La mission de l’homme dans le monde
« Ecoutez, cieux, je vais parler, et que la terre entende les paroles de ma bouche. » (Dévarim 32:1)
Les commentateurs s’interrogent sur le fait que le ciel et la terre furent pris à témoin lors de la réprimande des enfants d’Israël. L’une des explications avancées est qu’ils renvoient à la dualité de l’homme, composé de deux éléments, spirituel et matériel. C’est ce que nous voyons (Sanhédrin, 102a) à propos de Yérovam ben Nebat, que le Saint béni soit-Il saisit pour lui faire la proposition suivante : « Repens-toi, et Moi, toi ainsi que le fils de Yichaï [David] allons nous promener dans le jardin d’Eden. » Comment comprendre le fait que le Tout-Puissant se soit « saisi » de ce roi ? Il s’agit certainement d’une sorte d’image, comme on en retrouve fréquemment dans le Texte saint : « Mon courroux s’enflammera » (Chémot 22:23), « une main étendue » (Dévarim 34:12), etc.
Il semblerait donc que le message qu’Il ait voulu transmettre à Yérovam était le suivant : « Permets-moi de renforcer Mon lien avec la partie supérieure de ton être, à savoir l’âme », ce qui expliquerait l’image employée, comme si Dieu l’avait en quelque sorte pris au collet. De même, lors d’un processus de repentir, l’homme quitte la voie sur laquelle il se trouve et se lie de nouveau à sa partie supérieure – l’âme. La terre, de son côté, symbolise la partie basse de l’homme, son aspect matériel. Ainsi, lorsque Moché vient réprimander les enfants d’Israël, il s’adresse tant à leur âme qu’à leur corps et, afin qu’ils écoutent son message, les compare au ciel et à la terre.
Nous comprenons dès lors pourquoi, comme on nous le révèle, l’exil était dû à la question apparemment anodine d’Abraham – « comment saurai-je que j’en suis possesseur ? » (Béréchit 15:8). En quoi celle-ci justifiait-elle une punition ? En vérité, le père de notre nation avait ressenti l’importante sainteté de la terre d’Israël et voulait savoir comment ses descendants pourraient s’y lier. La réponse divine n’allait pas tarder : « ils seront asservis et opprimés » (ibid. v. 13). En d’autres termes, les enfants d’Israël acquerront la Terre Sainte par les tourments de l’exil, comme il est écrit (Berakhot, 5a) : « Trois choses s’acquièrent à travers les souffrances : la Torah, la terre d’Israël et le monde futur. » Ce sont ces difficultés qui permettront d’attacher les enfants d’Israël à cette terre, en renforçant leur partie spirituelle et en affaiblissant leur aspect matériel. C’est ainsi qu’ils mériteront d’hériter de cette contrée vers laquelle les yeux de Dieu sont constamment tournés.
« Tout dépend du Ciel, sauf la crainte du Ciel », nous indiquent nos Sages (Berakhot, 33b). Idée a priori plutôt étonnante, puisqu’elle implique que toutes les choses, petites ou grandes, dont l’homme a besoin, matériellement comme spirituellement, dépendent du Ciel, alors que la réalité la plus proche du Ciel, en l’occurrence la crainte du Ciel, n’en dépend pas.
En réalité, la crainte du Ciel est un choix personnel de l’homme, choix dans lequel le Saint béni soit-Il ne veut pas intervenir. Or, du fait que l’homme est lui-même lié au Ciel, son âme étant une parcelle divine (Pardès Rimonim 32, 1), Dieu pourvoit à tous ses besoins, matériels comme spirituels, afin qu’il ne puisse imputer les lacunes dans son service divin à un manque quelconque. Dès lors, Il n’attend plus de lui qu’une chose : qu’il se travaille pour acquérir la crainte du Ciel, de même que Dieu avait fait régner Adam sur le monde entier et lui avait tout donné et permis, à l’exception d’un fruit, et ce, afin qu’il accomplisse une mitsva. Ainsi, l’homme doit lier et unir sa partie supérieure et celle plus basse et matérielle pour servir l’Éternel.
Pour en revenir au verset initial de notre section – « Ecoutez, cieux, je vais parler, et que la terre entende les paroles de ma bouche » (Dévarim 32:1) –, Moché y réclame en quelque sorte de l’âme et du corps d’écouter la voix du Créateur et de s’associer pour Le servir. « Car de même que le ciel et la terre existent éternellement et sont témoins de cette réprimande que je formule avant ma mort, l’âme est éternelle, ainsi que le corps – même si, après la mort, il est enterré, il en reste quelque chose. Ainsi, ces deux éléments composant l’homme pourront témoigner m’avoir entendu vous engager à suivre le Créateur, sans quoi d’innombrables malheurs vous poursuivront et vous ne verrez aucun signe de bénédiction tout au long de votre vie », conclut-il en quelque sorte.