De la Création au don de la Torah

« (…) ainsi qu’à cette main puissante, et à toutes ces imposantes merveilles que Moïse accomplit aux yeux de tout Israël. » (Deutéronome 34, 12)

« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. » (Genèse 1, 1)

Comme nous le savons tous, la Torah est illimitée et infinie (cf. Genèse Rabba 10, 1), d’où la sentence de nos Sages (Maximes de nos Pères 5, 22) : « Tourne-la et retourne-la, car tout y est ». En d’autres termes, plus on la retournera et l’approfondira, plus on y découvrira de nouvelles strates qui nous avaient jusque-là échappé. Du fait de la symbolique que revêt cette coutume, lorsque nous lisons la dernière section de la Torah, à Sim’hat Torah, nous enchaînons aussitôt avec la lecture du premier verset de la section de Beréchit, afin de souligner que la Torah ne connaît pas de finitude. A l’image d’une roue, elle recommence continuellement, et si l’on croit en voir la fin, on n’en est qu’au début.

Le Zohar (II, 161a) indique que Dieu « regarda la Torah et créa le monde ». Ainsi, la Torah était comme une sorte de plan, à l’instar de celui conçu par un architecte et en fonction duquel une maison est érigée. Il créa le monde en fonction des Noms, secrets et allusions qu’elle recèle (cf. Genèse Rabba 1, 1) Dans le même ordre d’idées, nos Sages nous indiquent (ibid. 1, 4) que les enfants d’Israël furent conçus en pensée avant la Création du monde. Plus, ils nous apprennent qu’ils consultèrent avec l’Eternel la Torah au moment de la Création (ibid. 8, 7). Pour preuve, une lecture enchaînant la fin et le début de la Torah nous renseigne sur ces évènements : « aux yeux de tout Israël – l’Eternel créa le monde ». Ainsi, le peuple d’Israël fut associé à cette consultation de la Torah qui présida à la Création du monde.

Une analyse de la déclaration des enfants d’Israël face à la mer Rouge – « C’est mon Dieu et je veux L’honorer » (Exode 15, 2) – va nous apporter une autre preuve de cette participation passive du peuple d’Israël à la Création. Cette proclamation démontre une conscience absolue que l’Eternel est le Créateur et dirige le monde, à l’image d’un homme qui, repérant un certain jeune homme, s’écrierait : « Il ferait un mari parfait pour ma fille ! » Comment les enfants d’Israël purent-ils parvenir en un instant à une telle conscience, alors qu’ils venaient à peine de quitter la terre de toutes les abominations, où ils étaient plongés dans les quarante-neuf degrés d’impureté et à deux doigts de sombrer dans le cinquantième, point de non-retour ?

On peut justement répondre à cette célèbre question en avançant que ce n’était pas la première fois qu’ils décelaient la grandeur du Créateur. Quelle était donc cette première fois ? Au moment où l’Eternel consulta la Torah pour créer le monde. Les enfants d’Israël – ou du moins, leurs âmes – furent les témoins de cette démarche ; ils virent comment le monde est établi et repose sur les Noms du Saint béni soit-Il se trouvant dans la Torah. De ce fait, ils purent, face à la mer Rouge, parvenir à une conscience claire du fait que le Saint béni soit-Il dirige le monde et s’écrier : « C’est mon Dieu et je veux L’honorer ». Car c’était la seconde fois qu’il leur était donné d’être témoins de Sa grandeur et de Sa toute-puissance.

On notera par ailleurs que la déclaration unanime et spontanée « nous ferons puis nous comprendrons » (Exode 24, 7) s’inscrit dans le même état d’esprit. En effet, avant de se prononcer sur la qualité d’une marchandise et éventuellement d’exprimer son désir de l’acquérir, l’habitude est de l’analyser sous tous les angles. Car comment peut-on s’engager si l’on n’a pas la certitude qu’il s’agit d’une marchandise de qualité ? De même, comment les enfants d’Israël auraient-ils pu déclarer « nous ferons puis nous comprendrons » sans connaître le contenu de la Torah ? La réponse est identique à la précédente : du fait que leurs âmes avaient déjà pris connaissance de celui-ci au moment de la Création, elles n’en avaient plus besoin pour pouvoir décider si elles y étaient intéressées et la désiraient. Encore sous l’impression de leur premier contact avec la sainte Torah lors de la Création, les enfants d’Israël s’empressèrent donc de déclarer : « nous ferons puis nous comprendrons ». Ils étaient alors pleinement conscients de l’aspect vital de la Torah pour le maintien du monde.

Lorsque le peuple d’Israël fit cette déclaration, une voix céleste retentit et s’écria : « Qui a révélé à Mes fils ce secret auquel les anges de service ont recours ? » On notera que le pronom interrogatif – en hébreu, mi – est composé des mêmes lettres que le mot yam (mer), inversées, ce qui conforte une fois de plus notre raisonnement. En effet, on obtient ainsi la phrase « C’est la mer qui a révélé à Mes fils ce secret auquel ont recours les anges de service ». Ainsi, au moment où les enfants d’Israël se retrouvèrent face à la mer Rouge où ils virent la Présence divine, ils se souvinrent qu’ils avaient déjà contemplé cette dernière pendant la Création, au moment où le Saint béni soit-Il consulta la Torah pour mettre en œuvre Son plan. De ce fait, la voyant directement pour la seconde fois, ils purent s’écrier, sans la moindre hésitation : « Voilà mon Dieu, je Lui rends hommage » (Exode 15, 2), élan qui se prolongea ensuite lors du don de la Torah, qu’ils acceptèrent avec joie, se déclarant disposés à l’observer avant même de l’avoir analysée.

Nous voyons ainsi que le miracle de l’ouverture de la mer Rouge joua un rôle décisif dans la réception de la Torah par les enfants d’Israël. Etant donné que ce moment renforça encore leur re-connaissance de Dieu et de Sa Torah, ainsi, l’élan du cantique alors entonné trouva son prolongement dans la déclaration « nous ferons puis nous comprendrons », prononcée alors qu’ils s’apprêtaient à la recevoir.

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