Le repentir, clé de la pérennité de l’univers
« (…) ainsi qu’à cette main puissante, et à toutes ces imposantes merveilles, que Moïse accomplit aux yeux de tout Israël » (Deutéronome 34, 12)
La Torah se conclut par les mots « que Moïse accomplit aux yeux de tout Israël », soulignant que tous les actes de Moïse étaient opérés en faveur de l’ensemble du peuple juif.
Le jour de Sim’hat Torah, on lit la dernière section de la Torah – Vezot Haberakha – pour immédiatement entamer un nouveau cycle avec la section de Beréchit, qui retrace la Création du monde et de l’homme, ainsi que son couronnement, avec le premier Chabbat.
La succession de ces sections vient nous enseigner que la Création du monde comme celle de l’homme visent à ce qu’il soit dans la voie de la Torah et agisse selon celle-ci, à l’exemple de Moïse, qui consacra toute sa vie à son peuple et à la Torah. Nous n’avons certes pas la possibilité d’atteindre le même niveau que lui, puisqu’il parvint presque à celui d’un ange, mais devons tout de même développer l’ambition de lui ressembler le plus possible, sans quoi nous ne pourrons nous rapprocher de cet idéal.
Le jour de Sim’hat Torah, à l’heure où nous clôturons la lecture de celle-ci, nous risquons de ressentir un sentiment de vide, comme si nous n’avions rien acquis dans ce domaine, et c’est pourquoi nous recommençons aussitôt à lire la section de Beréchit, afin de nous réveiller et de nous renouveler.
En y regardant de plus près, on notera que le dernier mot concluant la Torah est Israël, tandis qu’elle s’ouvre sur le mot beréchit, ce qui nous démontre que l’ensemble de l’œuvre de la Création est en faveur d’Israël. C’est en ce sens que nos Sages expliquent le terme réchit – en faveur d’Israël et de la Torah, tous deux appelés réchit. En d’autres termes, l’univers a été créé pour les enfants d’Israël qui étudient la Torah. Etant donné que c’était là sa finalité, le peuple d’Israël existait dans la pensée du Créateur avant même qu’Il n’entame Son œuvre (cf. Genèse Rabba 1, 4 ; Yalkout Chimoni, Psaumes, 809).
Le Zohar (I, 252b, 253a) précise par ailleurs qu’avant de créer ce monde, le Saint béni soit-Il en créa beaucoup d’autres, qu’Il détruisit. Pourquoi n’en était-Il pas satisfait ? Quelle est la particularité de ce cosmos, qui lui a valu d’être désigné pour perdurer ?
Bien que cela touche certainement à l’aspect ésotérique de la Torah, nous allons tenter de trouver une explication satisfaisante.
Ce monde a été créé selon la Torah, comme il est dit (Zohar II, 161a) : « Il a regardé la Torah et créé le monde. » Or, du fait que la mitsva du repentir est incluse dans la Torah, elle a été associée à la Création. On sait par ailleurs qu’elle a le pouvoir d’annuler les décrets. De ce fait, si les hommes corrompent leurs voies devant Dieu, l’univers peut continuer à se maintenir grâce au repentir, sans quoi il serait détruit. D’ailleurs, les cosmos antérieurs à celui-ci furent créés sans la Torah ni la dimension du repentir, et furent donc anéantis.
On peut y trouver une preuve à la fin de la section de Vezot Haberakha, où est évoquée la brisure des Tables de la Loi par Moïse suite au péché du veau d’or (Deutéronome 34, 12 ; cf. Rachi ad loc.). La Guemara (Avoda Zara, 4b) précise que le Saint béni soit-Il plaça les enfants d’Israël dans cette situation de faute afin de faire connaître à tous le potentiel du repentir, qui maintient l’univers. Ainsi, trois éléments ont précédé la Création du monde – la Torah, le peuple d’Israël et le repentir (cf. Pessa’him, 54a ; Genèse Rabba 1, 4) – et en assurent la pérennité.
Si l’homme veut mériter de se renouveler, il doit adhérer à la voie du repentir, qui le renouvelle et le purifie. Les lettres finales de l’incipit de la Torah « Au commencement, Dieu créa (…) » (en hébreu, « beréchit bara Elokim »), Aleph, Mèm et Tav, forment le terme émet, ce qui nous enseigne que le mérite de vivre dans ce monde passe par la reconnaissance de la vérité de la Torah et un comportement à l’aune de celle-ci. Si une personne a mal agi et s’est détournée du droit chemin, elle doit en prendre conscience et se repentir.
A Sim’hat Torah, nous trouvons, dans la section de Beréchit, le thème du Chabbat, étant donné que celui-ci et le repentir sont étroitement liés. D’ailleurs, le premier homme se repentit le Chabbat (cf. Pirkei de Rabbi Eliezer, 18), nous apprenant qu’en ce saint jour, les portes du Ciel s’ouvrent pour accepter le repentir de l’homme avec joie.