De la solidarité comme assise de la présence divine

Sur le verset « Quand on fut (VaYéHi) au huitième jour, Moïse appela Aaron » (Lévitique 9, 1), la Guemara nous dit : « Nous savons par tradition que partout où il est écrit VaYéHi, c’est toujours l’expression d’une douleur » (Méguilah 10b). Or en ce huitième jour, la joie était aussi grande devant Dieu que le jour où Il a créé le ciel et la terre. La réponse donnée habituellement est que ce fut aussi le jour de la mort de Nadav et Avihou.

Cela demande explication. En vérité, beaucoup de choses se sont passées le huitième jour, entre autres la Chekhinah est descendue sur le Sanctuaire, et ce jour-là a reçu dix couronnes (Torath Cohanim 9, 1). Alors pourquoi le verset commence-t-il par une expression de tristesse? Si c’est pour la mort des deux fils d’Aaron, elle n’a eu lieu que plus tard, et il aurait suffi que le texte en fasse état ultérieurement.

Voici comment on peut l’expliquer. En réalité, la souffrance était celle des benei Israël que soit déjà arrivé le huitième jour de l’inauguration et que la Présence divine ne soit toujours pas descendue sur le Sanctuaire, comme l’ont dit les Sages (Torath Cohanim 9, 23) et comme le rapporte Rachi (Ibid. 9, 23) : ils étaient dans la détresse parce qu’ils pensaient que tout était dû à la faute du Veau d’Or. Ils ont constaté que cette faute n’avait pas encore été pardonnée, signe que leur unité n’était pas parfaite, ce qui a provoqué un manque dans l’abondance de la lumière d’en haut qu’ils auraient pu recevoir pendant ces journées-là, car on sait que la Présence divine ne se manifeste que lorsque les benei Israël sont unis. C’est pourquoi il est écrit par la suite : « Toute la communauté s’approcha et se tint devant Dieu » (Ibid. 9, 5). Ces paroles expriment l’unité avec laquelle ils se sont approchés tous ensemble, comme un seul homme, d’un seul cœur. A ce moment-là ils se sont reliés à Moïse, qui est le juste capable de les rassembler. En effet, les Sages ont dit de lui que « Moïse est l’équivalent d’Israël et Israël est l’équivalent de Moïse » (Chir Hachirim Rabah 1, par. 4, Zohar II, 47a). Ce n’est pas pour rien qu’Aaron leur a également donné la bénédiction sacerdotale (Ibid. 9, 22 et voir Rachi, Torath Cohanim 10, 22), car elle contient les mots : « et qu’Il t’accorde la paix » (Nombres 6, 26), et la paix c’est l’unité.

Or voici que se dévoile à nos yeux la grandeur de Nadav et Avihou. Car bien que tous les benei Israël se soient dirigés vers Moïse et Aaron, eux sont allés dans une autre direction : « Ils apportèrent devant Dieu un feu étranger » (Lévitique 10, 1). Ils l’on fait parce qu’ils craignaient qu’il ne reste encore chez les benei Israël un soupçon d’imperfection dans l’unité, que cela empêche la Chekhinah de descendre, et que tout le monde en fasse porter la responsabilité à Moïse et Aaron, ce qui aurait porté atteinte à leur honneur sans qu’ils y soient pour quoi que ce soit. C’est pourquoi ils ont décidé de risquer leur vie pour l’honneur d’Israël et pour celui de Moïse et Aaron en apportant un feu étranger. Alors la colère de Dieu s’enflammerait contre eux et un feu sortirait qui les dévorerait, en réponse précise à ce qu’ils avaient fait (Chabath 105b, Pessiktah Zoutah Béréchith 44, 13), et Sa gloire se trouverait dévoilée de toutes façons, car le sacrifice serait brûlé en même temps qu’eux. Le Nom de Dieu serait donc sanctifié, et Il résiderait parmi les benei Israël. D’autant plus que quand ceux-ci constateraient que Dieu est un feu dévorant (Deutéronome 4, 24) qui ne pardonne pas à celui qui commet une imperfection, et que tout lui est dévoilé, ils en viendraient certainement à l’unité et au repentir, dans le regret de ce que la Chekhinah ne soit pas encore descendue sur le Sanctuaire.

L’Ecriture dit : « S’étant avancés devant l’Eternel, [ils] avaient péri » (Lévitique 16, 1), à savoir qu’ils s’étaient vraiment avancés pour la gloire de Dieu, comme dans le verset : « Marche devant moi et sois parfait » (Genèse 17, 1). En effet, ils se préoccupaient de l’honneur des benei Israël et de celui de Moïse et Aaron, et voulaient que les benei Israël atteignent l’unité. C’est pourquoi le verset dit à leur propos : « « Et vos frères, toute la maison d’Israël, pleureront ceux qu’a brûlés le Seigneur ». Cela signifie que les benei Israël ne connaissaient pas leur véritable intention, et que seul l’Eternel, qui sonde les coeurs (Proverbes 17, 3), connaissant leur désintéressement, en a fait part à la communauté. C’est pourquoi Nadav et Avihou ont également mérité que leur parachah soit lue le jour de Kippour : cette lecture réveille les enseignements qu’elle contient ainsi que ce qu’ils ont mérité en faveur des benei Israël. Ils désiraient en effet éliminer une fois pour toutes la faute du Veau d’Or. Le jour de Kippour, il est pardonné aux benei Israël par leur mérite, et toujours par leur mérite, la Chekhinah vient reposer sur eux.

Et malgré tout, Dieu leur en a tenu rigueur, car Il montre une sévérité extrême à l’égard des justes (Yébamoth 121b, Vayikra Rabah 27a). Ils ont donc été punis, car ils n’auraient pas dû se séparer du public au moment où toute la communauté s’unissait autour des grands de sa génération. Il fallait se joindre à tout le monde, surtout à un moment où l’imperfection de l’unité était précisément ce qui empêchait la descente de la Chekhinah. Celle-ci étant le but de la construction du Sanctuaire, la pureté de leurs intentions ne les dispensait pas d’y participer. Par ailleurs, le Rambam écrit sur celui qui se sépare du public que c’est l’une des choses qui ferment les portes du repentir, car quand les benei Israël se repentent, le fautif ne se trouve pas parmi eux et ne profite donc pas de leur mérite (Hilkhoth Techouvah ch. 4).

Nous voyons de là un très grand principe : même quand l’homme a les meilleures intentions du monde, si ses actes attentent à l’unité des benei Israël, l’Eternel ne les accepte pas, parce que l’unité tient une place essentielle à Ses yeux et qu’on n’a pas le droit de la négliger.

Et il se peut que ce soit précisément à cause de cela que Moïse a dit à Aaron : « Prends un veau adulte pour expiatoire » (Lévitique 9, 2). Ce veau vient expier la faute du Veau d’Or qu’ils avaient fabriqué (Tan’houma Chemini 10, Rachi, Torath Cohanim), et le Baal Hatourim écrit que « Eguel ben bakar » (un veau adulte) a la même valeur numérique que « lekhaper ‘heth ha-éguel » (expier la faute du Veau). De même que le péché avait détérioré l’unité des benei Israël, ce sacrifice apporté le huitième jour les a tous réunis en un cercle (IGouL, qui rappelle le mot EGUeL, veau), et la faute leur a été pardonnée.

D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que Dieu a créé tous les mondes à l’intérieur de dix cercles (IGouLim) que l’on appelle les dix sefiroth. Chaque sefirah doit être reliée et unie avec l’autre, et que bien que chacune porte un nom individuel (‘hokhmah, binah, da’at, ‘hessed, guevourah, tiféreth, netsa’h, hod, yessod, malkhouth), le rôle de l’homme dans le monde est de tout relier ensemble pour se rendre agréable à son Créateur. On peut à ce sujet consulter le Rambam (Hilkhoth Yessodei Hatorah ch. 3), qui en traite longuement.

Le Rav de Zanz explique que le cercle représente une unité. Ainsi, les matsoth rondes font allusion à l’unité des benei Israël, qui ne se divisent ni en coins ni en angles mais sont unis en un cercle comme la matsah. En effet, l’unité est le fondement même de la présence de Dieu.

 

La mort des justes est une expiation - (la grandeur de Nadav et Avihou)
Table de matière
Le juste périt à cause du mal

 

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