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Rabbi Naphtali Tsvi Yehouda Berlin Le Netsiv de Volojine

Le 5 Chevat 5652 (1892) fut un jour triste et amer, où fut fermée la grande et sainte yéchivah de Volojine, dont la porte fut scellée du sceau du gouvernement. Les communautés juives virent dans la fermeture de la yéchivah une sorte de destruction du Troisième Temple... Cette yéchivah était comme un atelier où se forgeait l’âme de la nation ; il en était sorti des grands d’Israël, des dirigeants de yéchivoth, des rabbanim et des talmidei ‘hakhamim qui avaient éclairé l’obscurité de l’exil.

Il est très important que les élèves des yéchivoth sachent qui était son fondateur et ce qu’était la yéchivah pour les communautés juives.

La yéchivah de Volojine est considérée à juste titre comme la principale yéchivah de Lituanie, et son fondateur Rabbi ‘Haïm est appelé le père des yéchivoth.

Jusqu’à sa fondation, il n’y avait pas de yéchivah en Lituanie, simplement dans une ville où il y avait un grand Rav, des jeunes gens se rassemblaient de tous les environs pour étudier avec lui. Ils passaient toute la journée au beit midrach de la ville, et tout ce qui leur était difficile, ils le présentaient au Rav. Parfois le Rav donnait aussi un « cours général » devant tout un public. Les jeunes gens mangeaient dans les familles de la ville, et dormaient sur les bancs du beit midrach. La situation des benei Torah était très difficile, et le prestige de la Torah était tombé bien bas, jusqu’à l’arrivée de Rabbi ‘Haïm, le disciple du Gra, qui fonda la première yéchivah.

Elle vit le jour à Volojine, dont elle a toujours porté le nom. En 5563 (1803) Rabbi ‘Haïm écrivit une lettre ouverte au public pour annoncer la fondation d’une grande yéchivah.

Le jour où elle ouvrit, notre maître Rabbi ‘Haïm pria du fond du cœur, en versant des larmes abondantes, et jeûna toute la journée pour avoir eu ce mérite. Dans chaque ville qui entendait parler de la yéchivah, la joie était extrême.

Peu de temps après, il eut la chance de voir la yéchivah dans tout son éclat. Des centaines de jeunes gens de toutes les villes de Russie venaient écouter la Torah de sa bouche, les jeunes gens apprenaient avec une assiduité extrême, et au fil du temps ils devinrent des grands de la Torah.

Rabbi ‘Haïm était très dévoué à ses élèves et les aimait de toute son âme. Il les nourrissait généreusement, veillait sur leur santé, se réjouissait de leurs joies et participait à leurs peines.

On raconte qu’un jour d’hiver, Rabbi ‘Haïm alla chez un cordonnier pour lui demander de lui faire de grandes bottes. Quand celui-ci lui apporta les bottes, sa famille s’étonna : pourquoi Rabbi ‘Haïm avait-il besoin de cela ? Par un petit matin d’hiver, après une nuit de neige, quand les juifs de Volojine allèrent prier l’office du matin, ils trouvèrent Rabbi ‘Haïm en train d’aller et venir dans une neige profonde. Rabbeinou, lui demanda-t-on, pourquoi allez-vous ainsi de long en large dans la neige ? – Je fraye un chemin aux garçons de la yéchivah, répondit Rabbi ‘Haïm avec simplicité.

Après le décès de Rabbi ‘Haïm, son fils Rabbi Yitz’hak le remplaça. Et après lui vint son gendre, Rabbi Naphtali Tzvi Yéhouda Berlin (les premières lettres de son nom forment le mot NeTZIV).

Pendant quarante ans, le Netsiv fut à la tête du gouvernement de la Torah dans la plus grande des yéchivoth. Il fut aidé par son gendre Rabbi Raphaël Schapira, et plus tard le merveilleux gaon Rabbi ‘Haïm Soloveitchik, le Rav de Brisk.

Ce fut une époque de gloire pour la yéchivah. Les élèves étaient tout particulièrement doués, et après être sortis de la yéchivah ils rayonnèrent de leur Torah et leur sagesse, chacun là où il se trouvait. Ce sont Rabbi ‘Haïm Ozer qui est ensuite devenu le plus grand de sa génération, Rabbi Avraham Yitz’hak Hacohen Kook, le Rav d’Erets-Israël, Rabbi Moché Mordekhaï Epstein, le Roch Yéchivah de Slobodka, Rabbi Isser Zalman Melzer, auteur de Even Haezel sur le Rambam, Rabbi Avraham Douber Schapira, le Rav de Kovno, Rabbi Baroukh Ber, le Roch Yéchivah de Kamenitz, Rabbi Chimon Schkop, le Roch Yéchivah de Telz et Grodna, et d’autres.

Mais le mercredi 5 Chevat 5652 (1892) un haut fonctionnaire accompagné de soldats rentra dans la grande salle, amenant l’ordre du ministre de l’éducation de fermer la yéchivah.

Les élèves firent sortir les livres saints avec des pleurs amers, et le vieux Roch Yéchivah se lamentait : « Torah, Torah, revêts un cilice... la destruction du troisième Temple... »

Certains juifs racontèrent qu’en passant à minuit près de la yéchivah, ils ont entendu des mélodies de tristesse et de lamentation qui s’échappaient de ses murs. C’était les airs que chantaient les élèves quand ils étudiaient, et qui avaient été absorbés par les murs ; à présent que les voix des benei Torah s’étaient tues, les murs de la yéchivah exprimaient leur grande tristesse.

Qui était l’homme qui avait vu la yéchivah de Volojine dans son épanouissement et l’a vu dans sa ruine ?

Rabbi Naphtali Tsvi Yéhouda Berlin est né la veille de Roch ‘Hodech Kislev 5577 (1817) à Mir. Son père, Rabbi Ya’akov Berlin, était commerçant et grand talmid ‘hakham, d’une famille de rabbanim et de personnalités de la Torah. Il était surtout connu par ses bonnes actions et son cœur pur.

On raconte qu’un jour, la servante avait cassé un précieux objet en verre. La femme de Rabbi Ya’akov la réprimanda vivement.

– Tu n’as pas le droit de la gronder, dit Rabbi Ya’akov à sa femme, c’est une fille d’Israël, et elle est aussi noble que toi.

– Mais elle a cassé l’objet le plus précieux que j’avais, s’écria la femme dans sa colère. – Tu as le droit de lui réclamer le prix de l’objet, dit doucement Rabbi Ya’akov, mais pas celui de crier sur elle.

– Si c’est comme cela, je vais aller avec elle en jugement chez le Rav ! Et tout en parlant, elle ordonna à la servante de la suivre chez le Rav. Rabbi Ya’akov se leva aussi pour partir. – Où vas-tu ? lui demanda sa femme. – Je vais chez le Rav pour défendre la servante, répondit Rabbi Ya’akov. Elle est pauvre, et elle ne sait pas se défendre elle-même.

C’est de ce père que l’enfant avait hérité toutes ses belles qualités qui sont restées implantées dans son cœur jusqu’à la vieillesse.

Nous ne savons rien de l’enfance du Netsiv. Il n’y a pas eu d’histoires fantastiques sur l’enfant qui allait devenir le Rav d’Israël. Il se peut qu’il n’ait pas été un « enfant prodige » qui stupéfie par ses dons surnaturels, et il se peut aussi qu’il ait été modeste dès sa plus tendre enfance, mais une chose est claire : Il avait au moins un grand don, l’assiduité. Il étudiait la Torah avec empressement, et c’est cela qui lui a acquis une renommée universelle. Encore enfant, à l’âge de onze ans, on l’amena déjà à la grande et célèbre yéchivah de Volojine, ce qui était tout à fait hors du commun.

Le Roch Yéchivah de Volojine, Rabbi Yitsele, entendit parler de lui et le prit comme gendre alors qu’il n’avait que treize ans. Rabbi Naphtali Tsvi Yéhouda Berlin vint habiter Volojine, et là, de nouveau, il s’enferma dans une étude incessante et faisait des jours de ses nuits pour la Torah. On raconte des histoires vraiment extraordinaires sur son assiduité dans l’étude. Quand il tombait endormi de fatigue, il mettait les pieds dans un seau d’eau froide pour pouvoir continuer à étudier.

Un jour, à la fin de Yom Kippour, quand son beau-père Rabbi Yitzele fit la havdala sur le vin, il sentit tout à coup que Rabbi Naphtali n’était pas encore rentré. Il partit à sa recherche et le trouva dans sa chambre en train d’étudier. Dans sa vieillesse, il s’efforçait aussi de se trouver à la yéchivah juste après Yom Kippour, car il disait que les élèves étaient certainement fatigués du jeûne et ne viendraient peut-être pas étudier cette nuit-là.

En 5613 (1853), alors qu’il n’avait que trente-six ans, Rabbi Naphtali Tsvi Yéhouda fut appelé à diriger la yéchivah de Volojine. Une nouvelle époque commençait dans sa vie. Le Netsiv se consacra de toute son âme à sa tâche, et la vit couronnée de succès. C’est de son temps que la yéchivah atteignit le summum de son développement. Quatre cents élèves étudiaient avec une grande assiduité, vingt-quatre heures d’affilée, à tout moment on entendait la voix de la Torah des étudiants et avec eux de leur Rav, le Netsiv. « Se donner du mal pour la Torah » était la devise qui n’a jamais quitté ses lèvres pures.

La maison du Netsiv était proche de la yéchivah. On lui demanda un jour comment il pouvait dormir avec la voix de la Torah qui ne s’arrêtait jamais un seul instant. Il répondit en souriant : « On a demandé un jour à un meunier comment il pouvait dormir la nuit, avec le bruit incessant des roues du moulin. Il a répondu : Vous vous trompez, tant qu’on entend le bruit des rouages, c’est alors seulement qu’on peut dormir tranquillement, et c’est ce bruit qui m’endort... Moi aussi, poursuivit-il, je me trouve dans la même situation que le meunier. C’est seulement quand le bruit de la Torah se fait entendre nuit et jour que je dors paisiblement. »

Le Netsiv était dévoué à ses élèves et les aimait profondément. Les milliers de jeunes gens qui ont étudié à la Yéchivah , pendant toutes les années où il l’a dirigée, l’ont aimé et respecté pour la grande affection qu’il leur manifestait. Il se conduisait avec eux comme un père envers ses enfants, et se préoccupait non seulement de leur développement spirituel, mais aussi de leur santé. Plusieurs fois par jour il rentrait à la yéchivah, passait dans les rangs, s’adressait aux élèves et regardait quelle page de Guemara ils étudiaient. Parfois il caressait la joue d’un garçon et lui disait : « Etudie, mon fils ! Je suis certain que tu deviendras grand dans la Torah. » Ces moments-là étaient des instants de bonheur dans la vie des élèves.

Un jour, un père vint le trouver en amenant son fils pour qu’il étudie à la yéchivah. Il demanda au Netsiv de bien veiller sur lui, car il était fils unique. Le Netsiv lui répondit : « Vous, vous avez un seul fils unique, et moi j’ai quatre cents fils uniques ! »

La négligence dans l’étude était à ses yeux une très grande faute. Une fois, son épouse tomba très gravement malade. Les étudiants, qui voyaient son visage rempli de douleur et de peine, vinrent le trouver en proposant d’interrompre leur étude un petit moment pour prier pour la santé de la rabbanit, en disant quelques psaumes. Il refusa... « Il est interdit d’interrompre l’étude », répondit-il (voir l’ouvrage « Rabbi Moché Chemouël et sa génération »).

Le Netsiv écrivit de nombreux livres d’importance, entre autres son commentaire sur la Torah, Haamek Davar.

Il aimait beaucoup Erets-Israël, et aspira toute sa vie à s’y rendre. A cause de l’amour de la Torah et de la yéchivah de Volojine, il fit taire ces velléités, mais après sa fermeture, il exprima le désir d’aller en Terre sainte et de passer ses derniers jours à Jérusalem. Quand le bruit en parvint, les habitants de Sion se préparèrent à l’accueillir dans l’honneur et la joie.

Mais alors qu’il s’apprêtait à partir, il tomba malade à Varsovie, et le 17 Av 5653 (1893), le grand flambeau s’éteignit et l’âme du Rav d’Israël monta aux Cieux. Des myriades de gens de tous les milieux participèrent à son enterrement, et le deuil fut grand dans toutes les communautés d’Israël.

Beaucoup d’années se sont écoulées depuis, mais l’image vénérée du Netsiv et de sa yéchivah reste gravée dans le cœur de la nation et ne sera jamais oubliée.

 

 
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