Enthousiasme et renouveau
« Or, Josué, fils de Noun, était plein de l’esprit de sagesse, parce que Moïse lui avait imposé ses mains ; et les enfants d’Israël lui obéirent et agirent comme l’Eternel l’avait prescrit à Moïse. » (Deutéronome, 34, 9)
Josué eut le mérite que Moïse lui imposât ses mains, ce qui lui permit de s’emplir de l’esprit de sagesse. Qu’est-ce qui lui valut ce privilège de succéder à Moïse à la tête des enfants d’Israël et de les faire traverser le Jourdain pour hériter de la Terre Sainte, de préférence à tous les anciens et membres du Sanhédrin de cette génération ? Nos Sages (Rachi, Exode 24, 13 ; Yoma, 76a) nous informent de la proximité particulière qu’il y avait entre maître et élève : lorsque Moïse gravit, seul, le mont Sinaï, Josué l’attendit quarante jours au pied de la montagne, en dehors du camp. Cet attachement et ce dévouement hors pair valurent à Josué le privilège que la manne tombe directement à ses pieds, sans qu’il dût aller la chercher à côté de l’entrée de sa demeure. Privilège d’autant plus remarquable qu’il en jouit alors qu’il se trouvait en dehors du camp (cf. Yoma, 76a).
A propos de Josué, on lit par ailleurs : « le jeune homme ne quittait pas l’intérieur de la tente » (Exode 33, 11). Et nos Sages d’expliquer (cf. Exode Rabba 21, 14) qu’il se levait tôt tous les jours pour arranger les bancs dans leur lieu d’étude. Et ce, afin que les étudiants puissent s’atteler aussitôt à la tâche de l’étude sans perdre une seconde de leur temps si précieux. Toute personne qui agirait ainsi aurait-elle le mérite d’acquérir ce niveau ? Rien de moins sûr… Il existe donc certainement une autre explication permettant de comprendre pourquoi le leadership de Moïse se transmit à Josué. Le verset précité le désigne comme un « jeune homme » (naar) – il avait pourtant une cinquantaine d’années à cette époque ! Or, le même terme est employé à propos de Joseph (cf. Genèse 37, 2). Et Rachi d’expliquer qu’il agissait de manière enfantine, soignant sa coiffure pour améliorer son apparence. Quel rapport avec Josué ?
Le dénominateur commun à ces deux personnes est peut-être l’élan, la flamme de la jeunesse. En ce qui concerne Josué, cela se manifestait vis-à-vis de la Torah. Il abordait à chaque fois l’étude, sous la houlette de son maître, comme un jeune homme débordant d’enthousiasme face aux découvertes qu’il vient de faire. Il représentait ainsi l’accomplissement le plus parfait du principe « Que chaque jour elles soient à tes yeux comme nouvelles » (cf. Yalkout Chimoni, Proverbes, 937 ; Pessikta Zoutrata Vaet’hannane, p. 11, 1), à l’inverse des hommes qui pratiquent les mitsvot comme des robots, ayant depuis longtemps perdu tout goût pour la Torah et les mitsvot.
Or, d’où Josué apprit-il cette voie dans le service divin ? De son maître, Moïse, qui, âgé de 120 ans, fit la déclaration suivante : « Tu as commencé à montrer à Ton serviteur Ta grandeur et la force de Ton bras » (Deutéronome 3, 24), exprimant son sentiment de renouveau constant, puisqu’à chaque fois que Dieu se révélait à lui pour lui parler, il le vivait comme si c’était la première fois. On comprend dès lors pourquoi, de tous les anciens et membres du Sanhédrin, ce fut Josué qui eut le mérite de prendre la relève de Moïse, du fait qu’il avait le même sentiment de renouveau et d’enthousiasme que son maître face aux paroles de la Torah. C’est donc, plus que tout, ce qui lui valut le mérite de mener les enfants d’Israël en Terre Sainte et de les en faire hériter après la mort de Moïse.
Comme nous le fit remarquer le Gaon Rav Yehouda Rakov, au nom du « Beit Halévi », tout homme qui veut que ses fils deviennent des érudits devra faire des efforts en ce sens dès sa jeunesse. Il s’efforcera d’orienter toutes ses pensées et aspirations vers ses futurs enfants, et méritera ainsi qu’ils grandissent en Torah et en crainte du Ciel. Cependant, celui qui n’est pas né dans un milieu pratiquant et n’a pas nourri de telles ambitions dans sa jeunesse pourrait se décourager en entendant cela. Mais étant tel un nouveau né, le repenti peut commencer à se sentir responsable de l’avenir spirituel de ses fils dès l’instant où il se rapproche de la Torah, et il méritera, si Dieu veut, qu’ils lui apportent beaucoup de satisfaction.