L’effacement devant le tsaddik

En approfondissant le sujet, on s’aperçoit qu’il y a ici une allusion au fait de s’attacher au tsaddik en s’effaçant devant lui, afin qu’il épanche sur nous des bénédictions en provenance du Ciel pour nous permettre de nous élever et de nous rapprocher de Dieu.

On sait que Lag Baomer est le jour de la Hilloula du saint Tanna Rabbi Chimon bar Yo’haï (Zohar III 127b, 296b, Birkei Yossef Ora’h ‘Haïm 493, 4), qui est enterré à Méron, d’où il nous envoie son rayonnement bénéfique [le présent article a été écrit par l’auteur CHeLITA le jour même de Lag Baomer]. Quelques jours avant, le 14 Iyar, Pessa’h Chéni, est le jour de la Hilloula du Tanna Rabbi Méïr Ba’al Haness. N’est-il pas surprenant que la Hilloula de ces deux grands Tannaïm se situe avant le jour du don de la Torah ?

Voici les réflexions que je me suis faites à ce propos. Pendant le Omer, nous nous préparons à recevoir le jour de Chavouoth à la fois la Torah écrite et la Torah orale. Les deux sont intimement liées, et quiconque rejette l’une d’elles, c’est comme s’il rejetait toutes les mitsvoth pour pratiquer l’idolâtrie (Kidouchin 40a, Sifri Chela’h 15, 22). L’homme doit par conséquent épouser les deux et se relier à elles, sans tenir compte des impies qui ne croient qu’à la Torah écrite. Or il faut une force considérable pour être parfait dans la préparation au don de la Torah. On l’obtient au moment où l’on se relie au tsaddik, qui est la base du monde (d’après Proverbes 10, 25). A ce moment-là, le jour de Chavouoth on accepte la Torah avec perfection, de tout son cœur et de toute son âme, dans la joie, sans aucune arrière-pensée ni mauvaise pensée, car le tsaddik nous fait profiter de toute son influence.

C’est pourquoi l’homme doit s’attacher au tsaddik de sa génération, qui est semblable à un saint rouleau de la Torah sans cesse relié à Dieu. Par sa personnalité et par la Torah qu’il enseigne, il mène son disciple à confesser ses fautes, si bien que son cœur se brise en lui et que le mauvais penchant le quitte. C’est le sens du verset : « Voici la chose qu’a ordonnée l’Eternel, accomplissez-la » : le huitième jour les benei Israël voulaient se rapprocher de Dieu, alors Moïse leur a dit que s’ils voulaient y arriver par l’intermédiaire du tsaddik , ils devaient avoir le cœur brisé et soumis (voir Psaumes 51, 19), en expulser le mauvais penchant, se repentir totalement de la faute du Veau d’Or, comme dans le verset « les coupables reviendront à Toi » (Ibid. 15), ensuite la présence divine résiderait parmi eux, et « la gloire du Seigneur vous apparaîtra », à vous, à l’intérieur de vous-mêmes.

Mais à cause de nos nombreux péchés, après la sortie d’Egypte et pour toutes les générations subséquentes, il y a une grande chute spirituelle, que les Sages ont définie ainsi : « Si les premières générations ressemblaient à des anges, alors nous sommes des hommes, mais si les premières générations ressemblaient à des hommes, alors nous ressemblons à des ânes, et pas à l’âne de Rabbi Pin’has ben Yaïr [qui refusait de manger une nourriture sur laquelle planait le moindre doute] » (Chabath112a). Cependant, la bonté de Dieu s’est manifestée, et aujourd’hui, bien que nous n’ayons plus ni Temple ni sacrifices ni cohanim pour accomplir le service divin, l’Eternel nous a envoyé des grands tsaddikim qui peuvent rayonner sur nous, et quand nous nous relions au tsaddik de notre génération, nous arrivons à nous préparer au don de la Torah. Nous avons déjà expliqué ci-dessus que l’homme doit épouser les deux formes de la Torah, Torah écrite et Torah orale, c’est pourquoi nous avons deux Hillouloth, mot qui signifie « mariage », des Tannaïm Rabbi Chimon bar Yo’haï et Rabbi Méïr Ba’al Haness, qui se situent précisément avant le don de la Torah, pendant le Omer, car Rabbi Méïr Ba’al Haness représente la Torah écrite (en effet, quand la Michnah cite une opinion sans en donner l’auteur, il s’agit de Rabbi Méïr (Sanhédrin 86a)), et Rabbi Chimon bar Yo’haï, qui a révélé les secrets cachés de la Torah, représente la Torah orale. En se reliant à ces deux tsaddikim, on peut donc recevoir ensemble la Torah écrite et la Torah orale et se rapprocher de Dieu.

Le Arizal a déjà fait allusion à tout cela quand à propos du verset « Tu es monté au ciel, tu t’es emparé d’un butin, tu as pris des cadeaux parmi les hommes » (Psaumes 68, 19), il a dit que le mot CHeVI (« butin ») est composé des initiales de Chimon Bar Yo’hai [note du rédacteur : peut-être peut-on ajouter que ADaM, « homme », peut se lire « Voici (DA) Méïr, allusion à Rabbi Méïr Ba’al Haness... ]. Il m’est venu à l’esprit d’ajouter que la suite du verset, « tu as pris des cadeaux parmi les hommes », représente Rabbi Méïr, car le mot « cadeau » (MaTaNoth) évoque MaTniTin (une michnah), mot employé dans l’expression « quand la Michnah (MaTniTin) cite une opinion  sans en donner l’auteur, il s’agit de Rabbi Méïr ». Or « tu as pris des cadeaux » évoque la Torah écrite, et nous savons que Rabbi Méïr a été sauvé par miracle, c’est pourquoi on l’appelle Ba’al Haness (celui à qui il a été fait un miracle) (Avodah Zarah 18a) ; cette Torah, Moïse l’a capturée quand il est monté au ciel, et en a fait un instrument de salut pour les tsaddikim qui étudient la Torah écrite et la Torah orale. Elle les garde et les protège, car dans leur racine, ces tsaddikim ne sont autres que le premier homme (Adam Harichon, or le verset parlait de BaAdam, « parmi les hommes » mais aussi « dans Adam »).

Nous constatons donc qu’en ces jours-là, pendant ces années très difficiles, Dieu nous a manifesté une grande bonté. Or il n’y a pas de génération dont les soucis ne surpassent ceux de la précédente (Pessikta Rabbati 15, 16), si bien que la Torah est oubliée, et qu’il est difficile de se préparer à la recevoir comme il convient. Par conséquent lorsqu’on se rattache pendant le Omer à ces deux tsaddikim qui représentent la Torah écrite et la Torah orale, une grande joie pénètre dans nos cœurs pour nous aider à faire disparaître l’écorce d’impureté, il nous devient plus facile de nous rattacher à Dieu et d’extirper le mauvais penchant de nos cœurs, et tout cela nous mène à mieux nous préparer et à recevoir la Torah comme il se doit. Sans ces deux Hillouloth, cela nous serait très difficile, car en réalité la génération ne le mérite pas. C’est pourquoi heureux somme-nous et bon est notre sort (Tana Debei Eliahou 21) d’avoir ces deux Hillouloth, mot qui signifie « mariages », et qui sont notre lien avec ces deux tsaddikim, lesquels sont à leur tour le lien avec la Torah et avec Dieu au moment de Chavouoth. Rachi rapporte au nom des Sages (Mekhilta Ytro 19, 17) que Dieu est sorti vers Israël comme un fiancé vers sa fiancée. Si l’on veut sincèrement atteindre ce niveau, il faut une très grande préparation, alors Dieu se rapproche de nous.

On comprend parfaitement d’après tout cela la déclaration suivante de nos Sages : « Combien sont grands les actes de ‘Hiya, qui chassait des daims, les égorgeait, faisait du parchemin de leur peau, et sur ce parchemin écrivait la Torah et l’enseignait aux enfants des benei Israël » (Baba Metsia 85b). Apparemment, on ne voit pas où est la grandeur. Il faut également expliquer pourquoi il fallait qu’il égorge les bêtes, il aurait pu les vendre et acheter du parchemin, neuf ou déjà écrit, avec l’argent de la vente. De plus, que signifie l’expression « les actes de ‘Hiya » ?

Rabbi ‘Hiya voulait montrer à toutes les générations comment l’éducateur doit enseigner aux benei Israël les voies de la Torah. Pour faire rentrer la Torah dans la tête d’un enfant, il faut un dévouement absolument extraordinaire. Il ne suffit pas de vendre sa chasse et d’acheter du parchemin avec, il faut chasser et égorger le mauvais penchant, pour que l’éducateur devienne pur de tout défaut, alors l’enfant pourra saisir ce qu’il lui enseigne. C’est cela « combien sont grands les actes de ‘Hiya ». Il ne s’agit pas seulement du fait de son enseignement, mais aussi des actes qui le précédaient. Cette grande préparation devait s’opérer avec un dévouement incroyable. La grandeur, c’est la préparation de l’enseignant lui-même, et la préparation de l’enfant, pour qu’il puisse étudier sans défaut ni péché.

« Voici la chose qu’a ordonnée l’Eternel, accomplissez-la » désigne cette préparation intense qui précède l’étude, et qui consiste à faire sortir le mauvais penchant du cœur, à l’égorger, et à s’attacher au tsaddik. Un tel dévouement permet de s’élever et de se rapprocher de Dieu, ce qui a pour conséquence : « la gloire du Seigneur vous apparaîtra », la Chekhinah se révélera à vous, quand vous serez unis devant Dieu par les intentions et la crainte du ciel.

 

Le ‘hamets et la matsah – annulation du yetser ha-ra
Table de matière
De l’importance de s’attacher à Dieu et à ses mitsvoth

 

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