L’unité du peuple juif

« Heureux es-tu, Israël ! Qui est ton égal, peuple que protège le Seigneur ? Bouclier qui te sauve, Il est aussi le glaive qui te fait triompher : tes ennemis ramperont devant toi, et toi, tu fouleras leurs hauteurs. » (Deutéronome 33, 29)

Cette section, lue lors de la fête de Sim’hat Torah, éveille toujours en nous une émotion intense, puisque Moïse y évoque, avant sa mort, l’importance de chaque Juif, indépendamment de son niveau spirituel, en tant que membre de notre peuple, le peuple élu, ce « vignoble d’Israël ».

Les sources kabbalistiques indiquent que les quatre espèces secouées à Soukkot sont comparées au peuple d’Israël, chaque espèce représentant un niveau dans le judaïsme. Tous sont unis dans un même faisceau, pour nous enseigner qu’en dépit des différences de niveaux qui existent, tous doivent s’unir. Car dans chaque cœur juif vibre une étincelle susceptible de se réveiller un jour ou l’autre, et c’est pourquoi il est interdit de l’éteindre en repoussant celui qui ne respecterait pas les moindres mitsvot de la Torah – au contraire, il faut le rapprocher dans l’espoir qu’il se réveille et se repente.

Avant sa mort, Moïse voulait aiguiser ce sentiment d’unité au sein du peuple, et c’est pourquoi il jugea approprié de prononcer ce message d’unité. A priori, s’il voulait éveiller ce sentiment de solidarité et de partenariat, pourquoi cette section est-elle lue à Chemini Atséret-Sim’hat Torah et non à Soukkot, alors que nous secouons les quatre espèces, évoquant l’unité au sein de notre peuple ?

Ce message doit être lu à un moment autre que Soukkot afin de nous enseigner qu’il ne faut pas seulement rechercher l’unité aux moments les plus appropriés, mais tout au long de l’année. Et bien qu’à Sim’hat Torah, nous ne secouions pas les quatre espèces évoquant l’unité, ce sentiment doit perdurer dans notre cœur, sentiment qui nous permet de bénéficier de toutes les bénédictions.

On ajoutera que la fête de Sim’hat Torah unifie autour d’elle la Torah, le Saint béni soit-Il et le peuple juif, comme il est dit : « La Torah, le peuple d’Israël et le Saint béni soit-Il ne forment qu’un. » (cf. Zohar II, 90b ; III, 4b ; III, 72b) Comme on le sait, à Sim’hat Torah, le peuple d’Israël bondit de joie et danse avec la Torah devant le Saint béni soit-Il, faisant ainsi ressortir le lien indéfectible et éternel de cette trilogie.

A la fin de cette section, on peut lire : « C’est donc là que mourut Moïse, le serviteur de l’Eternel, dans le pays de Moab, sur l’ordre du Seigneur. » Il semblerait que cet épisode soit rapporté ici pour que nous nous inspirions de Moïse qui, avec tout son charisme, ressentait la nécessité de renforcer le sentiment de solidarité au sein du peuple d’Israël au point qu’il était prêt à être effacé du Livre du Créateur pour que le peuple juif ne soit pas exterminé (cf. Exode 32, 32). Il parvint à rassembler et unifier autour de lui toutes les couches sociales, puisque tous venaient prendre conseil auprès de lui, et c’est pourquoi sa mort est rapportée après ce passage évoquant un message d’unité.

En outre, la Torah est ce vecteur d’union, en cela que le même code de lois s’applique à tous, lois qui nous rapprochent du Créateur. On peut par ailleurs établir un parallèle entre le nom du dirigeant de notre peuple, qui se lit en hébreu Moché, et le verbe yamouchou, employé dans le célèbre verset d’Isaïe (59, 21) « les paroles que J’ai mises en ta bouche, elles ne doivent point s’écarter (yamouchou) de ta bouche, ni de la bouche de tes enfants ». Pour faire perdurer l’esprit de solidarité inspiré par Moïse, il faut s’attacher à la Torah sans s’en écarter d’un pouce, car elle seule a le pouvoir de donner à la collectivité un sentiment d’amour et de fraternité.

Le jour de Sim’hat Torah, on ne rejette personne et tous ceux qui le veulent montent à la Torah, car l’essence de la fête est celle du verset « Ainsi devint-il roi de Yechouroun, les chefs du peuple étant réunis, les tribus d’Israël unanimes. » (Deutéronome 33, 5) Ainsi, on a l’obligation de respecter tout homme, quel que soit son niveau spirituel, afin de maintenir ce sentiment d’unité, carburant de notre peuple, qui a accédé à cette dimension en se tenant au pied du mont Sinaï « comme un seul homme doté d’un seul cœur ».

Le texte (Lévitique 23, 40) précise : « Vous prendrez pour vous, le premier jour, du fruit de l’arbre hadar (…) ». La tournure « pour vous » veut éviter l’erreur consistant à croire que l’on aurait pu se faire acquitter par une tierce personne de la mitsva des quatre espèces, parce qu’elle évoque l’unité et la solidarité. Il existe, en effet, un principe général selon lequel « l’émissaire d’un homme est considéré comme lui-même ». C’est pourquoi il est dit « Vous prendrez pour vous », autrement dit, ce principe ne peut s’appliquer ici, chacun devant prendre les quatre espèces par lui-même, et c’est seulement ainsi qu’il pourra ressentir un véritable sentiment d’union.

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