La foi en D.  à travers la contemplation de la nature

« Ce mois est pour vous le commencement des mois ; il est pour vous le premier des mois de l’année. » (Chemot 12:2)

Le premier commandement reçu par les enfants d’Israël en Egypte a trait à la sanctification du mois à travers celle de la nouvelle lune. Il visait à consolider dans le cœur des Hébreux les bases d’une foi pure et intense en D. en tant que Créateur de cet univers merveilleux. En effet, en contemplant la lune, les étoiles et les différents corps célestes, on ne peut manquer de s’émerveiller devant la splendeur de la nature, ce qui renforce inéluctablement la émouna et la crainte du Ciel. Dans cet esprit, le prophète s’écriait (Yechayahou 40:26) : « Levez vos yeux vers les cieux et voyez Qui les a créés », à l’instar du doux chantre d’Israël (Tehilim 19:2) : « Les Cieux racontent la gloire de D., et le firmament proclame l’œuvre de Ses mains. » A cet égard, la contemplation des milices célestes formées par les étoiles et les galaxies est la plus à même d’accroître la foi, l’amour et la crainte de D. Bien évidemment, on ne saurait se contenter d’un simple regard superficiel ; il est bien plus question d’une observation attentive et approfondie, d’un émerveillement devant l’œuvre divine à l’origine d’une telle beauté, combinés à la certitude que seul le Tout-Puissant les a créées. En enjoignant aux enfants d’Israël de lever les yeux au ciel, chaque mois, pour contempler Ses créations, le Très-Haut leur donnait une occasion d’accroître leur foi.

Du renouvellement mensuel de l’astre lunaire, on peut aussi déduire la grandeur, le puissant potentiel du peuple juif, qui est resté et restera toujours vivant en dépit de tous les malheurs et souffrances qu’il subit, en dépit de tous les défis. A l’image de la lune qui devient invisible en fin de mois pour ne réapparaître dans toute sa splendeur que plus tard, le peuple juif est soumis à d’innombrables aléas, apparemment insurmontables, à l’adversité la plus dure, au point que les goyim se disent qu’il n’est plus aucun espoir pour lui. Et pourtant, au final, le Saint béni soit-Il nous sauve et nous rend notre prime jeunesse, contrairement à toutes ces civilisations si brillantes et si puissantes qui ont disparu de la surface de la planète. Enterrée, leur gloire passée. Enterré, leur souvenir. Mais notre peuple, contre vents et marées, a survécu et se maintiendra pour l’éternité. Contempler la lune tout en méditant cette vérité, c’est se remplir à coup sûr d’une foi pure en D., Qui, dans Son amour infini, n’abandonnera jamais Son peuple.

Or, comment parvenir à ce pur éblouissement devant les merveilles de la Création ? C’est seulement en se détachant des vanités, de la matérialité et des turpitudes de ce monde que notre âme se purifiera et que nous deviendrons plus spirituels. Alors plus sensibles à ce spectacle céleste, nous pourrons prétendre au surcroît de foi qu’il procure. En revanche, celui qui est plongé dans la tourbe des envies et de la matérialité la plus vile restera insensible à une telle vision. Il me semble que c’est la raison pour laquelle on a l’habitude de danser au moment de kiddouch halevana (« sanctification de la lune »). Cela permet de se détacher momentanément de la « pesanteur » terrestre, de la lourdeur du monde matériel, pour devenir plus spirituel. Ainsi, notre bénédiction récitée au moment de la sanctification de la lune nous permettra d’en tirer foi et crainte de D.

De fait, après que les enfants d’Israël eurent le mérite d’accomplir pour la première fois la mitsva de sanctification du mois, au prix d’un détachement de la « pesanteur » terrestre, leur foi s’en trouva considérablement accrue et ils s’élevèrent jusqu’à se sacrifier pour l’accomplissement des mitsvot. C’est ce que prouve leur dévouement à l’accomplissement du commandement qu’ils reçurent juste après celui-ci : le sacrifice de l’agneau pascal. Le contexte égyptien était particulièrement défavorable à la réalisation de cette mitsva, puisque cet animal était l’objet d’une idolâtrie locale. Et pourtant, les Hébreux n’hésitèrent pas à les attacher au pied de leurs lits puis à les sacrifier au nez et à la barbe des Egyptiens. Leur confiance et leur foi en D. étaient telles qu’ils n’éprouvèrent pas la moindre crainte ni réticence, au point de badigeonner du sang de ces agneaux les linteaux et montants de leurs portes. D’où les Hébreux tirèrent-ils une telle audace, une telle force d’âme ? La réponse est claire : c’est par le mérite de la mitsva de sanctification du mois, reçue juste auparavant et qui opéra en eux ce renforcement de leur foi en D. Tout-Puissant, Créateur et Dirigeant de l’univers. Cela explique leur abnégation au moment du korban Pessa’h, qu’ils accomplirent avec joie et empressement.

« Levez vos yeux vers les cieux et voyez Qui les a créés », disait le prophète. Les mots : « Qui [les] a créés – mi bara », qui forment en acrostiche le mot bam, évoquent sans doute l’étude de la Torah, à propos de laquelle il est dit : « et tu en parleras – vedibarta bam » (Devarim 6:7). Ce parallèle nous enseigne que celui qui tire de son observation des merveilles du monde une forte foi en D., méritera par cette élévation de se consacrer à l’étude de la Torah avec amour et dévouement. Car il est évident que s’il a réussi à atteindre ce niveau d’émerveillement, c’est qu’il s’est détaché des serres de la matérialité et des pulsions de ce monde et s’est purifié. Or, de ce détachement de la matière à la mitsva de l’étude, « vedibarta bam », accomplie avec assiduité et ardeur, il n’y a qu’un pas. Car il est impossible d’adhérer simultanément à la Torah et à la matière, à ce monde et au Monde futur. Comme l’exprime le ‘Hovot Halevavot (chapitre « ’hechbon hanéfech »), ces deux pôles sont antinomiques, de même que l’eau et le feu ne peuvent coexister en un seul point. Une scission est indispensable. Le secret pour grandir dans l’étude est donc de rejeter toutes les vanités de ce monde.

A cet égard, le korban Pessa’h nous transmet le même message : il nous apprend à nous éloigner de la matérialité, pour ainsi dire, à « l’enjamber ». Il reste cependant une question à résoudre : pourquoi ce sacrifice devait-il être effectué précisément dans le Temple ? S’il est facile de comprendre que le sacrifice expiatoire devait y être offert, celui de l’agneau pascal, qui était consommé par groupe, par famille, n’aurait-il pas dû être apporté dans le contexte de la maison dans laquelle on le mangeait ?

L’explication réside, ce me semble, dans le fait que le korban Pessa’h, comme son nom l’évoque, rappelle le « saut » du Créateur par-dessus les maisons des Egyptiens, ainsi décrit : « Qui sauta (acher passa’h) par-dessus les maisons des enfants d’Israël » (Chemot 12:27). Nous pouvons déduire un principe de base fondamental du korban Pessa’h, dont l’abattage devait impérativement être réalisé à Jérusalem, tandis qu’il était offert en sacrifice dans le Temple : si une faute ou un désir matériel, quel qu’il soit, vient à se présenter à nous, il ne faut pas s’y laisser prendre mais l’« enjamber » et garder ses distances vis-à-vis de la matérialité pour s’élever dans le domaine spirituel. C’est aussi la garantie d’échapper au péché. Si l’agneau pascal devait être sacrifié dans l’enceinte du Temple, c’est justement pour rappeler à l’homme que, s’il ne vient pas fréquemment au Temple pour y apporter des sacrifices expiatoires sur chaque faute commise, qu’il sache au moins approcher un « korban Pessa’h », autrement dit, sacrifier ses envies et pulsions les plus basses, tirer un trait dessus ou plutôt les « enjamber ». Agir ainsi, c’est se garantir d’être préservé de toute faute, et donc éviter même d’en arriver au sacrifice expiatoire. Tel est donc le message de ce sacrifice qui devait être apporté à Jérusalem.

 

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