L’ampleur de la responsabilité mutuelle chez les benei Israël

Sur le verset « Et ils trébucheront l’un sur l’autre » (Lévitique 26, 37), les Sages ont dit en plusieurs endroits (Chevouoth 39a, Sanhédrin 27b, et autres) l’un à cause de la faute de l’autre, ce qui nous enseigne que tous les benei Israël sont responsables les uns des autres.

Nous devons comprendre plusieurs choses à ce propos, et je vais les expliquer l’une après l’autre :

1. Pourquoi le Saint béni soit-Il aime-t-Il voir chez les benei Israël une responsabilité mutuelle ? Que Lui importe s’ils se disputent ou non, ou disent du mal les uns des autres, et s’adressent ensuite à Lui dans la prière ? Le principal n’est-il pas que tout juif aime Dieu, comme nous en avons reçu l’ordre formel : « Tu aimeras l’Eternel ton Dieu » (Deutéronome 6, 5) ? C’est Lui qu’il faut servir, ainsi qu’il est écrit explicitement « Et c’est Lui que vous servirez » (Deutéronome 13, 5) !

2. Pourquoi trouve-t-on de si nombreuses mitsvoth qui régissent les rapports des hommes entre eux, au point que les Sages ont dit que toute la Torah reposait entièrement sur la mitsvah « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lévitique 19, 18) [Rabbi Akiba a dit : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », c’est un grand principe de la Torah (Yérouchalmi Nédarim ch. 9 halakhah 4), et l’essentiel est l’amour et la paix entre les créatures, c’est cela la Torah, comme l’affirme le Midrach : la Torah est entièrement paix (Tan'houma Ytro, 9)]. C’est d’ailleurs la cause de nombreux mauvais décrets, au point que même le Temple a été détruit à cause de la haine gratuite (Yoma 9, 70b). Pourquoi est-ce si grave ?

3. On sait que la Torah n’aurait pas été donnée aux benei Israël s’ils n’avaient pas été responsables les uns des autres et aimants les uns envers les autres, ainsi qu’il est dit : « Israël campa là au pied de la montagne » (Exode 19, 2), verset que les Sages ont interprété ainsi : « Comme un seul homme avec un seul cœur » (Rachi Ibid. au nom de la Mekhilta). De plus, quand le Saint béni soit-Il s’est révélé aux benei Israël et leur a donné Sa Torah, Il leur a dit : « Je suis l’Eternel ton Dieu » (Exode 20, 2) au singulier, « Tu n’auras pas » (Ibid., 3) au singulier, et il est aussi dit plusieurs fois en allusion dans la Torah que tous les benei Israël sont comme une seule personne car ils sont unis. Pourquoi est-ce cela la volonté du Saint béni soit-Il ?

4. Il faut également comprendre l’affirmation des Sages selon laquelle quiconque dit du mal de son prochain perd toutes ses mitsvoth, qui passent à celui dont il a médit (voir ‘Hafets ‘Haïm Chemirath Halachon Cha’ar Hazekhirah ch. 7, au nom du Midrach Cho’her Tov). Pourquoi en est-il ainsi ?

Voici ce qu’on peut répondre simplement, à mon humble avis. Chaque juif porte en lui une parcelle d’origine divine, qui est son âme. Il est donc évident que par cet élément divin, il est relié à son Créateur, et c’est ce que signifie le verset « Attache-toi à Lui » (Deutéronome 10, 20) : par tes bonnes actions, tu dois rester attaché au Saint béni soit-Il, car la parcelle divine qui se trouve en l’homme est reliée à Lui (puisque c’est son origine). Et si tout juif se trouve relié au Saint béni soit-Il par son âme, cela le rattache par les racines avec de nombreuses autres âmes, chacune étant reliée aux autres, au point que tous les benei Israël deviennent responsables les uns des autres. En outre, plus une âme est sainte, plus elle est proche du trône de gloire. Par conséquent lorsque la concorde règne en ce monde entre les benei Israël et qu’ils accomplissent les mitsvoth envers autrui, ils donnent de la satisfaction à leur Créateur, par l’intermédiaire de la parcelle divine qui est attachée à Lui, et qui se trouve en paix et en sérénité. C’est une grande cause de plaisir et de satisfaction pour Dieu, c’est pourquoi Il protège toute parcelle qui se trouve dans cet état, à savoir tout juif. Mais quand prévalent en bas l’hostilité, la discorde, la haine gratuite ou la médisance, alors en haut se produit également une séparation et une rupture des liens entre l’âme et le Saint béni soit-Il, puisque les parcelles divines sont en lutte les unes avec les autres. Alors les parcelles divines se détachent, ce qui provoque une douleur et une disparition de la Chekhinah. Par conséquent il n’y a plus personne en haut pour protéger, et surviennent épreuves et malheurs.

On comprend donc que le Saint béni soit-Il souhaite l’union entre les benei Israël, et veut les voir responsables les uns des autres, car dans ce cas ils sont reliés à Lui par la parcelle divine qui est en eux. On comprend également qu’Il ait donné de si nombreuses mitsvoth dans le domaine des relations interpersonnelles, car le peuple d’Israël est un, et ses membres sont tous reliés au Saint béni soit-Il par la parcelle divine qui est en eux. Mais quand il y a entre eux des dissensions, les parcelles se trouvent également désunies, ce qui provoque une séparation d’avec Dieu et une disparition de la Chekhinah, car les benei Israël se sont détachés de leur véritable place, et alors arrivent les épreuves.

On sait que la Chekhinah n’abandonne pas les benei Israël dans leur exil, et que même en Egypte elle était avec eux, ainsi qu’il est écrit : « Je suis avec lui dans la peine » (Psaumes 91, 15), verset à propos duquel les Sages ont dit : « Quand ils ont été exilés à Babylone, la Chekhinah était avec eux, quand ils ont été exilés en Egypte, la Chekhinah était avec eux » (Méguilah 29a). Et aujourd’hui aussi la Chekhinah se trouve avec nous, elle est en tout lieu. Mais à cause de nos nombreux péchés, quand il y a des dissensions, des disputes, des discordes, des calomnies et de la haine gratuite, la Chekhinah disparaît. Certes, lorsque le Temple était debout aucun peuple ne pouvait le détruire tant que les benei Israël étaient unis, mais quand la haine gratuite s’est répandue, la Chekhinah a disparu, alors l’ennemi s’est trouvé le plus fort et a détruit le Temple, et de nombreux tourments et épreuves sont arrivés.

Pharaon le mauvais, qui est à la tête des forces du mal et de la kelipah, savait que la Chekhinah se trouvait avec les benei Israël en Egypte, et connaissait également tous les miracles qui étaient faits à Israël, comme le fait que les femmes engendraient six enfants à la fois (Chemoth Rabah 1, 8) au bord du fleuve, et qu’ensuite quand les enfants grandissaient ils venaient chez leurs parents, comme l’ont dit les Sages (Sotah 11b, Yalkout Chimoni Chemoth 164) sur le verset : « Je t’ai éveillée sous le pommier » (Chir Hachirim 8, 5) ; ils émergeaient, sortaient et rentraient chez eux en troupeaux. De même, il savait que les femmes faisaient manger à leur mari des poissons tirés des puits (Ibid.), et que les femmes venaient dans les champs de travail pour y accomplir la mitsvah de croître et multiplier, parce que les Egyptiens ne laissaient pas les hommes rentrer chez eux, afin de les empêcher d’avoir des enfants (voir Yalkout Chimoni, 163, les hommes dormaient dans les champs et les femmes dans la ville) ; les Egyptiens croyaient qu’ils pourraient ainsi empêcher la Rédemption, car tant que les âmes qui devaient recevoir la Torah n’étaient pas descendues, elle ne viendrait pas. Et un miracle s’est produit : les femmes allaient dans les champs, et les Egyptiens ne s’en apercevaient pas. De même, aucun juif ne voyait l’autre au moment où il rejoignait sa femme, au point que les non-juifs disaient que les benei Israël étaient des bâtards, d’après un proverbe (connu d’un enseignement des Sages sur les non-juifs) qui disait : « Comment l’Egypte peut-elle dominer les hommes alors qu’elle n’a aucune maîtrise sur les femmes des esclaves... », sans compter que c’était le pays du meurtre et de l’impudicité (voir Chemoth Rabah 1, 22, et autres). Tous ces miracles ont été faits à Israël en Egypte, et Pharaon le savait, comme il savait que la Chekhinah était avec Israël en exil, et que par conséquent la Rédemption finirait par arriver. C’est pourquoi lui et tout son peuple voulaient garder chez eux les benei Israël pour se nourrir de leur sainteté et renforcer leur puissance, qui venait des forces du mal et de la kelipah. Ils ont donc eu une idée : introduire des conflits et des dissensions à l’intérieur du peuple d’Israël en nommant des contremaîtres du sein même du peuple, ce qui conduirait les juifs à se battre entre eux, si bien que la Chekhinah fuirait. Mais cela n’a pas marché non plus, parce qu’au lieu de se disputer avec leurs frères juifs, les contremaîtres recevaient des coups des Egyptiens à leur place, ainsi qu’il est écrit : « On frappa les contremaîtres des benei Israël » (Exode 5, 14). Comme il n’y avait pas de conflit en bas, il n’y en avait pas non plus en haut, dans la parcelle divine, la Chekhinah résidait en Israël, et la Rédemption se rapprocha rapidement.

Et à mon humble avis, les benei Israël ont commencé à réparer cette faute du conflit et de la médisance au moment où ils ont entendu Moïse dire : « la chose est donc connue » (Ibid. 2, 14), ce que Rachi explique ainsi au nom du Midrach (Chemoth Rabah 1, 30) : Moïse comprenait à présent que les benei Israël étaient esclaves à cause de la faute de la médisance. Ils ont donc réparé cette faute-là, et a priori, Datan et Aviram se sont également repentis avant de sortir d’Egypte, et ont recommencé à se quereller avec Moïse au moment de l’épisode de Kora’h. Par conséquent, quand les benei Israël ont réparé la faute en bas, tout a aussi été réparé en haut. On sait ce que dit le Zohar : le réveil d’en bas provoque le réveil d’en haut (I 68a, et autres), ce qui signifie que quand l’homme en bas fait une mitsvah qui cause de la satisfaction à son Créateur, il attire sur lui un grand réveil d’en haut, du Saint béni soit-Il, pour l’aider à accomplir la mitsvah et aussi pour le protéger. Le Tania (Iguéret Hakodech, 4, 5, 6, 12 et autres) explique merveilleusement cette affirmation du Zohar.

Cela va nous permettre d’expliquer le cas qui nous occupe. Quand il y a en bas haine gratuite, conflits et discorde, au même moment s’éveille en haut la disparition de l’abondance, car la parcelle divine qui est reliée à Dieu se détache à cause de ces conflits, puisque le Saint béni soit-Il, que Son Nom soit loué à jamais, qui connaît tous les secrets de l’homme et sonde les reins et les cœurs, sait qui est pécheur et qui ne l’est pas, et la parcelle divine du pécheur disparaît.

La Torah est paix, elle est faite de Noms du Saint béni soit-Il, comme disent les Sages, elle est entièrement destinée à Israël qui s’appellent les prémices (voir Rachi sur Genèse 1, 1), et elle est entièrement générosité (Sotah 14a), fondée sur la mitsvah « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Quand règne la concorde, l’homme peut continuer à accomplir toutes les mitsvoth, mais quand il y a des conflits et de la médisance, alors le Saint béni soit-Il enlève leur auteur de sa place, et il n’est plus relié à Lui, parce qu’il est incapable de rester lié à ces âmes, ou à cette âme dont il a dit du mal ou avec qui il s’est disputé. Comme il quitte sa place, il est juste qu’il perde toute la récompense des mitsvoth qu’il a faites, et elles reviennent à celui dont il a dit du mal, et qui, lui, est resté sous le trône de gloire. C’est pourquoi les Sages ont dit que toutes les mitsvoth du médisant passent à celui dont il a parlé. En effet lui, le médisant, a été rejeté de la proximité du Saint béni soit-Il, mais son prochain a gardé cette proximité. De son côté, le Saint béni soit-Il souhaite que tous les benei Israël soient proches de Lui, reliés à la parcelle divine qui est en eux, c’est pourquoi Il désire les voir unis et responsables les uns des autres.

 

Le peuple d’Israël est au-dessus de la nature par le mérite de la Torah
Table de matière
La grandeur de l’étude et des mitsvoth dans un lieu de Torah

 

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