« (…) afin que son cœur ne s’enorgueillisse pas »
« (…) afin que son cœur ne s’enorgueillisse pas à l’égard de ses frères. » (Dévarim 17, 20)
La Torah ordonne de témoigner de grands égards au roi d’Israël, de se soumettre à son autorité et d’accomplir ses ordres – par ailleurs, le roi n’a pas la possibilité d’être oublieux de son honneur : « Un roi qui pardonne son honneur [bafoué], son honneur n’est pas pardonné. » Pourtant, en dépit de cette aura de gloire, la Torah ordonne « que son cœur ne s’enorgueillisse pas à l’égard de ses frères ». Son comportement ne doit pas être vaniteux ; il doit résolument fuir l’orgueil et adopter une attitude humble et modeste… Et cela ne doit pas être seulement une façade, car même au fond de son cœur, souligne la Torah, il doit éliminer la moindre trace de fierté.
A priori, c’est une mitsva très difficile à appliquer, puisque, d’un côté, la Torah demande de témoigner au souverain des égards extrêmes, tandis que de l’autre, elle lui impose la modestie. Comment peut-on exiger du roi de rester modeste, d’éliminer tout sentiment d’orgueil, face aux honneurs dont le peuple le couvre ?
Il est certes, me semble-t-il, assez difficile de s’efforcer de ressentir une humilité intérieure, mais nos Sages soulignent (Min’hat ‘Hinoukh, mitsva 16) que les actes, les gestes extérieurs ont une influence sur l’intériorité, qui suit naturellement la direction qu’ils lui impriment. Aussi, pour raffiner son caractère et diminuer sa fierté intérieure, faut-il avant tout se comporter vis-à-vis du monde avec modestie et humilité, et s’habituer à ne pas marcher avec superbe, la tête haute face à ses sujets. À la longue, cette habitude deviendra une seconde nature, jusqu’à ce que la modestie fasse partie intégrante de son intériorité, comme le verset l’y engage.
Car, de même qu’un homme est naturellement influencé par son entourage – comme l’écrit le Rambam (Hilkhot Déot 6, 1), ses opinions et ses actes ont tendance à suivre ses amis et proches –, ainsi, le cœur suit la voie ouverte par les actes physiques concrets. Et, si la personne adopte une attitude hautaine et prétentieuse, son intériorité ira dans le même sens, et il lui sera ardu d’acquérir la vertu de l’humilité dans son cœur. Par contre, si son attitude extérieure traduit l’humilité, celle-ci va s’ancrer en elle et influer sur son existence intérieure, et il lui sera facile de se conformer à la recommandation de la Torah que « son cœur ne s’enorgueillisse pas à l’égard de ses frères ».
La manière dont l’homme se conduit extérieurement influe grandement sur son intériorité. Aussi, si son corps est brisé à cause de ses mauvais traits de caractère, son cœur en subira lui aussi les dommages. Il est donc de notre devoir de nous soucier avant tout d’avoir un comportement extérieur correct, de fuir tout geste d’orgueil. Nous pourrons alors être assurés que par cette humilité s’ancrera aussi au plus profond de notre cœur.
Alors que nous sommes au mois d’Eloul, période de miséricorde et de séli’hot pendant laquelle nous faisons téchouva et regrettons nos mauvaises actions, il importe de rappeler que l’obligation de la téchouva s’applique à toute l’année. En particulier chaque Chabbat, il nous incombe d’examiner nos actes et de nous repentir comme au mois d’Eloul – dont les premières lettres nous renvoient au verset de Chir Hachirim « Ani ledodi vedodi li – Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi », texte lu également le Chabbat. En outre, Chabbat contient en hébreu presque les mêmes lettres que le mot téchouva. Mais cela ne s’arrête pas puisque, dans le cantique quotidien, nous situons à chaque fois le jour où nous nous trouvons par rapport à Chabbat. Cela nous renvoie à notre obligation quotidienne de nous remettre en question en examinant nos actes et en les abandonnant le cas échéant. Quelle est donc ici la spécificité du mois d’Eloul ? La téchouva a alors plus de valeur et il existe une assistance divine particulière pour ceux qui aspirent à se rapprocher d’Hachem.
Là aussi, la condition première à la téchouva est de s’effacer et de se soumettre devant Hachem. Car celui qui est prêt à se plier et à se soumettre totalement à Hachem, à s’annuler devant la Torah et sa sainteté, se lie parfaitement à Hachem comme dans le verset (Devarim 4, 4) : « Et vous qui adhérez à l’Éternel, votre Dieu, vous êtes tous vivants aujourd’hui ! »
Puissions-nous savoir nous annuler devant Lui et accomplir Sa volonté et Ses mitsvot, et par cela, nous aurons le mérite d’être inscrits et scellés instantanément dans le livre des Tsadikim pour une existence heureuse et paisible. Amen !