Le rôle des juges et des officiers

« Tu te donneras des juges et des officiers dans toutes les villes. » (Dévarim 16, 18)

Pourquoi la Torah a-t-elle jugé opportun de préciser cet ordre, alors qu’il est clair qu’un pays ne peut être administré sans juges et officiers chargés d’établir l’ordre et de veiller au respect de ses lois ? Pourquoi donner un commandement sur un sujet si basique, alors que chacun a conscience de cette nécessité ?

Avec l’aide de D.ieu, j’expliquerai que cet ordre de la Torah se réfère implicitement au mauvais penchant : elle demande à l’homme de nommer des juges et des officiers sur lui-même, afin de ne pas être tenté de suivre les incitations de ce dernier. En effet, si on ne met pas un frein à ses pulsions, on risque de tomber dans de profonds précipices. Dans sa ruse, le mauvais penchant rassure l’homme, lui signifiant qu’il n’a rien à craindre, alors qu’il l’entraîne vers sa perte. Lorsqu’il se réveille et réalise où il en est arrivé, il est trop tard. Il est déjà plongé dans les vanités de ce monde, desquelles il lui est très difficile de se séparer. C’est pourquoi la Torah nous ordonne de placer sur nous-mêmes des juges qui nous aideront à repérer le moment où le mauvais penchant tente de nous séduire et ainsi à échapper à ses prises.

L’homme doit également placer des juges sur ses traits de caractère, notamment afin de ne pas s’enorgueillir devant autrui, l’orgueil étant l’un des plus mauvais vices. D’ailleurs, l’orgueilleux n’est apprécié ni de son entourage ni de ses proches ou membres de sa famille. En outre, ce vice entrave la paix conjugale, car lorsqu’un mari se comporte hautainement à l’égard de son épouse et estime que tous lui doivent une obéissance absolue, cela crée des querelles. A l’inverse, celui qui garde le profil bas et pardonne à son épouse ses éventuelles offenses, contribue grandement à l’édification de leur foyer, tandis que le Saint béni soit-Il s’associe à leur joie et déploie Sa Présence en leur sein, comme il est dit : « Si l’homme et la femme sont méritants, la Présence divine réside parmi eux. » (Sota 17a)

L’un de mes élèves, que j’ai eu la chance d’aider à revenir à nos sources, m’a raconté l’histoire qui suit. Il avait l’habitude d’aller à l’hôpital pour rendre visite à une fille de sa famille gravement malade, dont la vie était en danger – que D.ieu nous en préserve. Il profitait pour rendre visite à un vieillard, dont le lit était proche de celui de la fillette, lui remontait le moral et lui apportait des sucreries.

Un jour, cet homme lui dit : « J’aimerais te dire un beau ‘hidouch, car, qui sait si tu me verras encore… Pourquoi faisons-nous trois pas en arrière, à la fin de la amida, quand nous disons ossé chalom ? Car, quand nous voulons nous réconcilier avec quelqu’un et coexister avec lui en paix, nous devons être prêts à reculer, à briser notre orgueil, à nous soumettre à lui. Si, au contraire, nous campons sur nos positions et refusons d’envisager les choses autrement, nous pouvons être sûrs que la paix s’éloignera de nous et que nous serons impliqués dans la querelle. »

Ce merveilleux ‘hidouch se vérifie dans la réalité et constitue un principe de base pour l’édification d’un foyer juif. Dès le début de leur vie commune, les conjoints doivent se placer des juges et des officiers, afin de maîtriser leurs traits de caractère et de briser leur fierté personnelle. Il leur incombe de pardonner les offenses et de passer l’éponge. Ils pourront alors être assurés de la solidité de leur foyer, dans lequel la Présence divine se déploiera.

De même, la mort précoce d’un être cher – que D.ieu nous en préserve – suscite en nous un réveil et nous incite à nous repentir, à nous rapprocher de l’Eternel. De telles tragédies engendrent des pensées de contrition ayant la dimension de juges et d’officiers, en cela qu’elles nous éloignent du mal et nous rapprochent du bien.

Le fils d’un Juif très riche de New York, atteint de la terrible maladie, encourrait un grand danger. Son père vint me voir en larmes, me demandant de prier en sa faveur, en m’appuyant sur le mérite de mes saints ancêtres. Grâce à D.ieu, son enfant guérit par la suite.

Je lui suggérai alors de s’engager à faire de lui un ben Torah. Mais, il lui était difficile d’accepter. Il me répondit : « Je propose que ce garçon, qui est très intelligent, se lance dans les affaires et suis prêt à ce que son jeune frère se voue à l’étude de la Torah. » Je lui affirmai que son aîné pourrait à la fois étudier et réussir dans les affaires. Il me donna son accord. A l’heure actuelle, il connaît effectivement du succès dans les affaires, tandis qu’il se consacre essentiellement à l’étude. Chaque jour, il lui réserve plusieurs heures et j’ai appris qu’il a déjà eu le mérite de terminer deux fois l’étude de tout le Chass (Talmud). Grâce à D.ieu, son jeune frère a lui aussi suivi cette voie et est devenu un véritable ben Torah.

Ce nanti est parvenu à placer des juges sur ses volontés personnelles, des officiers sur son mauvais penchant, en se montrant prêt à sacrifier la carrière de ses enfants pour l’étude de la Torah. Aujourd’hui, il est très heureux et retire d’eux une entière satisfaction.

 

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