construisait pas le veau d’or... (id.; cf. Exode 32:28). Moïse descend donc de la montagne, brise le veau d’or, le réduit en cendres, en abreuve les pécheurs, brise les Tables de la Loi, et les enfants d’Israël se tiennent cois! C’est qu’ils croyaient indubitablement en Moïse après le don de la Torah. Ne l’ont-ils pas vu parler avec Dieu?

Si on s’en tient à la conception du Ramban, comment peut-on concevoir qu’ils aient commis le péché du veau d’or après avoir accédé au niveau de prophètes sur le Mont Sinaï? N’oublions pas que l’Eternel leur avait formellement prescrit de ne «point faire d’idole ni une image quelconque...» (id. 20:4), et même d’après le Ibn Ezra, comment eurent-ils le mérite de porter le titre de «génération savante» et de croire en Moïse et en sa prophétie; comment firent-ils écrouler les quarante-neuf portes de l’impureté et franchirent-ils la cinquantième porte de la Sainteté, mangèrent la manne... Comment virent-ils Moïse parler en tête à tête avec Dieu au milieu de la nuée, crurent-ils en Dieu et en Moïse Son serviteur? Comment ont-ils osé tuer ‘Hour, fils de Miriam; n’ont-ils pas eu peur d’Aharon qui était lui aussi un grand prophète et dirigeant, qui avait accompli de grands miracles, notamment ceux du sang, des grenouilles...

C’est que, nous l’avons vu, tous les péchés ont été commis par le ‘erev rav, la tourbe nombreuse (Tan’houma, Ki Tissa 26) que Moïse avait voulu abriter sous l’ombre de la Chékhinah: ce sont eux qui ne concevaient pas que celui qui a été engendré par une femme, puisse parler avec Dieu et rester vivant (d’après le Ibn Ezra). Eux, qui n’avaient pas accédé aux niveaux de foi et de prophétie, estimaient que Dieu avait tué Moïse qui avait osé Lui parler face à face. Le Satan ne leur fit-il pas voir Moïse mort? C’est pour cela qu’ils tuèrent ‘Hour, menacèrent Aharon et firent le veau d’or. C’est pourquoi l’Eternel dit à Moïse: «Va, descends! car on a perverti ton peuple...» (Exode 32:7) (d’après Rachi, il s’agit du ’erev rav)... Il est possible qu’un certain nombre d’Israélites aient suivis, mais ils se repentirent après avoir reçu la Torah.

Pourquoi alors les enfants d’Israël ont-ils été punis? Pourquoi les a-t-on dépourvu des deux couronnes qu’on leur avait placées sur la tête? (Chabath 88a) comme il est écrit: «Déposez donc vos ornements» (Exode 33:5). Si la tribu de Lévi avait, conformément à la prescription de Moïse, tué le ’erev rav, pourquoi les enfants d’Israël ont-ils été punis? Dieu voulait les exterminer comme il dit à Moïse: «Laisse s’allumer contre eux Ma colère et que Je les anéantisse» (id. 32:10), et: «mais le jour où J’aurai à sévir, Je leur demanderai compte de ce péché» (id. 34). Nos Sages enseignent à cet effet que le péché du veau d’or imprègne tous les autres péchés et toutes les souffrances au cours des générations (Sanhédrine 102a). Rappelons enfin que, lors du don de la Torah, le mauvais penchant a été retiré du cœur des enfants d’Israël, qui se débarrassèrent désormais de l’ange de la mort (Chir Hachirim Rabah 1:15), mais qu’à cause de la tourbe, toute la situation fut renversée. «Si, comme l’explique le Talmud, Touvia a péché, pourquoi Zigoud doit-il être puni?» (cf. Pessa’him 113b): Pourquoi les enfants d’Israël paieraient-ils les fautes commises par la tourbe?

On pourrait reprocher aux enfants d’Israël, qui représentaient la majorité, de ne pas leur avoir livré bataille. S’ils s’étaient attaqués à eux, ils les auraient certainement battus. Leur silence les rendait complices (Pessikta de Rabbi Eliézer 39; Bava Metsia 37b). Car Dieu nous prescrit: «Réprimande ton prochain, et tu n’assumeras pas de péché à cause de lui» (Lévitique 19:17), jusqu’à ce que l’autre lui fasse honte ou le blesse (cf. Rambam Mitsvoth Assé 205; Lo Ta’asséh 303, etc.). Nos sages nous obligent à réprimander celui dont la conduite est inconvenable (Zohar III, 46a; Erkhine 16b). Moïse dit à Aharon: «Que t’a fait ce peuple, pour que tu l’aies conduit à une telle prévarication?»

(Exode 32:21): en d’autres termes, pourquoi as-tu hésité à les réprimander au prix même de ta vie? Si tu avais réprimandé les enfants d’Israël, ils ne t’auraient rien fait, ils n’auraient pas tué ‘Hour...

Le Midrach enseigne que quelqu’un qui peut réprimander son prochain mais s’en abstient, paie la faute commise par celui-ci (Chabath 54b); il sera châtié ainsi que sa descendance. Jusqu’à ce jour, comme nous l’avons vu plus haut, nous sommes punis pour le péché du veau d’or, commis par nos ancêtres lointains.

«Allons! fais-nous un dieu qui marche à notre tête» (Exode 32:1), demanda la tourbe à Aharon. Les idoles ont-elles assez de force pour les diriger? Les Israélites ont-ils oublié tous les miracles que Dieu avait accomplis en leur faveur? Ne s’étaient-ils pas, comme nous l’avons vu, débarrassés de l’idolâtrie...

C’est que celui qui se repent par crainte, et non par amour, voit finalement sa crainte fondre également et il reprend le mauvais chemin. La téchouvah par amour a donc plus d’importance que celle qu’on fait par crainte de Dieu (Yoma 86b; Bava Metsia 33b). C’est ce qui est arrivé à la tourbe. Ils désiraient réintroduire l’idolâtrie d’Egypte et n’agir qu’à leur guise sans être châtiés.

Ainsi la tourbe dit aux enfants d’Israël: «Voilà tes dieux, ô Israël, qui t’ont fait sortir du pays d’Egypte!» (Exode 32:4). En d’autres termes, ces dieux ne vous puniront pas si vous fautez; ils ne veillent pas à ce que vous étudiez la Torah et accomplissiez des mitsvoth... Ne voyez-vous pas que nous nous sommes enrichis? Tout comme vous le faisiez en Egypte (Chémoth Rabah 16:2) sans être châtiés; venez donc nous rejoindre et adorons ensemble les idoles...

Les enfants d’Israël auraient dû attaquer de front la tourbe. Ils se sont abstenus de défendre la cause de l’Eternel, et ont été punis. Ils ont néanmoins fini par triompher du ’erev rav et servi l’Eternel, non par peur du châtiment, mais par amour, comme le leur rappelle le Prophète: «Ainsi parle l’Eternel: «Je te garde le souvenir de l’affection de ta jeunesse, de ton amour au temps de tes fiançailles, quand tu Me suivais dans le désert, dans une région inculte» (Jérémie 2:2).

N’agissons donc pas comme ces gens qui veulent ressembler à la tourbe, recherchent les plaisirs et les biens, se rendent chez les Tsadikim sans emprunter la voie divine, c’est-à-dire demandent la bénédiction divine sans servir leur Créateur; l’abondance que Dieu envoie au monde sans Le reconnaître... Nous voyons en outre parfois que «la voie des méchants est prospère» (id. 12:1). Ils pensent à tort que l’Eternel se trouve de leur côté; eux-mêmes avouent ne pas croire en Dieu et ne pas se fier à Lui. «Leur cœur n’est pas de bonne foi à Son égard, ils ne sont pas sincèrement attachés à Son alliance» (Psaumes 78:37). Ils ignorent que tout cela est l’uvre du Satan qui ne vise qu’à les tromper.

Conduisons-nous donc comme les enfants d’Israël, et non comme la tourbe. Croyons en Lui «par la bouche et le cœur.» Réprimandons notre prochain quand nous le voyons pécher. La faute du veau d’or sera alors corrigée, et nous accéderons au niveau de prophètes, comme les enfants d’Israël à leur sortie d’Egypte, après la réception de la Torah.

 

 

L’éthique rapproche l’homme de Dieu
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