Ecoutez, fils, les préceptes de votre père... et prêtez attention à la sagesse

Il est écrit à propos de Nadav et Avihou : « Ils apportèrent devant Dieu un feu étranger qu’Il ne leur avait pas ordonné, et un feu sortit de devant Dieu et les dévora (...), et aussi : « Je me sanctifierai par mes proches » » (Lévitique 10, 1-3).

Nous avons déjà longuement analysé ailleurs la mort des fils d’Aaron. Certes, d’une part ils ont agi sans ordre de Dieu dans beaucoup de domaines (voir Vayikra Rabah 24, 4-6), mais par ailleurs il est dit à leur propos : « Je me sanctifierai par mes proches », ce qui montre qu’ils avaient vraiment l’intention de se rapprocher de Dieu de toutes leurs forces. Le problème est que malgré leurs bonnes intentions, leur corps matériel n’était pas capable de recevoir l’abondance de l’épanchement divin qu’ils désiraient sans que leur âme s’échappe. En effet, le corps est l’instrument de l’homme, mais il est limité par la grandeur de l’âme et sa capacité à contenir la lumière divine. Les livres de Kabbale rapportent que Dieu a mis de Sa lumière dans le premier homme de façon limitée afin qu’elle ne le désagrège pas. De même, Il a limité la lumière qu’Il a introduite dans tous les mondes, car en se contractant Il a laissé un espace en forme de cercle, où il a introduit une ligne droite qui ne se propage pas au point de remplir totalement l’espace, sinon il ne resterait aucune place à l’existence du monde (voir à ce propos Da’ath Outevounah du Ben Ich ‘Haï, l’Introduction et le chapitre 1). Le corps est lui aussi limité par ce qu’il est capable de contenir, et sa capacité est en rapport avec la grandeur de l’âme.

Da’ath Outevounah du Ram’hal (par. 72) s’exprime en ces termes : « Par sa nature et sa racine, l’âme est extrêmement grande, mais pour qu’elle puisse venir en un corps, Dieu diminue sa lumière et sa force, et n’en laisse que ce que le corps peut supporter en ce monde, comme la lune à qui il a été dit : « Réduis-toi » (‘Houline 60b), alors que dans l’avenir, « la lune brillera du même éclat que le soleil » (Isaïe 30, 26) ». Il est également écrit à propos de Moïse : « Tu l’as un peu diminué par rapport aux êtres divins » (Psaumes 8, 6), ce qui signifie qu’il était limité, qu’on ne lui a pas totalement donné les cinquante portes de sainteté (Nédarim 38a). Ce sont des choses effrayantes !

On comprend donc parfaitement pourquoi Dieu non seulement n’a pas estimé que Nadav et Avihou avaient péché, mais les a même considérés comme saints. Seulement à ce moment-là, on ne comprend plus pourquoi ils ont été punis !

Leur faute principale a été de commettre un acte qui ne constituait pas un exemple à suivre pour les benei Israël. Tout tsaddik doit savoir que son comportement sert d’exemple aux générations suivantes. Ici, celui qui les aurait imités se serait rendu passible de mort, ce qui est contraire à la Torah, qui a été donnée pour qu’on en vive et non pour qu’on en meure, ainsi qu’il est écrit à propos des mitsvoth : « Que l’homme fera et par lesquels il vivra » (Lévitique 18, 5). Cela signifie qu’elles ne sont pas faites pour qu’il en meure (Yoma 85b, Sanhédrin 74a, Avodah Zarah 27b). Il est donc évident que de tels actes ne sont pas agréables à Dieu.

Il existe néanmoins une façon appropriée de servir Dieu, qui est celle de la sanctification de Son Nom, par lequel on s’élève au niveau de la crainte du ciel. On y arrive en disant le keryat chema avec une grande attention, au point de sentir qu’on est prêt à mourir pour sanctifier le Nom de Dieu. Comme l’écrit l’auteur de Noam Elimélekh, l’homme doit imaginer qu’on le brûle et qu’on le torture pour la sanctification du Nom, en acceptant sa souffrance avec amour. En vérité, il n’y a pas de plus grand rapprochement de Dieu, surtout quand on s’attarde sur le mot « e’had » (« Un »). Ce recueillement fait mériter une longue vie, comme l’ont dit les Sages (Bérakhoth 13b, Zohar I 122b). Quand on fait attention à bien prononcer toutes les lettres du Chema, on verra son Guéhénom refroidi et le feu n’aura plus aucune prise (Ibid. 15b, Ibid. II 160b), parce qu’on aura donné sa vie pour sanctifier le Nom de Dieu et goûté au feu, or Dieu rétribue mesure pour mesure (Chabath 105b, Nédarim 32a), on méritera donc de ne pas connaître le feu du Guéhénom dans le monde à venir.

Par conséquent le service de l’homme doit être calme et posé, dans un souci de ne pas provoquer la mort. L’homme n’a pas le droit de jeûner jusqu'à en mourir, même si c’est pour mieux se plonger dans l’étude de la Torah, mais au contraire rassembler ses forces pour servir Dieu. En ce qui concerne la mitsvah de donner sa vie, il y a d’autres façons de la réaliser, par exemple en disant le chema avec une grande concentration, ou en étant utile à la communauté, ce qui est une façon de sanctifier le nom de Dieu (Baba Kama 113a).

C’est ce que nous disons dans le Birkath Hamazone (selon le texte sépharade) : « Fais-nous trouver notre subsistance (...) paisiblement et non dans la souffrance », à savoir une paix qui ne comporte pas de souffrance. En effet, quelqu’un peut être extrêmement riche et tirer satisfaction toute sa vie de sa richesse tout en étant malheureux parce qu’il en voudrait encore plus, ainsi qu’il est écrit : «  celui qui a cent veut deux cents » (Kohélet Rabah 1, 34), (à propos du verset « Celui qui aime l’argent n’est jamais rassasié d’argent » (Ecclésiaste 5, 9)). Les Sages ont également dit « Plus on a de biens, plus on a de soucis » (Avoth 5, 7). Il peut aussi arriver que quelqu’un n’ait pas d’enfants, auquel cas toute sa richesse ne lui sert à rien. Quand Dieu a promis à Abraham une grande récompense (Genèse 15, 1, 3), il a répondu : « Que me donnerais-tu alors que je m’en vais sans descendance (...), car tu ne m’as pas donné d’enfants. »

L’homme doit donc prier pour demander à Dieu de lui donner la tranquillité et l’abondance sans aucun des soucis qui pourraient l’accompagner, et que ce ne soit pas un « trésor gardé à ses possesseurs pour leur malheur » (Ecclésiaste 5, 12). La Hagadah de Pessa’h nous dit que « notre labeur » (Deutéronome 26, 7) ce sont les enfants, ce qui signifie que tout le labeur de l’homme est en faveur de ses enfants. S’il n’en a pas, il ne lui sert à rien de travailler tant. De plus, heureux est-il quand son effort porte sur l’étude de la Torah, ainsi qu’il est écrit : « Heureux celui dont le labeur est dans la Torah » (Bérakhoth 17a). S’il s’investit également dans toutes les mitsvoth, ses enfants apprennent de lui, et tout ce qu’il fait contribuera à leur réussite et à celle de toute sa descendance - « notre labeur - ce sont les enfants ».

Nous sommes maintenant mieux en mesure de cerner la nature de la faute de Nadav et Avihou. Les Sages voient dans le verset « Aaron fit ainsi, etc. » (Nombres 8, 3) un signe de la grandeur d’Aaron, qui n’a rien modifié de l’ordre de Dieu (Sifri 8, 5). Aurions-nous donc imaginé qu’il y change quelque chose ? Il s’agit en réalité du fait qu’il n’a rien changé à ses saintes origines. Ce même labeur que son père Amram avait investi en lui l’a marqué, lui et les générations suivantes, en le poussant à ne rien modifier, c’est pourquoi la Torah restera l’apanage de sa descendance.

C’est cela la base de toute l’éducation : quoi qu’il puisse arriver, n’introduire aucune modification chez ses enfants. Cette même éducation qu’Aaron avait reçue de son père était si profondément ancrée en lui qu’il a pu ensuite devenir grand prêtre sans rien en changer pour autant, ce dont l’Ecriture le félicite. On peut aussi dire qu’il n’a rien modifié parce que le service de Dieu était gravé dans son cœur au point de s’accomplir avec une très grande précision, absolument sans aucun rajout, or comme on le sait, « quiconque ajoute – retranche » (Sanhédrin 29a, Zohar II 233b). Chez Aaron, même s’il accentuait quelque chose ce n’était pas considéré comme un rajout, et à plus forte raison pas comme un déficience, car il le faisait avec une précision extraordinaire.

C’est donc précisément de cela que Nadav et Avihou ont été punis : ils ont modifié la voie tracée par leur père et leur grand-père, ce que Dieu ne souhaite pas. Malgré tout leur enthousiasme et tout leur zèle, ce n’était pas une bonne chose, car leur acte les a exposés au danger, si bien qu’il n’y a rien là à apprendre pour les générations suivantes. Certes, tout ce qu’on leur reproche (état d’ivresse, enseignement devant leur maître, réticence à se marier etc.) n’est pas considéré comme très grave, puisque la Torah témoigne en leur faveur que « Je me sanctifierai par mes proches », et demande que toute la maison d’Israël pleure ceux qu’a brûlés le Seigneur (Lévitique 10, 7), sans compter que Moïse a dit à Aaron : « Ils sont plus grands que moi et que toi, ce sont eux les meilleurs » (Vayikra Rabah 1é, 2, Rachi Ibid.). Tout cela est dû au fait qu’ils étaient unis dans leurs actes et ont tout fait pour l’amour du ciel. Mais malgré tout Dieu ne le souhaitait pas, car on n’avait rien vu de semblable chez leur père Aaron (qui, lui, n’a rien modifié), et d’autres risquaient d’en arriver à une véritable faute en suivant le même chemin. Ils sont morts parce que Dieu voulait faire savoir qu’il ne désire par qu’on se mette en danger pour Lui, mais seulement qu’on étudie la Torah de tout son cœur, avec enthousiasme et zèle, à condition que cela n’implique aucun changement. A ce moment-là, elle sera source de vie et non de mort. Quand les Sages parlent de quarante-huit qualités nécessaires pour acquérir la Torah (Avoth 6, 5), ils n’ont pas arrondi le chiffre mais l’ont gardé à quarante-huit exactement, ni plus ni moins, sans aucune modification, car quiconque ajoute – retranche. Or quarante-huit est la valeur numérique de moa’h (« cerveau »). Nadav et Avihou, qui ont ajouté à ces quarante-huit, sont donc morts parce que leur cerveau (moa’h) ne pouvait pas contenir la lumière de l’infini, étant donné qu’ils avaient agi sans avoir reçu d’ordre.

Tout cela est arrivé parce qu’ils n’ont pas suivi les traces de leur père Aaron, qui lui ne modifiait rien, et n’offrait pas de feu étranger. On nous dit à propos d’Aaron le huitième jour : « [Il] étendit ses mains vers le peuple et le bénit (...) ils ressortirent et bénirent le peuple » (Lévitique 9, 22-23). Quelles sont ces deux bénédictions ? Les Sages ont dit (Torath Cohanim Ibid.) qu’au début, quand Aaron a apporté son sacrifice, voyant que la Chekhinah ne descendait pas, il a tourné son visage vers le peuple et lui a donné la bénédiction sacerdotale (Nombres 6, 24). Ensuite, quand il a constaté qu’elle ne descendait toujours pas malgré tout ce qui avait été fait, il a commencé à se faire du souci et a dit à Moïse : Tout cela est de ma faute, c’est parce que j’ai fabriqué le Veau. Les benei Israël ont eux aussi dit à Moïse, quand ils ont vu que pendant les huit jours la Chekhinah ne descendait pas : Nous voyons que nous n’avons pas été pardonnés de la faute du Veau d’Or. C’est pourquoi Moïse et Aaron sont rentrés dans la Tente d’Assignation et ont supplié Dieu d’avoir pitié, puis ils sont sortis et ont béni le peuple en lui disant : « Que la bienveillance de l’Eternel notre Dieu soit avec nous (...) l’œuvre de nos mains fais-la prospérer » (Psaumes 90, 17), à savoir « puisse Sa volonté être que la Chekhinah repose sur l’œuvre de vos mains » (Tan'houma Pékoudei 11). A ce moment-là la Chekhinah est descendue pour Israël.

Mais il reste à explique pourquoi Aaron a dû les bénir une deuxième fois, et pourquoi pendant la bénédiction sacerdotale il n’a pas introduit directement la bénédiction « Puisse Sa volonté être que la Chekhinah repose sur l’œuvre de vos mains ».

On peut y voir une manifestation de la grandeur d’Aaron, qui aimait la paix et poursuivait la paix (Avoth 1, 12, Kalah Rabati 3). Il a implanté cette qualité chez ses fils et sa descendance. Ce n’est pas pour rien qu’il est écrit dans la bénédiction sacerdotale (Nombres 6, 26) : « Et qu’Il te donne la paix », car la paix est également un récipient qui contient la bénédiction de Dieu (fin de Ouktsin, Devarim Rabah 5, 14). Le Or Ha’haïm a écrit à ce propos : « Celui qui comprend le mot chalom (« paix ») sait que c’est le fondement du monde, qui soutient les créatures d’en haut et d’en bas et qui contient la bénédiction. Mais pour que cette bénédiction de paix fasse effet et que Dieu y réponde « amen », elle doit être donnée des profondeurs du cœur, sans aucune espèce de rancune contre les benei Israël. D’ailleurs les mots « Et Je les bénirai » (Va-ani avarkhem) ont la même valeur numérique que « Des profondeurs du cœur » (mi-ma’amakei lev, en comptant aussi les mots).

La force d’Aaron, c’est d’être capable de bénir les benei Israël même quand ils n’en sont pas dignes, raison pour laquelle Dieu a remis la bénédiction sacerdotale entre ses mains. C’est bien sûr essentiellement Lui qui bénit, mais il demande pourtant que la bénédiction passe par les cohanim qui la prononceront du fond du cœur et du fond de l’âme, si bien qu’elle fera son effet sur le peuple saint.

Par conséquent, quand Aaron a vu que malgré sa bénédiction de paix la Chekhinah ne descendait toujours pas, il en a conclu que c’était entièrement de sa faute, à cause du Veau d’Or. Loin de rejeter la culpabilité sur le peuple, il l’a entièrement assumée lui-même, dans son amour pour les benei Israël ! [On trouve la même attitude chez Moïse, quand il a prié pour les benei Israël à propos de la faute du Veau d’Or (Exode 32, 11) en disant : « Pourquoi, mon Dieu, ta colère s’enflammerait-elle contre Ton peuple ? » Il a dit à Dieu : Tu as dit « Je suis l’Eternel ton Dieu » (Ibid. 20, 2) au singulier, c’est à moi que Tu as donné Tes ordres et non à eux... (Chemoth Rabah 43, 5), et eux n’ont rien fait.] Il a donc tout endossé, craignant de leur avoir donné la bénédiction sacerdotale avec une légère teinte de rancune (contrairement à la volonté de Dieu) à cause de la faute du Veau d’Or. Bien qu’ayant assumé cette faute, il craignait de leur en vouloir un tout petit peu et d’avoir ainsi empêché la Chekhinah de descendre. C’est pourquoi il les a bénis à nouveau en leur disant : « Puisse Sa volonté être que la Chekhinah repose sur l’œuvre de vos mains », vos mains à vous, car je ne vous en veux absolument pas, et toutes vos œuvres sont bonnes.

Nous constatons ici sa grandeur : lorsque la Chekhinah n’est pas descendue, il n’a pas apporté un feu étranger, et ne s’en est pris qu’à lui-même, alors que ses fils, dans toute la pureté de leurs intentions, ne se sont pourtant pas bien conduits. Même s’ils étaient sûrs que la force de leur père allait faire descendre la Chekhinah et qu’ils désiraient l’y aider, cela leur a valu la mort, car cette forme de service ne leur avait pas été transmise par Aaron, et elle n’était pas désirée par Dieu. Aaron, quant à lui, n’avait rien modifié de ce qu’il avait appris chez Moïse et chez son père Amram, mais avait au contraire suivi leurs voies saintes. Ses fils n’avaient pas à s’en écarter, et ils en sont morts. En effet, il faut écouter les préceptes de son père, sans rien en changer, c’est la base de l’éducation de tout juif, de génération en génération.

Comment faut-il se comporter ?

Nous apprenons d’Aaron à ne rien modifier. C’est le principal et la racine du service divin, ne rien changer de la voie de nos ancêtres, mais suivre leurs traces comme ils nous l’ont enseigné. Et c’est l’essentiel de l’éducation de tout juif, depuis son enfance jusqu'à sa vieillesse, de génération en génération.

 

La faute de Nadav et Avihou et leur infinie grandeur
Table de matière
De la grandeur du Kiddouch Hachem

 

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