Rabbi Moche Feinstein • Roch Yechivah De Tiferet Yerouchalayim

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Le jour du jeûne d’Esther, le gaon et tsadik Rabbi Moché Feinstein fut rappelé à son Créateur, à l’âge de quatre-vingt onze ans. Le mercredi, Chouchan Pourim, 15 Adar II 5746 (1986), l’enterrement eut lieu à Jérusalem (le cercueil avait été amené d’Amérique, et arriva en Erets Israël le mardi après minuit). Dans la yéchivah Ets ‘Haïm, où l’on avait placé le cercueil, on monta toute la nuit des gardes pour étudier la Torah et dire des psaumes.

Quelque deux cent mille personnes vinrent l’accompagner dans son dernier chemin, c’était le plus grand enterrement qu’il y avait jamais eu en Erets Israël. Des dizaines de milliers de personnes arrivèrent de tous les coins du pays pour rendre les derniers honneurs à l’homme qui avait consacré toute sa vie au peuple d’Israël, à la Torah d’Israël et à Erets Israël.

Des grands Rachei Yéchivot et de célèbres rabbanim firent son éloge funèbre. Ils dirent de lui : « C’était le plus grand décisionnaire de la génération et un phare de Torah. C’était un prince de la Torah et un gaon en halakhah, un pilier de générosité et un juste sur lequel le monde reposait. » Le Roch Yéchivah de Poniewitz, le gaon Rav Chakh, dit dans son oraison funèbre, d’une voix remplie de larmes : « Torah, Torah, porte le cilice pour la disparition du plus grand de la génération, qui était le plus grand sans aucune façon de parler ni exagération. Qui est un talmid ‘hakham ? Celui à qui l’on pose des questions partout et qui répond. Tel était le Rav Moché z’tl, il n’y avait aucun question, fût-ce la plus complexe, à laquelle il ne répondait pas. »

Rabbi Moché est né le 7 Adar (jour de la naissance et de la mort de Moïse notre maître), en 5655 (1895). Dès son enfance, il manifesta une assiduité et une intelligence exceptionnelles. Il puisait son inspiration chez son père, le gaon Rabbi David Feinstein, Rav de la petite ville d’Oujda, en Russie Blanche. De lui, son fils Moché absorba l’amour de la Torah. Tous ses amis parlaient de sa grande assiduité qui ne connaissait aucune limite. Outre les dons considérables qui le caractérisaient, il étudiait la Torah jour et nuit. Le Rav Avraham ‘Hinits, Roch Yéchivah de Tora VaDa’at, et personnalité connue à Brooklyn, m’a raconté que lorsque la première guerre mondiale a éclaté, tous les jeunes de la yéchivah de la ville de Starobin étaient en train d’étudier dans le beith midrach. Tous les matins on parlait des nouvelles de la guerre. Le jeune Moché écoutait lui aussi un peu les nouvelles de la guerre, mais au bout de quelques instants il retournait dans son coin pour étudier la Torah. A l’âge de quinze ans, il connaissait déjà parfaitement les trois ordres Nachim, Nezikin et Moed (entendu de lui-même).

La rapidité de sa compréhension était stupéfiante. Il lui suffisait d’un léger regard ou d’écouter un petit peu, et il avait immédiatement saisi en long et en large de quoi il retournait. Son beau-frère, le Rav Réouven Leivovits, a raconté qu’un jour, il était allé avec Rabbi Moché au centre de la ville, entre les gratte-ciel. J’ai été stupéfait, dit-il, quand Rabbi Moché a jeté un coup d’œil et donné avec précision le nombre d’étages du gratte-ciel. Quand je lui ai demandé comment il avait fait cela, il a répondu avec simplicité : « Je les compte par dizaines »…

Encore jeune, il devint Rav et AvBeith Din de la ville de Liouban, dans la région de Minsk en Russie Blanche, où il resta pendant les premières années de la révolution bolchevique. Malgré les persécutions du gouvernement contre les rabbanim, il continuait à étudier avec une grande assiduité, et bien que toute la famille ait vécu dans une seule pièce, petite et étroite, il se trouvait un coin où il s’installait pour étudier en oubliant le monde entier.

En 5694 (1934), il réussit à sortir d’Union Soviétique avec sa famille pour aller aux Etats-Unis, où il s’installa à New York. En arrivant aux Etats-Unis, il devint Roch Yéchivah de Tiféret Yérouchalayim, à la tête de laquelle il resta jusqu’à la fin de ses jours.

Dans son nouvel environnement, il garda toute sa vie sa profonde assiduité. A chaque instant libre il étudiait, et il est inutile de dire qu'il se plongeait dans l’étude pendant la nuit. Au bout de quelques années, dans le « Nouveau Monde » aussi son nom était connu comme celui de l’un des meilleurs rabbanim, grand dans la Torah et rempli de qualités et de bonnes actions. Et bien que Rabbi Moché ait encore été jeune, la quarantaine, à cette époque-là il y avait encore en Amérique des grands de la Torah et des géants de l’esprit, et il se faisait déjà connaître comme un gaon qui était parfaitement familier de tous les domaines de la Torah. Dès ce moment-là, beaucoup de rabbanim commencèrent à s’adresser à lui pour lui demander un avis de Torah. S’il se présentait une question grave chez les rabbanim et qu’ils n’arrivaient pas à une décision, ils s’adressaient à Rabbi Moché, et il tranchait la question.

Pourquoi beaucoup de gens choisissaient-ils de s’adresser à lui ? Parce que dans la personnalité de Rabbi Moché se reflétait pour eux le gaon et le décisionnaire des générations passées. Il était très humble, malgré toute sa grandeur en Torah. Quelqu’un qui venait lui poser une question de halakhah ne se sentait pas du tout mal à l’aise quand Rabbi Moché lui parlait d’égal à égal, et il traitait tous ceux qui venaient le trouver avec beaucoup de respect. Son cœur était toujours ouvert à tout affligé, et il s’empressait de venir en aide au prochain, habitude qui le rendait cher à tous ceux qui se trouvaient en contact avec lui. Au bout de peu de temps, il fut reconnu comme le décisionnaire de la génération et le chef spirituel d’Israël.

J’évoquerai les jours anciens, le temps où nous avons passé l’été ensemble dans un certain village. J’ai bien observé les coutumes de Rabbi Moché. Il se levait tôt et étudiait la Torah. Il surveillait également le non-juif qui trayait les vaches pour que nous puissions boire le lait, nous rendant ainsi un grand service tous les matins. Ensuite il s’installait pour dire les psaumes du jour avec une mélodie qui attirait le cœur. J’aimais l’écouter dire les psaumes, comme un juif ordinaire, en épanchant son âme. Ensuite, nous allions prier cha’harit. En chemin, il parcourait un chapitre de michnayot. On voyait que quand il étudiait les michnayot, tous les développements de Guemara lui traversaient la tête, et souvent, quand on lui posait un question, il regardait les michnayot en répondant à la question.

Pendant la journée, des rabbanim et des Admorim venaient le trouver pour lui poser des questions de halakhah. Il recevait tout le monde aimablement, même les gens simples qu’il se levait pour accueillir. Il disait bonjour le premier à tout le monde. Et en particulier le Chabat, il faisait attention à dire Chabat Chalom à tous ceux qu’il rencontrait en chemin. Rabbi Moché n’était pas seulement un gaon prodigieux en Torah, c’était également un gaon en humilité. Il avait un cœur d’or, et aimait tout homme qui a été créé à l’image de Dieu.

Il avait l’habitude d’ouvrir un lit pliant à deux heures, sur lequel il s’allongeait pendant trois quarts d’heure environ. Un jour, j’ai vu qu’il était en train d’étudier et n’était pas couché sur ce lit. Je me suis approché pour lui demander pourquoi il avait modifié son habitude, et il m’a répondu simplement : « Votre jeune fils (il avait trois ans) s’est approché de moi et m’a dit qu’il voulait se coucher sur le lit, alors je suis descendu du lit et je l’ai couché dessus. Votre fils m’a fait étudier davantage de Torah ! » Et il ajouta, un sourire aux lèvres, « qu’il en soit remercié ! » Je me suis approché du lit et j’ai vu mon fils endormi du sommeil du juste…

Cet été-là j’ai vu aussi comment il répondait longuement aux questions sans regarder un livre. Un jour, il m’a laissé regarder une réponse qui était écrite sur dix-sept grands feuillets. J’ai vu qu’il avait tout écrit sans regarder aucun livre.

A Ticha BeAv, il faisait attention à respecter toutes les coutumes écrites dans le Choul’han Aroukh. Après la prière et la récitation des chants de deuil, que l’on disait presque jusqu’à midi, il demanda qu’on lise le livre des Lamentations. Nous lui répondîmes qu’il n’y avait là personne qui sache le lire. Immédiatement, il s’assit par terre et nous lut le livre des Lamentations. Ensuite il voulut aller au cimetière. Craignant pour sa santé, je lui dis que le chemin du cimetière était très long et que c’était une journée très chaude. Il insista et voulut absolument accomplir cette coutume. Il est superflu de dire que j’ai respecté son désir.

La nuit, après la prière du soir, nous nous asseyions sous un arbre pour discuter des nouvelles de la journée. On voyait qu’il voulait se reposer un peu après une difficile journée d’écriture. Cette été-là, il préparait ses cours pour l’impression. Il me dit : « J’ai des commentaires sur tout le Talmud et sur l’ordre Zeraïm du Yérouchalmi. »

Bien qu’il consacrât ses jours et ses nuits à l’étude de la Torah et à l’écriture de ses livres, Iggerot Moché et Diberot Moché, Rabbi Moché était toujours prêt à aider le prochain. Il avait l’habitude de visiter des foyers juifs aux jours de la joie et aux jours de deuil. Même quand il était très malade, sa maison était ouverte aux visiteurs. Dans les derniers jours de sa vie, il dit à sa famille : « Je n’ai plus de force, je ne peux plus prendre de décision halakhique. » Apparemment, c’est comme s’il avait dit : « Mon rôle dans la vie est terminé. »

Huit ans avant sa mort, les médecins décidèrent de lui greffer un régulateur cardiaque. Il demanda qu’on lui donne le temps d’y réfléchir. Il invoquait la raison que bientôt le Machia’h allait venir et que le Sanhédrin reviendrait à sa place au Lichkat HaGazit. Il ne savait pas s’il pourrait siéger au Sanhédrin, car la halakhah est qu’on ne laisse pas siéger un homme infirme, et il se demandait si un homme qui porte un régulateur est considéré comme un infirme ou pas.

Il réfléchit et décida que c’était permis. Mais à cause de nos fautes, il fut emporté avant la venue du Machia’h.

Son cercueil fut inhumé à Har HaMenou’hot à Jérusalem, à côté des tombes du Admor de Belz et du gaon de Tchibin.

 

 
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