Des juges et des officiers pour notre bouche

« Tu établiras des juges et des officiers dans toutes tes portes. » (Dévarim 16, 18)

D’après le Chla (début de Choftim), ce verset se réfère aux ouvertures du corps humain, comme la bouche et les oreilles, auxquelles il faut placer des juges et des officiers afin d’éviter la pénétration d’éléments interdits – aliments ou paroles prohibés. Il s’agit des barrières que nous plaçons autour de nous.

Une fois exposé à une vision impure, il est très difficile de s’en détourner. Comment baisser ses yeux en pleine rue, entouré de nombreux passants ? Si on marchait en regardant par terre, on serait pris pour un fou ! C’est pourquoi il nous incombe de nous éloigner de l’épreuve, en évitant les rues mal fréquentées. De même, nous ne prendrons pas place parmi des individus querelleurs ou médisants. Des précautions similaires seront prises concernant les autres interdits. De la sorte, nous ne serons pas confrontés à l’épreuve, nos policiers personnels nous arrêtant avant la zone à risque.

Ceux-ci doivent aussi travailler dans le sens inverse, en surveillant que l’homme ne soit pas générateur d’un péché. Le mauvais penchant le pousse souvent à médire ou, simplement, à raconter une histoire banale à son compagnon d’étude au milieu de la session. Nos gardiens ont pour rôle de nous en empêcher, de retenir tout acte ou parole interdit ou déplacé.

Nos Sages enseignent (Brakhot 34b) que « là où les repentis se tiennent, les justes parfaits ne peuvent se tenir ». Comment l’expliquer ? Les hommes ayant eu le courage de s’engager sur la voie du retour ont dû annihiler leurs mauvais traits de caractère. Or, comme le souligne Rav Israël Salanter, il est bien plus difficile d’enrayer un vice personnel que de s’élever spirituellement. D’où la vertu particulière des baalé téchouva.

Pour être à même de recevoir la Torah, les enfants d’Israël devaient atteindre la sainteté ultime ; aussi l’Éternel leur accorda-t-Il une grande assistance pour qu’ils puissent se hisser du quarante-neuvième degré d’impureté à son équivalent en sainteté. Chaque jour, ils se détachèrent d’un portique d’impureté pour pénétrer dans un de sainteté. Finalement, suite à ce travail suivi sur eux-mêmes, ils arrivèrent à un niveau supérieur à celui d’un Tsadik. Par ailleurs, il est plus difficile aux repentis de surmonter le mauvais penchant, car il ne cesse de leur rappeler leur passé réprimandable ; une grande dose de persévérance leur est donc nécessaire pour résister à ses assauts et ne pas désespérer.

Toute sa vie durant, mon père et Maître – que son mérite nous protège – était très scrupuleux à cet égard. Son extrême vigilance pour préserver la pureté de son regard est difficilement appréhendable. Il veillait également à surveiller ses propos. Non seulement il ne médisait pas ni ne colportait, type de propos aussi proscrits dans son entourage, mais, en plus, il ne disait pas une pointe de mensonge, même dans des cas permis.

Lorsqu’il quitta le Maroc pour s’installer en Israël, il emporta avec lui des bijoux d’argent et d’or, destinés à la dot de toutes ses filles. La loi du pays interdisait de sortir de ses frontières tout objet de valeur, mais Papa l’ignorait. Il ne les cacha donc pas et les plaça dans son bagage à main.

Quand il fit la queue pour la vérification des passeports, le monsieur le suivant, sachant ce qu’il avait emporté, lui dit avec mépris qu’il espérait que les passagers de l’avion ne seraient pas retardés à cause de lui. Papa lui répondit qu’il ne savait pas que c’était interdit et ne comptait pas mentir, quitte à perdre tous ses biens, si D.ieu l’avait décidé ainsi.

Le contrôleur lui demanda s’il avait de l’argent ou de l’or en sa possession. Plein d’assurance, il répondit par l’affirmative et en donna le détail complet. L’autre lui demanda s’il ignorait l’interdiction d’emporter avec soi de tels effets et Papa le lui confirma, ajoutant que si la loi l’obligeait à y renoncer, il le ferait.

Le supérieur fut appelé sur place. Il ouvrit le sac de Papa et fit le relevé de son contenu. Il constata que cela correspondait exactement à la description de mon père. L’Éternel fit en sorte qu’il trouve ainsi grâce à ses yeux. Il referma la petite valise, la rendit à son propriétaire et lui souhaita un bon voyage, l’invitant à poursuivre sa route en direction de l’avion.

Quant au Juif le suivant dans la queue, il fut soumis au même interrogatoire. Au départ, il avait prévu de mentir, mais, après avoir constaté qu’on avait laissé Papa passer, il décida de déclarer ce qu’il avait emporté illégalement. Le supérieur apparut de nouveau, mais, cette fois, se montra intransigeant. Après trois heures de rétention, il lui confisqua ses nombreuses richesses. Mon père fut récompensé pour son honnêteté, et cet homme fut puni pour son manque de respect à son égard. Finalement, c’est lui qui causa le retard du vol.

Le mauvais penchant domine dans notre génération. Autrefois, pour fauter, on était obligé de sortir dans des lieux peu recommandables, alors qu’aujourd’hui, on peut être assis au beit hamidrach et étudier, tout en possédant dans sa poche un cinéma en miniature. Cet appareil fait tomber toute barrière contre le péché. Que faire pour y échapper ?

Chassons le mauvais penchant logé dans notre poche et éloignons-nous au maximum de l’immoralité ! Parallèlement, prions et invoquons la Miséricorde de l’Éternel pour qu’Il nous mette à l’abri de ces périls permanents.

 

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