L’humilité conduit a l’élévation dans le service de D-ieu

Il est écrit : « Prends Aaron et ses fils avec lui, les vêtements, l’huile d’onction, le taureau de l’expiation, les deux béliers et le panier de matsoth, et rassemble toute la communauté à l’entrée de la Tente d’Assignation ... et la communauté se rassembla à l’entrée de la Tente d’Assignation » (Lévitique 8, 2-4).

L’ouvrage Chemen Roch pose sur ce passage les questions suivantes :

1) Sur les mots « Prends Aaron », Rachi explique : « Prends-le avec des paroles et attire-le » (Torath Cohanim 8, 165). Or pourquoi Dieu aurait-il eu besoin de dire à Moïse de prendre Aaron par des paroles et de l’attirer pour le convaincre de servir dans le Temple ? Etait-il donc pensable qu’Aaron refuse cette tâche, qui est la plus honorifique de toutes ?

2) Pourquoi Aaron devait-il venir à l’entrée de la Tente d’Assignation avec un taureau, deux béliers et un panier de matsoth ? Et surtout, pourquoi les benei Israël devaient-ils voir comment Moïse faisait à Aaron tout ce qu’il avait à faire, en particulier comment on le lavait et on l’habillait ?

Tâchons d’expliquer de quoi il s’agit. Au début, Dieu a donné des ordres à Moïse pour Aaron et ses fils à propos de l’holocauste, les incitant même au zèle, comme l’écrit Rachi sur le verset « Ordonne (tsav) à Aaron et à ses fils ce qui suit » (Lévitique 6, 2) : Tsav est un mot qu’on emploie pour stimuler celui à qui l’on s’adresse, ce qui est particulièrement nécessaire là où existe un risque de perte (Torath Cohanim 6, 1), ce qui est le cas puisque l’holocauste est entièrement consumé pour Dieu. Il l’a également encouragé à enlever la cendre de l’autel, ainsi qu’il est écrit : « Il enlèvera sur l’autel la cendre de l’holocauste consumé par le feu » (Ibid. 6, 3), pour qu’il ne s’enorgueillisse pas, allusion au fait que ce travail de nettoyage qui obligeait le cohen à enlever ses vêtements pour en mettre de plus simples afin de ne pas se salir (Chabath 114a, Yoma 23b), provoquait par là même une élévation.

C’est précisément ce danger de l’orgueil que redoutait Aaron, surtout après avoir porté les huit splendides vêtements du Grand Prêtre. Même le nettoyage des cendres avec des vêtements plus simples risquait de ne pas vraiment provenir de l’amour de la mitsvah, et par conséquent ce serait pour lui une sorte d’humilité qui recouvrirait en réalité une façon de se sentir supérieur aux autres.

C’est pourquoi Dieu a dit à Moïse d’attirer Aaron par des paroles en lui disant : « Voici la Torah [règle] de l’holocauste », car en accomplissant les mitsvoth avec empressement on se rapproche de Dieu. Dans le même ordre d’idées, le zèle incite à accomplir les mitsvoth le plus tôt possible (Pessa’him 4a, Tan’houma Pessikta Zouta Vayéra 22). C’est ainsi qu’on arrive à la pureté, à la sainteté, à la résurrection des morts et à l’esprit saint (Avodah Zarah 20b). De plus, le nettoyage des cendres, qui comporte un élément d’abaissement, mène à l’humilité et non à l’orgueil. Dans ce contexte, il n’y a pas lieu de craindre d’en venir à se gonfler d’importance, car le zèle conduit à l’effacement de soi et à une grande humilité envers Dieu, et c’est précisément par ce biais qu’on se rapproche davantage de l’Eternel et qu’on arrive au but ultime.

Nous comprenons donc mieux à présent pourquoi Dieu a ordonné de rassembler les benei Israël afin qu’ils contemplent Aaron et ses fils dans leur rôle de prêtres : cela leur enseignera l’humilité et l’effacement à travers le service des cohanim, lorsqu’ils constateront que même après tous les honneurs dont Dieu a investi Aaron, ce n’est pas de lui-même qu’il est fier mais du fait qu’il a un rôle saint, et qu’il en ramène tout l’honneur à l’Eternel.

En réfléchissant, la même idée nous aidera aussi à comprendre d’autres points de notre parachah. Un immense miracle a été fait à Aaron de n’avoir été la cause d’aucun incident, car l’huile d’onction d’Aaron devait servir à toutes les générations. En effet, les benei Israël se sont inspirés du comportement humble et effacé des cohanim, dont la sainteté d’Aaron, que rien n’est venu ternir, était un exemple parfait. C’est pourquoi Moïse a oint Aaron de l’huile d’onction, allusion au fait que l’huile surnage sur l’eau ainsi que sur tous les autres liquides (Chemoth Rabah 36, 1). Par ailleurs, l’onction (mechi’hah) fait allusion à l’Oint du Seigneur (Machia’h). Bref, le service du cohen doit être exécuté avec célérité et surnager immédiatement comme l’huile, ce qui évoque le Machia’h. Mais en même temps, Aaron a apporté un taureau expiatoire, allusion au fait que personne n’est exempt de péché (« il n’y a aucun juste sur terre qui ne fasse que le bien sans jamais fauter » (Ecclésiaste 7, 20)), même ce cohen qui est l’oint du Seigneur. Quand il verra le taureau expiatoire, le Grand Prêtre n’en viendra pas à s’enorgueillir, et même s’il n’a rien à se reprocher, cela l’incite à l’effacement et à l’humilité devant Dieu.

Il apporte en outre deux béliers et un panier de matsoth, pour signaler que bien qu’il soit unique et n’ait pas son pareil, puisque lui seul rentre dans le saint des saints, il a néanmoins besoin d’un sacrifice supplémentaire car le mauvais penchant est très fort et cherche à le faire trébucher, lui le plus grand tsadik. Nos Sages ont enseigné que « quiconque est plus grand que son prochain a un mauvais penchant plus puissant que lui » (Soukah 52a). Il est également possible que ces deux béliers fassent allusion aux deux Temples où ont servi les cohanim, ainsi que le panier de matsoth, car les matsoth, nourriture fine et qui ne se gonfle pas, font allusion à l’humilité.

C’est donc pour éviter à Aaron de risquer de s’enorgueillir que la Torah a prévu tout ce cérémonial, car un bon début devait assurer une bonne suite pour toutes les générations. Nous voyons là un très grand principe, à savoir que tout dépend du début, de la même façon que le corps dépend de la tête (Erouvin 41a, Sotah 48b). Dans les termes de Rabbi Elazar Harokea’h : « La ferveur n’est jamais aussi forte qu’à ses débuts », car lorsque le juste montre la voie droite dès l’abord à ceux qui écoutent son enseignement, il y a une suite solide pour toutes les générations ultérieures.

Cette même Torah qui nous a été donnée au Sinaï perdure dans toutes les générations, car Moïse était le plus humble de tous les hommes (Nombres 12, 3), et il a servi Dieu avec empressement, au point qu’il n’avait pas le temps du tout de s’enorgueillir : il progressait sans cesse, et une mitsvah entraîne une autre mitsvah (Avoth 4, 2, Avoth Derabbi Nathan 25, 4, Tan’houma 491 1). Il a fini par mériter que la Torah devienne vraiment son héritage, comme en témoigne le verset : « Souvenez-vous de la Torah de mon serviteur Moïse » (Malachie 3, 22), ou encore la michnah : Moïse a reçu la Torah du Sinaï (Avoth 1, 1). C’est notre Maître Moïse qui l’a reçue, et si nous l’accomplissons comme lui, qui était entièrement plongé dedans, chez nous aussi elle perdurera et portera notre nom, ainsi qu’il est écrit : « Il médite sa Torah jour et nuit » (Psaumes 1, 2), ce sur quoi nos Sages ont dit que quand l’homme s’y plonge véritablement, elle devient sa Torah (Kidouchin 32b).

Nous devons apprendre de notre Maître Moïse à nous conduire humblement, ce qui nous permettra d’acquérir la Torah, ainsi qu’il est écrit : « Voici la Torah : un homme qui meurt dans la tente » (Nombres 19, 14). Les Sages ont dit sur ce verset : « Les paroles de Torah ne durent que chez celui qui se tue pour elles » (Bérakhoth 64b, Chabath 83b); il s’agit de se tuer en s’abaissant au maximum. Et de même qu’un homme mort, fût-il un grand roi, n’inspire plus aucune crainte (voir Chabath 151b, Béréchith Rabah 34, 17) et se trouve livré à la merci de tout un chacun, l’homme qui étudie la Torah doit s’effacer comme s’il était mort et ne rien répondre quand on l’insulte (voir Bérakhoth 18a), car la Torah s’acquiert par l’humilité (Erouvin 53a, Ta’anith 7a). On peut ajouter à cela que l’homme ne s’appelle humble (« mort ») que s’il se trouve véritablement dans la tente, à l’intérieur de l’étude de la Torah, comme Moïse notre maître qui se conduisait avec humilité et dont la Torah porte le nom. A notre époque, c’est la conduite des justes qui peut nous enseigner quelque chose de semblable au service du cohen dans le Temple : ils se consacrent entièrement à l’honneur de Dieu et par leur prière relèvent la cendre, à savoir les prières des benei Israël qui se trouvent à un niveau inférieur. Eux, les tsadikim, par leur service, ramassent et élèvent cette cendre (ces prières) vers le haut, avec zèle et humilité.

 

J’ai beaucoup appris de mes maîtres, et de mes égaux... (l’effacement devant le tsadik)
Table de matière
L’élévation par le mérite de l’humilité et la sainteté de l’alimentation

 

Hevrat Pinto • 32, rue du Plateau 75019 Paris - FRANCE • Tél. : +331 42 08 25 40 • Fax : +331 42 06 00 33 • © 2015 • Webmaster : Hanania Soussan