De l’enthousiasme pour la Torah et les mitsvoth quand il s’accompagne du zèle et de l’humilité [Où il sera aussi question du rapport entre la parachath Tsav et le « Chabath Hagadol »]

Sur le verset « Ordonne à Aaron et à ses fils ce qui suit : Ceci est la règle de l’holocauste, c’est l’holocauste qui se consume sur le brasier de l’autel » (Lévitique 6, 2), Rachi rapporte au nom de Torath Cohanim que le mot « tsav » a pour but d’inciter au zèle, dans l’immédiat et pour toutes les générations. Rabbi Chim’on ajoute que cet encouragement est particulièrement nécessaire quand on risque une perte ou un manque (voir également Kidouchine 29a).

Le saint Admor de Satmar, dans son livre Divrei Yoël, s’interroge sur ces deux affirmations : Pourquoi l’Ecriture choisit-elle l’holocauste pour inciter au zèle pour toutes les générations, alors que la Torah toute entière est éternelle ? L’opinion de Rabbi Chim’on est également difficile à comprendre. Là encore, pourquoi ce choix de l’holocauste pour inciter au zèle en cas de risque de perte, alors que de nombreuses mitsvoth impliquent une perte financière, par exemple l’ethrog et beaucoup d’autres (voir Soukah 41b, Bava Kama 9b, Tossafoth passage qui commence par Elima), à propos desquelles le mot tsav n’est pas utilisé. Qu’est-ce qu’il y a de plus dans l’holocauste que dans toutes les autres mitsvoth ? [On peut aussi consulter le Or Ha’haïm sur ce même verset].

En ce qui me concerne, je vois une difficulté supplémentaire dans le fait que ce sont les benei Israël qui supportent la perte financière impliquée par les sacrifices. Ce sont eux qui doivent acheter la bête, pas les cohanim ! Alors pourquoi cet ordre vient-il encourager Aaron et ses fils ? Il aurait plutôt fallu dire : « Ordonne aux benei Israël » !

Pour expliquer ces points à notre entière satisfaction, souvenons-nous de l’importance de l’abnégation totale vis-à-vis de Dieu, qui permet de mettre en oeuvre des forces cachées et de vaincre le mauvais penchant. Chaque mitsvah comporte un élément d’héroïsme, car le yetser ha-ra cherche à empêcher l’homme de l’accomplir (voir Bérakhoth 60b), ou tout au moins le pousse à ne le faire que dans le but de promouvoir son propre intérêt, et non pour l’amour de la mitsvah. Le verset des Psaumes « Pour Toi nous subissons chaque jour la mort » (44, 23) fait allusion à ce phénomène.

La Guémara (Soukah 52a, Kidouchine 30b) explique que le mauvais penchant domine l’homme chaque jour et cherche à le tuer, ainsi qu’il est dit : « Le méchant observe le juste et cherche à le tuer » (Psaumes 37, 32). Si le Saint béni soit-Il ne lui venait en aide, il ne pourrait jamais vaincre cet ennemi redoutable, mais le verset promet que « L’Eternel ne l’abandonnera pas en sa main » (Ibid. 33). Quand le mauvais penchant tente de toutes ses forces de dissuader l’homme d’accomplir les mitsvoth, celui-ci doit lutter de tout son coeur, et cela lui vaudra l’aide du Ciel. Comment arrive-t-on à une pareille ardeur ? En manifestant de l’empressement, comme le conseille le Tour (Ora’h ‘Haïm par.1). Yéhouda ben Teima disait déjà : « Sois audacieux comme le tigre (...) et brave comme le lion pour faire la volonté de ton père des Cieux » (Avoth 5, 23, Avoth Derabbi Nathan 41, 10). En effet, l’homme doit montrer la bravoure du lion pour se lever le matin et se mettre à servir son Créateur; même si en hiver sa paresse lui souffle de ne pas bouger par un froid pareil et autres raisons du même genre, il doit se lever avec entrain avant l’aurore, ainsi que le dit le roi David (voir Bérakhoth 1, 1, Bémidbar Rabah 15, 12) : « Je veux réveiller l’aurore » (Psaumes 57, 9), c’est moi qui la réveille et non pas elle qui me réveille.

De tout ce qui a été dit jusqu’à présent, on voit que l’empressement est indispensable pour observer les mitsvoth convenablement, car la paresse entraîne une déperdition de la mitsvah (qui constitue une perte). Chacun doit savoir que s’il accomplit la mitsvah de toutes façons, mieux vaut pour lui que ce soit avec toute sa vitalité et son entrain, sans aucun affaiblissement provoquant un manque, car cela lui permettra de se rapprocher du service de Dieu.

Seulement pour parvenir à manifester une telle ardeur, il faut aussi investir toutes ses forces dans l’étude de la Torah, sans quoi il sera impossible d’accomplir les mitsvoth avec zèle, ainsi qu’il est écrit : « Si vous vous conduisez selon mes lois, si vous observez mes mitsvoth et que vous les exécutez » (Lévitique 26, 3). Torath Cohanim explique que dans ce verset, la première expression désigne l’étude intensive de la Torah, à savoir qu’on ne peut en arriver à observer et exécuter les mitsvoth que lorsqu’on étudie de tout son être. Cette forme d’étude mène au zèle, qui permet à son tour de vaincre le mauvais penchant et d’accomplir toutes les mitsvoth à la perfection. L’essentiel du sacrifice réside en effet dans l’empressement avec lequel on l’exécute, de même que pour toute autre mitsvah.

Cependant, ce dévouement total accompagné d’une étude soutenue ne suffit pas encore. On doit y associer la modestie, idée qui figure en allusion dans le petit mem du mot mokda (le brasier). Il faut être humble, et la lettre mem renvoie aux quarante jours pendant lesquels la Torah a été donnée à Moïse (Mena’hot 99b), ainsi qu’aux quarante jours qu’il a passés sur le mont Sinaï, ainsi qu’il est écrit : « Il resta sur cette montagne quarante jours et quarante nuits » (Exode 24, 18). Sur la montagne, il apprenait la Torah le jour et la révisait la nuit (Chemoth Rabah 47 8). Pourquoi justement sur le mont Sinaï ? C’est encore un rappel de l’humilité, car Dieu a donné la Torah sur la montagne qui s’était faite petite et basse (Béréchith Rabah 99, 1, Bémidbar Rabah 14, 17). Moïse a donc appris cette qualité du mont Sinaï, et lui-même de son côté était le plus humble de tous les hommes (Nombres 12, 3).

La petite taille de ce mem nous donne deux enseignements. Le premier est une allusion à l’humilité, qui permet d’acquérir la Torah (Ta’anith 7a). Le deuxième réside dans la forme de la lettre : il s’agit d’un mem ouvert (par opposition au mem final qui est totalement fermé), pour nous enseigner qu’il faut être ouvert aux enseignements, étudier, accepter, et tout exécuter avec empressement et dévouement, sans nous laisser aucunement impressionner par ce qui nous entoure. Sans oublier de veiller à ce que les intentions soient pures, et non entachées du désir des honneurs ou d’intérêt, comme le dit la Michnah : « Ne fais pas de la Torah une pioche pour creuser », et aussi « Celui qui utilise la couronne [de la Torah] à ses propres fins est appelé à disparaître » (Avoth 4, 7), car quiconque en tire un profit personnel met en danger sa propre existence.

Par conséquent, on comprend parfaitement pourquoi c’est à propos de l’holocauste qu’il est question d’empressement, dans l’immédiat et pour toutes les générations, et pourquoi cet encouragement figure justement à propos de l’holocauste qui implique une perte financière : c’est que le mot holocauste (OLA) est de la même racine que le mot élévation (hitALOUt). Dans le même contexte figure un mem à la fois petit et ouvert, allusion au dévouement total et à l’humilité, au zèle et à l’étude acharnée de la Torah. Tout cela constitue une élévation, car c’est de cette façon qu’on arrive à exécuter les mitsvoth. De plus, on comprend pourquoi il est dit « Ordonne à Aaron » et non pas aux benei Israël : Aaron aimait la paix, poursuivait la paix, aimait les hommes et les rapprochait de la Torah (Avoth 1, 12); il exécutait avec empressement sa tâche de réconcilier les hommes entre eux (Avoth de Rabbi Nathan 12, 4, Zohar II 88a) de façon telle qu’ils ne retombent pas dans leur faute. Toute la Maison d’Israël apprenait de lui à se comporter en toutes circonstances avec empressement et dévouement. A moins de cela il y aurait eu un manque, surtout dans les mitsvoth entre l’homme et Dieu.

Puisque nous en sommes arrivés là, cela va nous permettre de comprendre le lien entre la parachath Tsav et le Chabath Hagadol [car la plupart du temps, la parachath Tsav est lue à Chabath Hagadol], non sans avoir préalablement posé quelques questions.

A. Pourquoi les Sages ont-ils appelé « Chabath Hagadol » le Chabath qui précède Pessa’h, alors qu’on sait bien que tous les Chabatoth de l’année sont saints et grands, ainsi que nous le chantons le Vendredi soir : « C’est un jour saint de son arrivée à son départ ». Qu’est-ce que ce Chabath-là a donc de particulier ? Certes, les Sages ont expliqué qu’en ce jour, il a été fait un miracle aux benei Israël, car ils n’ont pas hésité à attacher l’agneau au pied de leur lit, tout idole des Egyptiens qu’il était, et que ceux-ci ont eu beau grincer des dents à ce spectacle, ils ne leur ont fait aucun mal (Yalkout Chimoni Bo 191, 195). Mais il faut tout de même rappeler qu’en Egypte, les benei Israël ont vu des miracles tous les jours. Pourquoi donc ne pas avoir fixé un « grand dimanche », et ainsi de suite ?

B. Il a été dit aux benei Israël : « Au dixième jour de ce mois, que chacun se procure un agneau » (Exode 12, 3). Or ce jour était un Chabath. Pourquoi fallait-il donc le prendre précisément un Chabath ? Pourquoi en outre devait-ce être le dixième jour du mois [voir ce que disent à ce sujet Pessa’him 96a, Mekhilta sur ce passage, et Rachi sur Exode 12, 6, dont les propos sont très éclairants] ? Le miracle pouvait certainement avoir lieu n’importe quel jour !

Essayons maintenant de répondre. On sait qu’en Egypte, les benei Israël étaient descendus jusqu’à la quarante-neuvième porte d’impureté (Zohar Yitro 39a) et avaient pratiqué l’idolâtrie (Chemoth Rabah 39a). Pour qu’ils puissent être sauvés, Dieu leur a donné l’occasion de gagner un mérite qu’Il leur compterait, et qui est la mitsvah de Chabath (en plus du sang du sacrifice de Pessa’h et de la circoncision). Ils ont dû l’observer au péril de leur vie, puisqu’ils devaient attacher l’agneau à leur lit, ce qui représentait un acte d’héroïsme à cause des Egyptiens. Ce mérite leur permettrait d’être sauvés. Et ce n’est pas pour rien qu’ils ont reçu l’ordre d’attacher l’agneau le dix du mois : c’est une allusion aux dix paroles qu’ils allaient recevoir au mont Sinaï. Ainsi, ils seraient protégés à la fois par le Chabath et par la Torah.

C’est ce que Dieu voulait faire comprendre aux benei Israël : la Torah par le mérite de laquelle ils allaient être délivrés devait s’acquérir par un dévouement absolument sans limites. En l’absence de cette abnégation et de l’empressement nécessaire, il y aurait un tel manque qu’ils ne pourraient pas être sauvés. Il leur a donc donné le Chabath qu’il faut beaucoup de courage pour observer, et qui de plus est considéré comme aussi important que la totalité de la Torah et des mitsvoth (voir Bérakhoth 1, 5, Chemoth Rabah 25, 16, Zohar II 89a). Sa grandeur est par conséquent considérable, et le Chabath qui précède Pessa’h s’appelle Chabath Hagadol parce qu’il inclut la Torah toute entière.

C’est pourquoi une grande abondance pour tous les Chabatoth de l’année découle pour chaque juif de ce Chabath particulier. Tout juif fait preuve de courage pour l’observer : il ferme sa boutique, risquant ainsi de grosses pertes, fait confiance à Dieu, et refuse de se laisser séduire par les conseils du mauvais penchant. En agissant de la sorte, il se remplit les poches de l’abondance de la bénédiction divine, car on lui ajoute d’En Haut tout ce qu’il dépense pour Chabath (Beitsah 16b), et la lumière de l’abondance ne cesse de s’épancher sur lui. Tout cela parce qu’il a vaincu l’écorce qui vient recouvrir et obscurcir la sainteté (voir Zohar I 166b) le dix du mois pour mériter les dix paroles. Si les benei Israël n’avaient pas agi, il y aurait eu un manque profond dans leur service de Dieu, mais comme ils ont tout fait avec un immense dévouement et un empressement extrême, avec humilité et en s’effaçant devant l’Eternel, ils ont mérité un grand miracle.

Tout ceci se trouve déjà en allusion dans le mot SeH (« agneau »), l’agneau qui a été pris le dix du mois. Il fait allusion aux dix paroles, outre le fait qu’il est formé des premières lettres de Chabath Hagadol. Or les dernières lettres de ChabaTH HagadoL forment le mot TaL, de valeur numérique 430, ce qui correspond aux 430 ans que les benei Israël ont passé en Egypte, ainsi qu’il est écrit : « Le séjour des benei Israël, depuis qu’ils s’étaient établis en Egypte, avait été de 430 ans » (Exode 12, 40). Pendant toutes ces années, ils avaient été obligés d’adorer l’agneau égyptien. Mais quand est venu Chabath Hagadol, ils sont arrivés à la fin de la rectification des étincelles de sainteté, ont pu arrêter d’adorer l’idole des Egyptiens, et ont en outre mérité d’offrir l’agneau en sacrifice.

On sait combien la nuit de Pessa’h a un niveau élevé. Elle s’appelle leil chimourim (la nuit de protection) (Exode 12, 42), et les Sages ont dit d’elle qu’au cours de cette nuit-là, les forces du mal n’ont aucun pouvoir (voir Bava Kama 60a) sur les benei Israël (Pessa’him 109b), et que par conséquent il n’est pas nécessaire de dire le Keryat Chema entier avant de s’endormir, il suffit du premier paragraphe (Rema par. 481, 2). Cette nuit-là, on peut attirer sur soi la sainteté et la protection (chemirah) pour toutes les autres nuits afin que les forces du mal n’y aient aucun pouvoir. De plus, le Zohar (III 282b, voir aussi II, 40a) dit que quiconque se garde de la moindre trace de ‘hamets à Pessa’h peut être assuré qu’il ne commettra aucune faute pendant toute l’année. Tout cela est dû à la puissance de cette nuit-là. De même Chabath Hagadol, qui l’a précédée, a une importance considérable, car à ce moment-là les benei Israël ont reçu deux choses : le Chabath et la Torah, ce qui aurait pour eux une influence bénéfique pendant tous les Chabatoth de l’année. Par conséquent, si l’on observe soigneusement ce Chabath-là, Chabath Hagadol, il en résulte que tout l’éveil spirituel qu’on porte en soi va demeurer pendant tous les Chabatoth de l’année. C’est donc un jour où l’homme doit se sanctifier particulièrement et qu’il doit consacrer entièrement à Dieu. Certes, il se sanctifie tous les Chabatoth en l’honneur de son Créateur, mais il en tire également profit pour lui-même. Par exemple, il reçoit une âme supplémentaire (Beitsa 16a et Rachi), si bien qu’il mange et boit davantage. Mais ce Chabath-là, qu’il le consacre entièrement à Dieu, qu’il lui sacrifie son mauvais penchant et tous ses mauvais instincts, avec dévouement et empressement, alors son lot sera enviable en ce monde-ci et dans le monde à venir.

On peut apprendre tout ceci de la fête de Pessa’h, où nous consacrons toute la nuit à Dieu. Elle a déjà été sanctifiée auparavant, et pourtant nous le faisons de nouveau au moyen d’une préparation minutieuse, de la vérification du ‘hamets, de son annulation, de sa destruction par le feu (Pessa’him 2a), de la destruction du Satan, de la klipah (« écorce opaque ») et des forces du mal. Après tous ces préparatifs, nous pourrons ressentir la sainteté de la nuit, temps de notre liberté, et la klipah se trouvera soumise pendant toutes les nuits de l’année, car comme on le sait sa force se manifeste  la nuit (Zohar II 163b, III 200a). Si elle est vaincue cette nuit-là, elle le sera à plus forte raison pendant la journée, le Chabath Hagadol, car alors la lumière est grande, et elle se diffuse à tous les Chabatoth de l’année.

En consacrant à Dieu ce Chabath-là, nous pourrons rectifier ce que nous avons abîmé pendant les Chabatoth de toute l’année, et ce sera également valable pour ceux qui sont encore à venir. Il s’agit de la même idée qu’à la fête de Chemini Atséret : Arrêtez-vous (Atsrou) devant moi une journée (Soukah 55b, Sifri Bémidbar 55). Ici : donnez-moi un Chabath qui puisse rectifier tous les Chabatoth. On obtient tout cela par le dévouement, l’empressement et l’humilité. C’est cela « Ordonne à Aaron », incitation pour l’immédiat et pour toutes les générations, afin qu’il n’y ait aucun manque dans le service de Dieu, car les mitsvoth doivent être accomplies avec zèle, humilité et un immense dévouement.

 

Le zèle et les réprimandes ouvrent la voie à la téchouvah
Table de matière
Le véritable dévouement est l’essentiel du service de l’homme

 

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