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Rabbi Avraham Yaffen - le Directeur des Yechivot de Novardok

Rabbi Avraham Yaffen width=

J’ai entendu son nom pour la première fois de mon père z’’l. Mon père m’a raconté que lorsqu’il étudiait à la yéchivah de Novardok il y avait là-bas un jeune homme du nom d’Avraham Pinsker, qui se faisait remarquer par ses manières aristocratiques, par un grand amour envers tout ben Torah et surtout par sa façon extraordinaire d’étudier. De temps en temps il exposait des commentaires de Torah devant un groupe d’élèves. Dans une certaine mesure, il provoqua un changement dans la méthode de Novardok. Jusqu’à l’arrivée de Rabbi Avraham à Novardok, on préférait l’étude du moussar à celle de la Guemara, mais ensuite commença une nouvelle époque. Les élèves, sous son influence, se consacraient davantage à la page de Guemara et à la méthode d’étude de toutes les yéchivot. Au bout de peu de temps, Rabbi Avraham devint le Rav de toutes les yéchivot de Novardok.

Rabbi Avraham est né en 5647 (1833), dans une petite ville proche de Pinsk. Dans sa jeunesse il étudia à Pinsk, et on l’appelait du nom de la ville, « le ilouï (« génie ») de Pinsk ». De là il passa à la ville de Krinik où il étudia chez Rabbi Zalman Sender.

Après ses années d’étude chez Rabbi Zalman Sender, il partit pour la yéchivah de Novardok s’abriter à l’ombre de Rabbi Yozel, le père des yéchivot de Novardok.

Rabbi Yozel reconnut qu’il était né pour la grandeur, et le prit pour gendre. Le mariage eut lieu en 5673 (1859), et Rabbi Avraham devint la main droite de son célèbre beau-père, prenant une part active à l’établissement de nouvelles yéchivot pour propager la Torah et le moussar. Rabbi Avraham pensait que désormais il pourrait s’installer en paix dans l’étude et donner ses cours devant les élèves des yéchivot, mais la providence en avait décidé autrement. Un an après son mariage éclata la Première guerre mondiale, et la yéchivah de Novardok s’enfuit jusqu’à Gomel, en Ukraine. Elle connut beaucoup d’ennuis et de malheurs, en particulier quand Rav Yozel, son fondateur, mourut. Mais le moral de Rabbi Avraham ne fut pas ébranlé et il prit immédiatement les rennes en main. Avec des forces surhumaines, il encouragea et soutint les élèves pour qu’ils ne perdent pas confiance.

Après la guerre éclata la révolution communiste, et les communistes conquirent la Russie. Ils se mirent à persécuter les élèves de la yéchivah, en les emprisonnant et en leur interdisant d’étudier la Torah. Rabbi Avraham, en tant de chef de l’armée des élèves de la yéchivah, donna un ordre : Ne pas céder ! Il voyait dans cette situation un décret de destruction face auquel il fallait même être prêt à donner sa vie, et il continua à lutter contre les communistes, avec une grande obstination et un courage extraordinaire. On étudiait dans des cachettes. A cette époque-là, les yéchivot de Novardok comptaient quelque six cents élèves. Même en prison, ils étudiaient la Torah. On faisait parvenir aux élèves emprisonnés des pages de Guemara et des livres de moussar en enveloppant dedans du poisson salé et d’autres produits.

En 5681 (1921), on emprisonna également Rabbi Avraham Yaffen, avec un certain nombre d’élèves. Sans se laisser troubler par la prison ni par les caves de la police secrète bolchevique, ils continuèrent à vivre comme à la yéchivah, priant, étudiant et écoutant des cours du RochYéchivah.

Au bout de deux ans d’un combat amer, ils se rendirent compte qu’ils ne pourraient pas continuer indéfiniment, et Rabbi Avraham posa à Rabbi Israël Méïr, le ‘Hafets ‘Haïm, la question de savoir s’il fallait se mettre en danger ou s'exiler. Le ‘Hafets ‘Haïm décida qu’ils devaient quitter la Russie et passer en Pologne.

La fuite de Russie en Pologne commença, Rabbi Avraham fut le premier à franchir la frontière, et ordre fut donné de passer en Pologne à tout prix. Par petits groupes, ils se mirent à traverser la frontière en fraude par divers moyens, et avec l’aide de Dieu, ils réussirent presque tous. Rabbi Avraham s’installa dans la ville de Byalistok, où il rouvrit la yéchivah.

La yéchivat Beith Yossef, du nom du fondateur des yéchivot, Rabbi Yossef Yozel, devint, en très peu de temps à Byalistok le centre de toutes les yéchivot de Novardok. Le Roch Yéchivah, Rabbi Avraham Yaffen, prodiguait un enseignement merveilleux. Outre ses cours de halakhah, il donnait des cours de moussar devant tous les élèves. La yéchivah resta dix-huit ans à Byalistok, et pendant ce temps-là des milliers d’élèves y furent éduqués. Tous évoquaient le nom de Rabbi Avraham avec amour et admiration.

Pendant le terrible Holocauste qui s’abattit sur les juifs en 5701 (1941), les yéchivot furent détruites, et leurs élèves massacrés. Rabbi Avraham Yaffen réussit à s’enfuir et arriva aux Etats-Unis avec un groupe d’élèves. De nouveau il dut prendre sur lui de tout recommencer à zéro. Avec une ardeur extrême, il se mit à fonder une yéchivah à Borough Park, Brooklyn. Il resta vingt ans en Amérique, où il réussit également à former des élèves dans l’esprit qui lui était propre.

Son étape finale fut Erets Israël. En 5722 (1964), il partit en Israël et fonda à Jérusalem un collel de la yéchivat Beith Yossef. Son activité spirituelle ne se limitait pas aux étudiants du collel, mais sa maison était largement ouverte à tous les élèves des yéchivot du pays. Elle bourdonnait toute la  journée de nombreux visiteurs qui venaient écouter des paroles de Torah, demander un conseil ou tout simplement se trouver dans l’entourage du Roch Yéchivah, qui était le dernier des célèbres Rachei Yéchivot de Pologne et de Lituanie avant la Deuxième guerre mondiale.

Je l’ai rencontré pour la dernière fois en 5729 (1971), à l’hôtel Galei Zanz de Netanya. Il était déjà très âgé. J’ai longuement discuté avec lui et j’ai été stupéfait de voir combien il était alerte et conscient de tous les problèmes du monde. Il me parla de nouveaux projets. Tous les matins, il priait à l’aube, et toute la journée, on pouvait le voir marcher avec une Guemara à la main, plongé dans les quatre coudées de la halakhah.

Jusqu’à son dernier jour, il donna des cours. Le soir de la veille de Pessa’h, après la recherche du ‘hamets, il se sentit mal et alla s’allonger. Il réussit encore à donner des ordres pour le lendemain sur plusieurs affaires de tsedakah. Le dimanche 14 Nissan 5730 (1972), il rendit son âme à son Créateur, et fut enterré la veille de Pessa’h à Har HaMenou’hot, à Jérusalem.

La nouvelle de son décès se répandit dans tout le pays, et bien que ce fût la veille de la fête, des milliers de personnes vinrent à l’enterrement, parmi lesquelles des rabbanim, des Rachei Yéchivot et leurs élèves. Tout le monde sentait qu’avec sa mort se terminait une grande époque d’Israël, celle des Rachei Yéchivot de Lituanie et de Pologne. Que le souvenir du tsadik soit une bénédiction.

 

 
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