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Rabbi Meir Schapira le Rav de Lublin • créateur de l’idée du Daf Hayomi

Rabbi Masliah Mazouz width=

C’était le 3 Eloul 5683 (1923). Sur la scène de la première Grande Assemblée de l’Agoudat Israël monta Rabbi Méïr Schapira, et il proposa l’idée d’« une page par jour du Talmud » : à partir de Roch Hachanah 5684, tous les juifs du monde entier étudieraient une page de Guemara chaque jour en suivant l’ordre des traités – à partir du traité Berakhot et jusqu’au traité Nidah.

Rabbi Méïr Schapira, qui était un grand orateur, décrivait à ce public considérable qui englobait tous les grands de la Torah du monde entier, le but de l’étude de la page. Il s’exprima en ces termes :

– Comme c’est merveilleux ! Un juif voyage en bateau en emportant sous le bras un traité Berakhot ; il voyage pendant quinze jours d’Erets Israël en Amérique, et tous les jours vers le soir il ouvre la Guemara et étudie le « daf ». Quand il arrive en Amérique, il rentre dans un beith midrach à New York, et trouve des juifs qui étudient la même page qu’il a étudiée aujourd’hui, ce qui lui permet de se joindre à leur groupe avec joie. Il discute avec eux et ils lui répondent, et le Nom du Ciel se trouve glorifié et sanctifié…

Un autre juif part des Etats-Unis pour faire un voyage au Brésil ; il revient au beith midrach et trouve tout le monde plongé dans cette même page où il se trouvait aujourd’hui. Y a-t-il une union des cœurs plus grande que cela ? Plus encore : jusqu’à présent, il restait beaucoup de traités qu’on n’étudiait pas, et qui étaient comme des « orphelins », dont seules des personnes exceptionnelles se préoccupaient ; et maintenant, le « daf » va rectifier la situation.

L’idée du daf hayomi reposait sur un enseignement des Sages : « Rabban Gamliel a dit : un jour je voyageais dans un bateau ; j’ai vu un autre bateau qui avait fait naufrage, et je me faisais du souci pour un talmid ‘hakham qui s’y trouvait, à savoir Rabbi Akiba ; quand je suis arrivé à terre, il est venu discuter avec moi de sujets de halakhah. Je lui ai dit : Mon fils, qui t’a fait remonter ? Il m’a répondu : Je me suis accroché à une planche (daf) du bateau, et à chaque vague qui arrivait, j’enfonçais la tête » (Yébamot 121).

L’époque où vivait Rabbi Akiba est considérée comme l’une des plus difficiles dans la vie du peuple juif. Et malgré tout, Rabban Gamliel a vu que Rabbi Akiba a réussi à faire vingt-quatre mille disciples et à rendre sa couronne à la Torah, c’est pourquoi il a formulé sa question sous la forme « Mon fils, qui t’a fait remonter ? », ce qui signifie : révèle-moi le secret de ta réussite.

Là-dessus, Rabbi Akiba lui a répondu : : « Je me suis accroché à une planche (daf) du bateau » ; j’ai trouvé un remède simple, un « daf » du bateau, et ce daf m’a sauvé. Le mot daf a deux significations : une planche, ou une page de Guemara. Je me suis accroché à une page de Guemara, j’ai rassemblé des auditeurs et j’ai enseigné la Torah en public. La Torah est notre vie et elle nous sauve de tous les malheurs (entendu de Rabbi Yossef Dov Soloveitchik, le Rav de Boston, qui a dit à cette occasion : il me semble qu’en ce qui concerne cette explication métaphorique, je vais dans le même sens que lui).

Tout le public considérable qui écoutait ce discours accepta la proposition avec un grand enthousiasme. Rabbi Méïr fut applaudi. Une proclamation sortit de l’Assemblée : « Le judaïsme orthodoxe du monde entier prend sur lui d’étudier tous les jours une page précise, en commençant par le traité Berakhot, à Roch Hachanah 5684 (1923). »

A Roch Hachanah après la prière du soir, le Rabbi de Gour dit à ses ‘hassidim : « Maintenant je commence à étudier le daf hayomi. » Ces quelques mots de la bouche du Rabbi provoquèrent une grande excitation dans le cœur des dizaines de milliers de ‘hassidim qui venaient à Gour, et tout le monde voulait chercher le traité Berakhot. Ainsi, Rabbi Méïr Schapira devint célèbre comme le père du « daf hayomi ».

Quand il rendit visite au ‘Hafets ‘Haïm chez lui à Radin, celui-ci le couronna du titre d’« inventeur du daf hayomi ». Le ‘Hafets ‘Haïm lui dit : « Je vous aime énormément, savez-vous pourquoi ? – Probablement à cause du daf hayomi. – Vous avez fait une grande chose, et dans le Ciel on se réjouit beaucoup de votre initiative. Vous devez savoir que là-bas, dans le monde de la vérité, c’est l’étude de la Torah qui est le plus respecté. Tout juif mérite d’être honoré en fonction de la quantité de Torah qu’il a étudiée en ce monde. Dans le monde à venir, on ne proclame pas : « Bienvenue, Rabbi Ya’akov ! » ou « Bienvenue, Rabbi ‘Haïm ! », mais « Bienvenue à celui qui a étudié le traité Berakhot ! » ou « Bienvenue à celui qui a étudié le traité Chabat ! » Là, dans le Ciel, il y a des trônes de gloire pour ceux qui ont étudié la Torah, et sur chaque trône est gravé le nom de tel ou tel traité, comme Berakhot, Chabat, Erouvin, etc. Et dans le monde à venir, chacun est assis sur le trône du traité qu’il a étudié…

Par conséquent, il n’y a pas longtemps encore, il y avait là-bas beaucoup de trônes vides, car ceux qui étudient la Torah n’étudient que les traités qu’ils ont parcouru dans leur jeunesse, en laissant les autres à des individus d’exception. Alors que maintenant, grâce à votre proposition, les trônes de tous les traités vont se remplir, et quelle ne sera pas la joie au Ciel ! 

C’est pourquoi vous méritez les plus grandes félicitations ! » (Rabbi Moché Méïr Yachar dans son livre Le ‘Hafets ‘Haïm).

Et comme le ‘Hafets ‘Haïm, d’autres tsadikim  et guéonim disaient de lui : « Combien est grand le mérite de Rabbi Méïr à cause du daf hayomi ! »

Lorsqu’il quitta ce monde, l’un des tsadikim de la génération s’écria : « Tous les Tanaïm et les Amoraïm sont allés à sa rencontre pour le faire entrer dans le Gan Eden, car il n’y a aucun Rav en Israël qui ait enseigné autant de Torah en public que Rabbi Méïr, par son daf hayomi, et il n’y a aucun autre Rav qui ait autant que lui ressuscité plusieurs traités du Talmud. C’est pourquoi la récompense qui l’attend est sans égale. »

Rabbi Méïr Schapira est né le 7 Adar 5647 (1887) dans la ville de Schatz en Roumanie. Son père, Rabbi Ya’akov Chimchon, descendait de Rabbi Nathan Schapira, l’auteur de Mégalè Amoukot, de Cracovie.

Dès son enfance, il se fit remarquer par son assiduité et ses dons exceptionnels. Il étudia la Torah avec son grand-père, le Min’hat Chaï, de Mimonistrichtz, le père de sa mère.

A l’âge de neuf ans, il connaissait déjà par cœur le Yoré Déa avec ses commentateurs. Son grand-père le gaon pleura comme un enfant quand son ami, le gaon de la génération, le Maharcham de Berjan, écrivit sur lui alors qu’il avait quinze ans : « J’ai vu Rabbi Méïr qui déracine les montagnes et les broie ensemble dans la halakhah, et j’ai dit sur lui la bénédiction : « Béni sois-Tu, Qui crées les lumières ! » Le nom du génie de Schatz était connu de tout l’entourage.

Tout jeune encore, il devint Rav de la communauté de Glina. Il y resta dix ans, et devint ensuite Rav de Sanok. De là on l’invita à venir dans la grande et ancienne ville de Pioterkov, et enfin il devint Rav de la ville de Lublin. Partout il fonda des institutions d’éducation et des yéchivot, car il se préoccupait beaucoup de tout ce qui concerne la jeunesse.

Rabbi Méïr s’occupait aussi des affaires communautaires. C’était un merveilleux orateur, et partout où il parlait il sanctifiait le Nom du Ciel en public. Il fut également choisi comme député du judaïsme orthodoxe au parlement polonais. A Pioterkov parut un livre de ses responsa en halakhah, « Or HaMéïr », qui fit une grande impression dans le monde des rabbanim et des yéchivot. De tous ses accomplissements pendant sa courte vie (il mourut encore jeune, à l’âge de quarante-sept ans), il est connu essentiellement par ses deux grands projets, le daf hayomi qui fut accepté par toute la Diaspora, et la magnifique yéchivah « Yéchivat ‘Hakhmei Lublin ».

Il avait encore beaucoup d’idées, mais au Ciel on en avait décidé autrement, et son destin était scellé. Tout à coup il attrapa la diphtérie, et les médecins furent incapables de le guérir. Avant de rendre l’âme, le 7 ‘Hechvan 5694 (1933), il ordonna qu’on lui apporte du cognac et des gâteaux, et il dit à ses élèves de boire à sa santé et de danser autour de son lit en chantant le verset « En Toi nos pères ont mis leur confiance », sur la mélodie qu’il avait composée. Les élèves dansèrent, les larmes coulant de leurs yeux, et  à cet instant, son âme sainte sortit.

Les mains impures des nazis ont profané toutes les tombes juives à Lublin. Une seule stèle est restée intacte, celle de Rabbi Méïr Schapira, ce qui était miraculeux. A la fin de l’année 5718 (1958), son cercueil fut transporté en Erets Israël et enterré à Har HaMenou’hot à Jérusalem.

En Erets Israël, Rabbi Ya’akov Halperin construisit en 5694 le quartier orthodoxe de Zikhron Méïr qui porte le nom du gaon de Lublin. A l’intérieur du quartier on reconstruisit la Yéchivat ‘Hakhmei Lublin. Rabbi Chemouël Halévi Wozner, l’un des disciples les plus éminents du Rav, est Rav du quartier et Roch Yéchivah.

 

 
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