Une mauvaise racine abîme la foi et la confiance en Dieu

Il est écrit : « Le fils d’une femme israélite sortit parmi les benei Israël, c’était le fils d’un Egyptien, et une querelle s’éleva dans le camp (...), le fils de la femme israélite blasphéma et maudit le Nom de Dieu (...), et le nom de sa mère était Chlomit bat Divri de la tribu de Dan » (Lévitique 24 10-11). Les Sages se sont demandé d’où il était « sorti ». Rabbi Lévi a répondu : il est sorti de son monde, et Rabbi Berakhiah : « Il est sorti du passage qui précède, qu’il a voulu ridiculiser en disant : « On les placera le jour du Chabath » (Lévitique 24, 8) –les rois ont-ils l’habitude de manger du pain frais tous les jours, ou du pain vieux de neuf jours ? » (Vayikra Rabah 32, 3, Rachi Ibid.).

Nous allons examiner successivement plusieurs points qui demandent à être expliqués.

Que veut dire Rabbi Lévi par « Il est sorti de son monde » ? Et pourquoi d’après Rabbi Berakhiah s’est-il moqué du pain de proposition plutôt que des autres détails du Sanctuaire, par exemple les sacrifices, l’allumage de la menorah comme si le Roi avait besoin de sa lumière (Chabath 22b) ou toute autre chose ? De plus, pourquoi le nom cité est-il celui de sa mère plutôt que le sien, au point qu’il faille dire trois fois : le fils de la femme israélite, et ensuite seulement donner le nom de sa mère (voir à ce propos ce qu’écrit le Keli Yakar sur ce verset) ?

Essayons d’expliquer tout cela au mieux. Quand nous examinons la Création, nous voyons que le Chabath en est l’essentiel et le but, c’est à partir de lui que les six jours reçoivent leur bénédiction (Zohar II, 63b), et sa sainteté est supérieure à tout. En effet, avant la création du monde Dieu avait pour ainsi dire le repos, Son plaisir était dans la Torah (Béréchith Rabah 1, 1), et tout se passait comme « un jour de repos ». Par conséquent une fois qu’Il a fini les six jours de la Création et s’est reposé de tout Son travail (Genèse 2, 2), Il a sanctifié le septième jour pour qu’il ait une sainteté supérieure semblable à celle qui régnait avant la Création. C’est pourquoi tout homme doit aspirer à ressentir cette sainteté extrême tous les jours de la semaine, auquel cas la sainteté du Chabath régnera en lui tout particulièrement (Zohar I, 5b).

Or le pain de proposition fait allusion à la foi et à la confiance en Dieu dans le domaine de la nourriture et de la subsistance. Il nous enseigne que l’homme ne doit pas s’inquiéter de ce qu’il va manger s’il cesse de travailler le septième jour, même s’il n’a pas de ressources, car le pain de proposition montre que quand Dieu le veut, il reste frais jusqu’au jour où on l’enlève (Yoma 21a, Zohar II, 155a), contrairement aux lois de la nature. Cette constatation renforce la confiance en Dieu ainsi que la foi dans la création du monde et son but, qui est le saint Chabath. Ces deux notions, croire en Dieu et Lui faire confiance, sont inséparables, car elles sont le but de la création.

Cela nous permettra de comprendre pourquoi cet homme est désigné comme « le fils d’un Egyptien ». Comme on le sait, les Egyptiens niaient totalement l’existence de Dieu et de Sa providence (Chemoth Rabah 11, 4, 30, 13). Par conséquent, étant donné qu’il suivait l’exemple des Egyptiens, il est sorti du monde saint que sont le camp d’Israël et de la Chekhinah où il se trouvait, où chaque juif peut servir Dieu et attirer Sa présence, ainsi qu’il est écrit : «  Et Je demeurerai parmi eux » (Exode 25, 8), ou encore « Car Je suis l’Eternel qui demeure parmi les benei Israël » (Nombres 35, 34). En effet, le monde a été créé pour qu’il y ait un homme qui en arrive à pourvoir témoigner : « le monde a été créé pour moi » (Sanhédrin 37a), ou encore : « le monde n’a été créé que pour celui-là » (Bérakhoth 6b, Zohar III, 48a), l’homme étant le but de toute la Création. Par conséquent, l’Israélite qui avait renié tout cela était sorti de son monde et avait porté atteinte à la foi et à la confiance en Dieu, il avait donc attenté au Nom de Dieu, c’est pourquoi on l’appelle « fils d’un Egyptien ».

On ne peut s’empêcher de s’étonner de ce qu’un homme d’Israël, qui a entendu de la bouche du Créateur « Je suis l’Eternel Ton Dieu. » (Exode 20, 2), a vu quantité de miracles en Egypte et sur la mer et se trouve à l’intérieur du monde du Saint béni soit-Il, puisse en sortir avec une telle insolence, nier la providence du Créateur et Le tourner en dérision !

C’est que cet homme portait en lui un défaut fondamental si puissant qu’il fallait un travail considérable pour l’éliminer. Il provenait de sa mère Chlomit bat Divri, dont les Sages disent qu’elle portait ce nom parce qu’elle engageait la conversation avec tout le monde, ce qui a provoqué en elle cette détérioration (Vayikra Rabah 32, 2, Rachi Ibid.). En effet, loin de s’éloigner des Egyptiens qui asservissaient les benei Israël matériellement et spirituellement, elle s’approchait d’eux pour demander de leurs nouvelles afin d’être bien vue. Cette politesse a fini par la mener à mal se conduire avec un Egyptien (voir Chemoth Rabah 1, 27), et ils ont eu ce fils. Même après sa naissance, au lieu de réparer le mal en s’éloignant des Egyptiens, elle a continué à bavarder avec tout un chacun, et cette attitude est la cause de ce qu’elle a eu un fils qui aimait les paroles creuses et se moquait du pain de proposition. Le Zohar (III, 106a) écrit que le nom de sa mère, qui avait fauté avec un Egyptien, a été connu à cause de lui, alors que jusqu’à présent cette histoire était passée inaperçue.

On s’étonne : quel rapport y a-t-il entre tout cela et une raillerie sur le pain de proposition ? C’est que le pain fait allusion à la Torah, ainsi qu’il est écrit « Venez, mangez de mon pain » (Proverbes 9, 5), ce qui fait dire au Zohar (III, 33b) que le pain représente toujours la Torah. Il exprime l’idée que la Torah doit être présentée sur une table sainte et pure à l’intérieur du cœur de chaque israélite. Ce n’est pas pour rien qu’il est écrit : « Tu prendras de la fine fleur de farine et tu en cuiras douze pains » (Lévitique 24, 5) : le nombre douze fait allusion à la totalité d’Israël, les douze tribus, donc cela évoque la responsabilité collective des benei Israël (Chavouoth 39a). En effet, une mitsvah que ne fait pas l’un est faite par l’autre, et par le biais de cette responsabilité mutuelle, toute la Torah et toutes les mitsvoth se trouvent accomplies (c’est pourquoi avant de faire une mitsvah, on dit : « pour réaliser une union totale au nom de tout Israël »).

Au moment où l’on enlevait le pain de proposition, il était aussi chaud (« ‘ham ») que lorsqu’on l’avait apporté  (Yoma 21a, Zohar II, 155a). Or le mot « ‘ham » a pour valeur numérique quarante-huit, allusion aux quarante-huit qualités par lesquelles la Torah s’acquiert (Avoth 6, 5). Il s’agit de garder la Torah (« le pain ») qui se trouve à l’intérieur de l’homme toujours chaude, de ne pas dire une chose tout en en faisant une autre (‘Haguigah 14b), d’étudier la Torah non pas seulement comme un acte extérieur, mais en la gravant au fond de notre intériorité. Le pain de proposition qui restait une semaine sur la Table fait également allusion aux soixante-dix ans qui représentent la vie de l’homme, ainsi qu’il est écrit : « Les jours de ses années sont de soixante-dix ans » (Psaumes 90, 10), ce qui mène à la perfection du huitième jour : « Et dans la force, de quatre-vingts ans » (Ibid.), de Chabath en Chabath.

Il s’ensuit que cet Israélite qui s’est moqué des pains de proposition s’est moqué en réalité de toute la Torah et a renié toute foi en Dieu, son but étant de refroidir l’étude des benei Israël, comme le suggèrent ses paroles : « Peut-être du pain refroidi de neuf jours ? » Il voulait leur instiller l’idée du refroidissement, dans l’esprit d’Amalek, comparé à celui qui saute dans une baignoire brûlante afin de la refroidir pour les autres (Tan'houma, et Pessikta Zoutah Ki Tetsé 9). Il a tant persiflé que la Torah ne veut même pas citer son nom, et l’appelle « fils d’un Egyptien », parce qu’il a suivi les voies de son père l’Egyptien. Mais comme le mal avait aussi été fait par sa mère, il est aussi appelé ensuite du nom de sa mère, qui était bavarde et a engendré un fils bavard, en plus des défauts de son père.

Par conséquent, bien qu’il ait été dans un monde saint, et à un niveau élevé, tout cela lui est arrivé parce qu’il n’a pas travaillé sur lui-même pour améliorer ses défauts depuis sa naissance, si bien qu’ensuite il a tout renié. Les deux raisons n'en font donc qu’une:  il est d’abord sorti de son monde saint et ensuite il est arrivé si bas qu’il s’est moqué du pain de proposition, c’est-à-dire de la Torah. Nous voyons de là que chacun doit s’efforcer d’améliorer les défauts qui lui viennent de ses parents, de peur d’avoir à en souffrir, et pour ne pas en arriver au pire, il faut porter une grande attention aux quarante-huit qualités par lesquelles la Torah s’acquiert.

A d’autres endroits, nous avons déjà longuement parlé de A’her, le Rav de Rabbi Méïr, qui a coupé les racines et tout renié (‘Haguigah 14b, Chir Hachirim Rabah 1, 28), parce qu’il avait observé des événements difficiles à comprendre dans la mitsvah du renvoi de l’oiseau (Kidouchin 39b, ‘Houlin 142a). Comment le Rav de Rabbi Méïr Ba’al Haness a-t-il pu tout renier au point que des livres hérétiques tombaient de ses genoux ? (‘Haguigah 15b).

Il faut examiner ce qui s’est passé au moment de sa naissance et de sa circoncision. Un feu brûlait autour des Sages qui étaient venus, et son père a dit : s’il en est ainsi, je le consacre à la Torah (Yérouchalmi ‘Haguigah 82 I, Kohélet Rabah 7, 18, Ruth Rabah 6, 7, cité dans Tossafoth, passage qui commence par « chouvou », ‘Haguigah 15a). Son père n’a donc nullement agi par amour du Ciel, mais pour son propre intérêt, et c’est cela qui a assombri son avenir au point qu’il en est arrivé à lire des livres hérétiques, pour tout renier à la fin. On en a le vertige ! Car si A’her avait mis bon ordre aux tendances égoïstes de son père, cette mauvaise racine initiale n’aurait jamais engendré tout cela. Mais comme il n’a pas fait l’effort de rechercher la perfection dans les intentions, il est resté dans sa révolte et a fini par tout rejeter.

Que Dieu nous aide, et protège tous les égarés d’Israël, soit ceux dont la racine n’était pas bonne, et plus encore ceux dont la racine est bonne, à vaincre tous les obstacles dressés par les forces de l’impureté. Nous arriverons ainsi au but de la Création, qui est de Le reconnaître, Lui et Son royaume, par la venue du Messie rapidement et de nos jours, Amen qu’il en soit ainsi.

Comment faut-il se conduire ?

Si l’homme désire s’élever et se rapprocher de Dieu, il doit vérifier qu’il n’y a rien de mauvais dans le caractère de ses parents qu’ils auraient pu lui communiquer au moment de sa naissance, car ce défaut risquerait de lui rester. Il doit se donner beaucoup de mal pour le réparer, dans un esprit de désintéressement, alors seulement il arrivera aux quarante-huit qualités par lesquelles la Torah s’acquiert, à la foi et à la confiance en Dieu, et à la reconnaissance de son Créateur et de Ses actes.

 

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