Si l’homme et la femme sont méritants…
« Souviens-toi de ce que t’a fait Amalek en chemin, lorsque vous êtes sortis d’Égypte. » (Dévarim 25, 17)
Pourquoi la Torah nous a-t-elle ordonné de garder en mémoire les méfaits d’Amalek et de l’anéantir ? Quelle est la raison d’une telle colère ? En outre, la Torah évoque à maintes reprises, concernant cette mitsva, la notion de souvenir – depuis « souviens-toi de ce que t’a fait Amalek » jusqu’à l’insistance du « n’oublie pas », qui vient ensuite, ce que l’on ne retrouve pas pour les autres mitsvot.
Pour comprendre ce point, nous allons évoquer le thème de la paix conjugale. Nous entendons malheureusement régulièrement les échos de couples qui s’entredéchirent, dont la dispute est le lot quotidien. C’est devenu hélas si courant que cela nous semble normal et naturel que certains couples soient compatibles, et d’autres, non.
Pourtant, si l’on approfondit la réflexion sur ce problème, on s’apercevra que la mésentente et la haine gratuite qu’il peut y avoir au sein d’un foyer sont étonnantes et même injustifiées. En effet, au début, quand les conjoints se sont connus, un amour intense régnait entre eux et au moment du mariage, le fiancé avait de sa Kalla l’image d’une jeune fille parfaite réunissant toutes les qualités – une vision qui était tout à fait réciproque. Comment se fait-il, dans ce cas, qu’il y ait eu un tel renversement de situation, que l’amour ait laissé la place à la haine, et que leurs cœurs soient tellement désunis qu’au lieu de chercher le bien de son conjoint, chacun ne cherche qu’à lui nuire ?
Pour répondre à cette question, nous allons analyser la sentence de nos Sages (Yevamot 62b) : « Celui qui aime sa femme comme lui-même et l’honore plus que lui-même, à lui s’applique le verset : “Alors tu appelleras et le Seigneur répondra, tu supplieras et il dira : ‘Me voici’.” » (Yéchaya 58, 9)
Or, certains, se trompant dans la compréhension du concept d’« aimer comme sa propre personne », croient naïvement que leur épouse doit se comporter comme eux, et que s’ils ne prennent pas soin de leur physique et de leur apparence et s’habillent avec négligence, leur moitié peut se contenter de vêtements simples et bon marché, et n’a nul besoin de se faire belle pour eux. Dans ce cas, ils se montrent mesquins concernant les dépenses de leur femme.
C’est là une grosse erreur et une mauvaise compréhension des paroles de la Guémara. Car aimer sa femme comme sa propre personne, c’est exactement le contraire : le mari doit ressentir les sentiments de son épouse et en tenir compte, sachant que la femme aime par nature prendre soin d’elle-même et s’arranger pour son mari. Elle aime par ailleurs que règnent chez elle un ordre et une propreté impeccables. Son mari doit donc la comprendre et se soucier de combler ses besoins, notamment en lui achetant des vêtements beaux et honorables selon ses capacités. Plus, c’est au mari qu’il appartient de se comporter comme sa femme et de s’habiller convenablement pour faire plaisir à son épouse et lui donner l’image d’un homme honorable et important. C’est ainsi que leur entente conjugale s’améliorera.
À toutes les époques, nombre de grands Maîtres étaient vêtus avec un soin extrême et avaient une maison belle et agréable. C’était notamment le cas du grand rabbin de Turquie, Rabbi ‘Haim Palaggi zatsal, au point qu’un grand Maître ashkénaze, en visite chez lui, lui fit part de son étonnement. Ne dit-on pas que ce monde est comparable à une simple antichambre ? Pourquoi investir tellement dans l’éphémère ? Seyait-il à un érudit d’une telle envergure de décorer sa demeure avec tant de faste ? Imperturbable, Rabbi ‘Haim Palaggi lui fit la réponse suivante : « Nos Sages affirment que si mari et femme sont méritants, la Présence divine réside au sein de leur foyer. Or, si ma demeure accueille la Présence divine, il est normal que je l’orne et l’embellisse comme le palais d’un roi ! »
Cette anecdote souligne aussi l’importance de porter des vêtements propres et corrects, et non pas d’avoir une allure négligée. En voyant ses bonnes manières et son comportement décent et honorable, l’épouse d’un tel homme sera certainement satisfaite et le respectera, si bien qu’une bonne entente et son corollaire, à savoir la Présence divine, couronneront leur union.
Pour en revenir au sujet abordé au début de notre développement, c’est la raison pour laquelle la Torah porte un jugement si sévère sur les méfaits d’Amalek, et nous demande de rayer sa descendance de la surface de la planète, tout en nous ordonnant de ne pas oublier ses agissements ignobles. Car Amalek est le trouble-fête qui vint perturber l’amour des « jeunes mariés » qu’étaient alors Hachem et le peuple juif. Il est venu refroidir l’affection et l’amour que ressentaient les enfants d’Israël pour le Créateur, comme s’il avait placé un écran séparant le fiancé – Hachem – de sa fiancée – Israël. Cet amour qui se renouvelait sans cesse s’est refroidi suite à la guerre menée par Amalek – dommage qui continue à se faire sentir dans toutes les générations suivantes, jusqu’à la venue du Machia’h. Ce n’est qu’à ce moment-là que l’amour entre D. et Son peuple retrouvera son niveau initial – celui des « noces » au mont Sinaï.