La dissipation de la peur du jugement

« Le lion a rugi ; qui n’aurait peur ? » (Amos 3, 8)

Les ouvrages saints soulignent que le mot arié (lion) correspond aux initiales d’Éloul, Roch Hachana, Yom Kippour et Hochana Rabba. Dans les générations précédentes, les gens étaient saisis de crainte quand arrivait le mois d’Éloul. Le rugissement du lion faisait fondre les cœurs et tous se remettaient en question, abandonnaient leurs mauvaises voies et prenaient de bonnes résolutions.

Pourquoi, de nos jours, ne réagissons-nous pas ainsi ? Comment expliquer que nous restions indifférents, alors que nous savons que notre jugement approche ? Pour quelle raison les Juifs de notre époque ne cherchent-ils pas à s’améliorer, pendant cette période-là, et poursuivent-ils normalement leur routine ?

Telles sont les questions soulevées par Rav Its’hak bar Zakaï chelita, dans le journal Yabïa Omer. Il explique que la poursuite effrénée des plaisirs de ce monde dissipe la peur du jugement. Si nous marquions une pause dans la course de notre existence pour méditer sur les événements de l’année passée et faire le point sur notre situation spirituelle, pas particulièrement brillante, nul doute que nous parviendrions, au moins dans une petite mesure, à ressentir la peur du jugement imminent et, en conséquence, à modifier notre conduite.

Mais pourquoi sommes-nous si attirés par les jouissances physiques, plutôt que par le suprême délice spirituel de l’étude de la Torah et l’observance des mitsvot ? Certes, nous observons celles-ci et l’étudions, mais sans éprouver de joie particulière, parce nous le faisons comme des automates, afin de nous acquitter de ces devoirs. Ce manque de ferveur nous empêche d’en retirer du plaisir, puisqu’on considère ces actes comme un lourd fardeau, auquel on se soustrait dès que l’occasion se présente. Par ailleurs, celui qui ne retire pas de satisfaction des mitsvot et de l’étude de la Torah en cherchera forcément ailleurs, dans les affaires de ce monde, qu’il poursuivra dans ce but.

Par contre, l’homme qui ne foule pas les mitsvot du talon, mais les accomplit avec un grand enthousiasme en retire une immense jouissance. Par conséquent, il ne ressent pas le besoin de s’adonner aux distractions de ce monde, vaines et fugitives. Même quand il doit avoir recours aux éléments de celui-ci, il le fait par obligation, comme si on l’y avait contraint. L’esprit libéré des préoccupations matérielles, cet être spirituel a le loisir de réfléchir au sérieux du jugement et de ressentir de toutes ses fibres la crainte qu’il suscite.

Du vivant de mon Maître, Rabbi ‘Haïm Chmouel Lopian zatsal, j’eus le mérite d’être proche de lui et de tirer leçon de sa conduite exemplaire. De mes propres yeux, j’ai vu à quel point il se contentait de peu pour tout ce qui avait trait au matériel et n’aspirait qu’à étudier la Torah, à laquelle il se voua toute sa vie durant.

À notre époque, il est encore plus difficile de concevoir l’extrême simplicité dans laquelle il vivait. Son mobilier se limitait à quelques chaises branlantes autour d’une vieille table et sa vaisselle de quelques assiettes simples. Pourtant, les membres de sa famille étaient heureux, en vertu du verset « Mieux vaut du pain sec, mangé en paix » (Michlé 17, 1).

Un jour, je constatai que mon Maître souffrait de douloureux maux aux pieds et aux dents. Je m’intéressai alors à son bien-être et il m’expliqua qu’en raison de son âge avancé, il était naturel qu’il doive endurer divers maux. « Pourquoi ne prendriez-vous pas des médicaments pour les calmer ? » lui demandai-je. « L’étude de la Torah est mon calmant, répondit-il. Quand je m’y plonge pour m’efforcer de comprendre un sujet complexe, je ne ressens plus aucune douleur. »

Comment mérita-t-il d’atteindre un si haut niveau en Torah ? Du fait qu’il ne chercha pas à profiter des plaisirs de ce monde, n’utilisa le matériel que dans la mesure du nécessaire et se contenta toujours de peu.

Puissions-nous tous avoir le mérite de nous présenter devant l’Éternel à Roch Hachana, avec, à notre actif, repentir, prière et tsédaka, aptes à effacer les mauvais décrets. Le Saint béni soit-Il, dans Sa grande Miséricorde, nous inscrira et nous scellera alors pour une année bénie et une existence paisible. Amen !

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