BO 28 JANVIER 2012 4 CHEVAT 5772 |
|
Abnégation pour l’accomplissement des mitsvot
(par Rabbi David Hanania Pinto Chelita)
« Parlez à toute la communauté d'Israël en ces termes : Au dixième jour de ce mois, que chacun se procure un agneau pour sa famille paternelle, un agneau par maison » (Chemot 12, 3)
D. a ordonné aux bnei Israël de Lui apporter en sacrifice un animal du menu bétail, car l’agneau était un dieu pour les Egyptiens. En l’égorgeant et en l’offrant à D., les enfants d’Israël ont donc montré qu’ils n’adhéraient aucunement au paganisme de l’Egypte. Dans la pratique, apporter l’agneau pascal a exigé d’eux une forte abnégation : en effet, Hachem leur a ordonné d’attacher l’animal au pied de leur lit déjà quatre jours avant de le tuer afin de vérifier qu’il ne comportait aucun défaut. Or voyant le peuple juif se préparer à offrir leur dieu en sacrifice, les Egyptiens ont été saisis de colère. Mais les bnei Israël ne les ont pas craints : ils se sont attachés à l’ordre de D. et l’ont accompli au péril de leur vie. Puis la deuxième année de leur sortie d’Egypte, ils ont à nouveau accompli la mitsva de l’agneau pascal. Cependant quelques hommes, alors impurs parce qu’ils portaient le corps de Yossef, n’ont pas pu se joindre à leurs frères pour cette mitsva. Ils se sont rendus chez Moché pour lui demander : « Pourquoi serions-nous privés d’accomplir la mitsva du sacrifice de Pessa’h uniquement à cause de notre impureté ? Ils l’ont également imploré de s’enquérir auprès de D. s’il leur serait malgré tout possible d’offrir l’agneau pascal, comme le reste du peuple. Constatant leur désir intense d’accomplir la parole de Hachem, Moché L’a consulté et Il lui a répondu que ces hommes pourraient réaliser cette mitsva plus tard, le 14 Iyar, c’est-à-dire un mois après la fête de Pessa’h, comme il est dit « c’est au deuxième mois, le quatorzième jour, vers le soir, qu’ils la feront; ils la mangeront avec des azymes et des herbes amères » (Bemidbar 9, 11).
Ces hommes n’ont pas seulement pu fêter Pessa’h comme il se doit et apporter un sacrifice à D. : ils ont également mérité d’être à l’origine de la mitsva de « Pessa’h Cheni (le deuxième Pessa’h) ».
En effet, ils aspiraient si fortement à réaliser le commandement divin que Hachem leur a octroyé une mitsva supplémentaire et nouvelle, qui est celle de Pessa’h Cheni. Ceci est une grande leçon pour nous. Elle nous enseigne à quel point nous devons souhaiter et désirer accomplir les mitsvot de D.
Le principe énoncé dans Pirkei Avot est bien connu : « Une mitsva en entraîne une autre et une mauvaise action en entraîne une autre » (4, 2). Ainsi, lorsque D. nous voit accomplir une mitsva avec plaisir et enthousiasme, Il nous donne l’opportunité d’en réaliser une autre afin de multiplier nos mérites. Plus nous exprimons notre envie de pratiquer Ses commandements, plus Hachem nous protège de la faute et nous procure des occasions supplémentaires de Lui obéir.
D’un autre côté, quiconque transgresse ouvertement la parole de D., ne regrettant pas le moins du monde de se soustraire aux mitsvot de la Torah, ne sera ni béni ni protégé par D. Plus il fautera, plus Hachem lui enverra des possibilités de fauter à nouveau… au point de se retrouver constamment en transgression.
De plus, Hachem associe une bonne intention à un acte (Kidouchin 40a). Ainsi, si nous désirons accomplir une certaine mitsva, mais que pour diverses raisons nous n’y parvenons pas, D. nous considère comme l’ayant effectivement réalisée. Plus encore, Il nous envoie une mitsva supplémentaire comme si nous avions réellement accompli la première, selon le principe « Une mitsva en entraîne une autre » (Avot 4, 2).
Le test de la déception
Nous pouvons presque tous affirmer vouloir intensément obéir à la parole de D., mais en être empêchés par les préoccupations quotidiennes. Il nous faut alors nous confronter à un test simple afin de nous assurer que ce désir est une priorité pour laquelle nous sommes prêts à fournir tous les efforts, et pas uniquement un simple souhait comme tant d’autres.
Imaginons quelqu’un qui aurait rempli chez lui un billet de loterie et qui, allant le valider, trouve le bureau déjà fermé.
Evidemment il rentre chez lui déçu mais, le lendemain, lorsqu’il s’aperçoit que les numéros gagnants sont ceux qu’il avait choisis, sa peine sera indescriptible et il sera terriblement contrarié d’avoir perdu cette chance. De la même manière, nous devons procéder à un examen de conscience et nous interroger : suite à la perte d’une mitsva, sommes-nous tristes comme celui qui a trouvé le bureau de loterie fermé et est rentré chez lui un peu frustré ? Ou alors sommes-nous profondément déçus à l’image de celui qui s’aperçoit que ses numéros, non envoyés, ont finalement été tirés au sort ? Cette image est extrêmement violente : en effet, nous sommes naturellement attirés par le matériel et seules quelques personnes d’élite se sentent vraiment tristes lorsqu’une mitsva qu’elles désiraient fortement accomplir leur échappe. Plus nous nous habituerons à méditer sur la valeur des mitsvot et sur leur important salaire, plus la volonté de les réaliser s’accentuera, même au prix d’un gros effort et de beaucoup d’abnégation. D’ailleurs nous avons la promesse explicite que quiconque s’investit dans la réalisation des mitsvot recevra de D. des occasions supplémentaires d’accomplir des bonnes actions au point de baigner dans le bien et la charité en permanence.
SUJET D’ACTUALITE
Les « Chovevim »
Nous nous trouvons au cœur des semaines que l’on appelle « yemeï hachovevim », qui commencent à la parachat Chemot et se terminent à la parachat Michpatim. Le mot « chovevim » est formé avec les initiales de : « Chemot, Vaera, Bo, Bechala’h, Yitro, Michpatim » (pendant les années embolismiques, on ajoute Terouma Tetsavé, dont les initiales sont « Tat »). Ces jours sont connus pour faciliter un renforcement dans le service de Hachem, en sainteté et en pureté, par le travail sur le caractère. Les ‘hassidim et les personnes exceptionnellement pieuses ont l’habitude de jeûner pendant ces jours pour progresser dans la sainteté.
Le « Levouch » (685) évoque la coutume des jeûnes pendant cette période. Au Maroc, cette habitude était réservée aux années embolismiques, comme il le souligne lui-même : « Il y a des endroits où l’on a l’habitude, pendant les années embolismiques, de fixer un jeûne tous les jeudis des parachiot « Chovevim – Tat ». A Cha’harit on lit dans la paracha de la semaine, à minh’a on lit « Vaya’hel » et la haphtara « Dirchou ». On a cette coutume parce que l’année est longue, il y a plus de six mois entre les jeûnes du lundi et du jeudi du mois de ‘Hechvan et ceux du mois d’Iyar, c’est pourquoi on jeûne pendant ces huit jours-là pour compenser le mois supplémentaire qui est de quatre semaines, chaque semaine deux jeûnes, le lundi et le jeudi. Et pour ne pas trop peser sur la communauté, on les partage, et on ne jeûne qu’une seule fois par semaine. J’ai encore entendu une autre raison, qui est que les Anciens avaient constaté que les femmes enceintes risquaient de faire des fausses-couches pendant les années embolismiques, et ils ont fixé de faire ces huit jeûnes, qui correspondent à tous les lundis et jeudis du mois supplémentaire, à cause des femmes enceintes pour qu’elles mènent à bien leur grossesse. » Dans ce contexte, le gaon Rabbi ‘Haïm Falagi zatsal observe dans son « Kaf Ha’Haïm » : « Il y a déjà plusieurs années que dans la ville d’Izmir nous avons pris l’initiative que dix talmidei ‘hakhamim jeûnent, fixent une étude de Psaumes à la synagogue avec sept associés et prient min’ha avec les seli’hot. Et des collecteurs de fonds ramassent auprès des femmes enceintes de l’argent qui est ensuite distribué aux nécessiteux, pour qu’il ne leur arrive aucun mal, Amen. »
Coutumes ascétiques
Rabbi ‘Haïm Vital zatsal évoque la coutume du jeûne les années ordinaires aussi bien qu’embolismiques (Cha’ar Roua’h HaKodech 27) : Il y a dans tout le peuple d’Israël une ancienne coutume de jeûner pendant les quarante jours qui vont du premier jour de la parachat Chemot jusqu’à la parachat Terouma et un peu de Tetsavé. Une formule mnémotechnique de cette période est le verset : « Chouvou banim chovevim, arpe miChouvoteikhem » (Yirmiyah 3) (Revenez, enfants rebelles, Je guérirai vos égarements), ou le mot chovevim (enfants rebelles) est formé des initiales de ces parachiot. Celles-ci parlent de l’exil, de la servitude et de la délivrance d’Israël, et ont la propriété de mener à un repentir total.
Les hommes particulièrement pieux adoptent des coutumes d’ascèse et des précautions extrêmes pendant cette période particulièrement. Le ‘Hida y fait allusion dans son livre « Birkei Yossef » (685) : « Pendant ces jours-là, il est très souhaitable de se sanctifier par ce qui est permis. » De même, les livres de moussar et de ‘hassidout témoignent que beaucoup de gens très pieux jeûnent pendant les parachiot de Chemot à Michpatim d’un Chabbat à l’autre, et veillent pendant toute la période des « Chovavim » à ne manger aucune nourriture d’origine animale (viande ou volaille). Beaucoup d’autres se mortifient en ne mangeant aucun plat de ce genre le soir après le jeûne, et ils font de nombreuses tevilot au mikvé tous les jours, chacun selon sa coutume.
Plus que mille jeûnes
Il faut souligner ici une chose extraordinaire indiquée dans le livre « Ohel Elimélekh » au nom de Rabbi Arié d’Opola : le prophète Eliahou était apparu à Rabbi Elimélekh de Lizensk, et lui avait révélé que dans la yéchivah céleste, on avait décidé qu’il ne fallait pas se livrer à des jeûnes et des mortifications car la génération était faible, mais on devait se contenter de se renforcer dans l’étude de la Torah et le service de D.
Rabbi Moché Leib de Sassow écrit également : « Quand quelqu’un maîtrise sa colère, cela vaut plus que mille jeûnes, comme le dit la Guemara : « Celui qui domine ses impulsions, on lui pardonne toutes ses fautes. » Et le monde ne subsiste que grâce à ceux qui se maîtrisent en des moments de conflits.
Le livre « Yessod haAvoda » écrit : nos Sages ont dit que la Torah expie, protège et sauve, et que le feu du Guéhénom n’a aucune prise sur un talmid ‘hakham. Quand quelqu’un fixe une étude de cinq heures sans aucune interruption de parole, appropriée ou non, il me semble que c’est quelque chose de merveilleusement utile, cela purifie, rachète et le mène à une techouva et une expiation de très grande qualité.
Le salut de Hachem
Dans de nombreuses communautés, la coutume s’est conservée de faire un « ta’anit dibour » (ne pas parler de toute la journée) pendant les jours des « Chovavim ». Rabbi Yitz’hak Alfaïa zatsal en a longuement parlé dans son « Kountrass HaYé’hieli », en expliquant et en louant cette coutume : « Le ta’anit dibour » (ne dire absolument rien du début de l’étude jusqu’à la fin, ni en Torah ni en phrases de politesse) a une très grande utilité pour tout homme au monde, petit ou grand, érudit et talmid ‘hakham, gaon et Rav, riche ou pauvre. C’est plus utile que toutes sortes de jeûnes et d’ascèses, et cela n’affaiblit pas le corps comme une privation de nourriture et autres mortifications. Cela comporte la grande difficulté de seulement mettre un frein à sa bouche et de ne pas parler de ses besoins, à plus forte raison de choses complètement inutiles, et à encore plus forte raison de propos stériles. Mais en ce qui concerne les paroles de Torah et de louange à D., on y consacre en même temps toute la journée, donc le ta’anit dibour est bon pour le corps et bon pour l’âme. Il établit la paix entre le corps et l’âme, pour que les deux méritent la lumière de la vie et le monde éternel qui est entièrement bon. » Sur l’utilité du ta’anit dibour, Rabbi Yitz’hak cite le « Noam Elimélekh » pour qui le jeûne (de la parole) de Chabbat en Chabbat est considéré comme soixante-cinq mille six cent cinquante jeûnes… pour montrer la puissance du ta’anit dibour, qui est plus utile que le jeûne corporel… Dire des psaumes est également une coutume chez des juifs d’exception pendant la période des « Chovavim ». Les commentateurs trouvent même des allusions au fait de dire des psaumes pendant ces jours-là dans le verset qui ouvre cette période : « Et voici les noms des bnei Israël qui sont venus en Egypte ». Les initiales de ces mots en hébreu forment le mot « hachavim », et les dernières lettres forment le mot « Téhilim ». On le tire aussi du verset « Je suis apparu à Avraham », qui a la même valeur numérique que « Téhilim ». Et les lettres du mot « Téhilim » sont les initiales des mots : Techouat Hachem Lekhol Yéhoudi Mevakech (« Le salut de Hachem pour tout juif qui implore »)…
LES HOMMES DE FOI
Récits sur les tsaddikim de la famille Pinto
La prière de Rabbi ‘Haïm Pinto qui a fait fuir les sauterelles du Maroc
« Et D. fit tourner le vent, qui souffla de l’ouest avec une grande violence, emporta les sauterelles et les noya dans la mer des joncs : il ne resta plus une seule sauterelle sur tout le territoire de l’Egypte. » (Chemot 10, 19)
La ville de Mogador au Maroc a connu des années de famine et de souffrance durant lesquelles de nombreux habitants ont été ruinés, et certains ont péri à cause de la faim, de la soif et de la grande misère.
De temps en temps, la ville était frappée par une plaie de sauterelles : des millions de sauterelles envahissaient les champs et les plantations. Lorsqu’elles « voulaient bien » quitter la ville, elles laissaient « en souvenir » des champs dévastés, sans production ni fruits. Cette pénurie entraînait une hausse des prix des produits alimentaires et une misère économique considérable pour les habitants. Une année, les sauterelles sont apparues en masse dans la ville de Mogador.
Les habitants en ont été effrayés car la Michna (Traité Ta’anit) enseigne : « Quiconque voit des sauterelles dira ‘Baroukh Dayan Haemet (Béni soit le Juge de vérité)’. » La décision codifiée au sujet des sauterelles et des criquets est d’ailleurs la suivante : même s’il n’y en a pas ici mais quelque part au monde, on fixera un jeûne, car c’est une plaie qui se déplace. De même on met en garde contre la plaie des sauterelles même si on ne voit pas l’aile d’une sauterelle. Alors dans ce cas, où d’innombrables sauterelles recouvraient la terre, la crainte et la terreur étaient à leur comble.
Dans une circonstance aussi difficile, il ne restait aux juifs de Mogador qu’à perpétuer la tradition ancestrale : ils ont proclamé un jour de jeûne et de prière dans les villes du Maroc. Mais à leur grand désespoir, leur prière n’a pas été exaucée et la plaie n’a pas disparu. La détresse des juifs de Mogador allait en grandissant… C’est alors que la délivrance est enfin arrivée. Quelques jours plus tard, alors que Rabbi ‘Haïm Pinto le grand étudiait avec ses disciples, la maison s’est emplie d’obscurité. Il s’agissait d’un « nuage » de sauterelles qui, en le survolant, ont assombri tout le quartier. Quelques-unes sont tombées sur les livres des élèves qui ont donc été obligés d’interrompre leur étude. Rabbi ‘Haïm a également cessé d’étudier. Sans attendre, il s’est emparé d’un chofar et a commencé à sonner pour annuler le mauvais décret. Puis il s’est mis à prier, a récité les « treize attributs de miséricorde » et a transformé cette journée en un réel « Yom Kippour katan ». Rabbi ‘Haïm a continué d’implorer son Créateur et ne s’est arrêté que lorsqu’un vent d’est a soufflé et ramené toutes les sauterelles vers la mer.
GARDE TA LANGUE
La « poussière » de médisance
Il y a des choses qui sont interdites à cause de la « poussière » de médisance, par exemple si on raconte à quelqu’un ce qu’un autre a dit sur lui, et qu’il ne s’agit pas de quelque chose de péjoratif, simplement quelque chose à quoi les gens ont l’habitude d’accorder un peu d’importance, et qu’on le dit devant la personne concernée. De plus, on doit garder le secret que quelqu’un d’autre vous a révélé en cachette, même si le fait de ne rien dévoiler ne relève pas de la médisance, parce que cela peut nuire à la personne concernée, sans compter que c’est une absence de discrétion, et qu’on ne respecte pas le désir de l’autre.
‘Hafets ‘Haïm
A LA LUMIERE DE LA PARACHAH
Extrait de l’enseignement du gaon et tsadik Rabbi David ‘Hanania Pinto chelita
Chacun doit se considérer comme étant lui-même sorti d’Egypte
« Et Moché dit au peuple : ‘Qu’on se souvienne de ce jour où vous êtes sortis de l’Egypte, de la maison de servitude, alors que, par la puissance de Son bras, Hachem vous a fait sortir d’ici et que l’on ne mange pas de pain levé. » (Chemot 13, 3)
Nos maîtres ont affirmé (Pessa’him 116b) : « Chacun a le devoir de se considérer comme ayant vécu la sortie d’Egypte » et s’il ne le fait pas, il n’a pas accompli son devoir.
Le Gaon de Vilna précise qu’à chaque fois qu’il est écrit « Chacun a le devoir de », il s’agit d’une mitsva positive obligatoire, et non d’une simple maxime.
C’est donc en raison de cet ordre que nous nous accoudons le soir du Séder, en souvenir de la sortie d’Egypte. Malheureusement, de nos jours, beaucoup d’entre nous s’accoudent sans ressentir la véritable signification de ce geste : la soirée du Séder nous apparaît comme une procédure étrange et mécanique. D’ailleurs, si nous observons les gens accoudés autour de nous ce soir-là nous percevrons des sourires embarrassés. Or en réalité, le fait de s’accouder devrait nous faire ressentir concrètement notre sortie d’Egypte et notre liberté actuelle.
Il est dit dans la Haggada : « Il arriva (ma’assé bé) que Rabbi Eliezer, Rabbi Yéhochoua, Rabbi Elazar ben Azaria, Rabbi ‘Akiva et Rabbi Tarfon étaient réunis à Bnei Brak et avaient passé toute cette nuit à s’entretenir de la sortie d’Egypte etc. » J’ai toujours eu du mal à comprendre pourquoi cette histoire était appelée « acte (ma’assé) ». Est-ce extraordinaire que de saints Tannaïm aient accompli la mitsva de raconter la sortie d’Egypte ? Cette obligation incombe à chaque juif : il est donc évident que les Tannaïm s’y soumettaient, alors qu’y a-t-il de nouveau dans cet acte ?
En réalité, les saints Tannaïm ne se sont pas contentés de faire le récit de la sortie d’Egypte : ils se sont considérés comme ayant eux-mêmes vécu cette histoire.
C’est pourquoi on désigne cela comme un « acte », car il ne s’agit pas d’une simple halakha. A ce sujet, nos Sages ont déclaré : « Grande est l’étude qui mène à l’accomplissement de mitsvot » (Kidouchin 40, 2). Ainsi, quiconque s’investit dans les histoires de la Torah et ressent ces faits aussi intensément que les Patriarches eux-mêmes sera capable d’atteindre le niveau de ces derniers.
A LA SOURCE
« Car de lui (mimeinou) nous prendrons pour sacrifier à Hachem » (10, 26)
Le mot « miménou (de lui) » est composé des mêmes lettre que « mamon (argent) ».
Comme il est rapporté au nom de Rabbi Avraham Harari-Rafoul, il y a ici une allusion : « Un homme aisé ne devra pas dilapider sa fortune uniquement dans la nourriture, la boisson, les vêtements etc. Il devra également utiliser sa richesse pour accomplir des mitsvot et des bonnes actions, pour faire de la charité, soutenir les érudits et les yéchivot, puisqu’il est écrit « car de lui (l’argent) nous prendrons pour servir Hachem. »
« Fais donc entendre au peuple que chacun demande à son voisin » (11, 2)
Ceci est surprenant : pourquoi D. condamne-t-Il les Egyptiens à la mort et au dédommagement financier ? Pourtant, d’après la halakha, on ne peut infliger les deux punitions à la fois : la mort et le remboursement ! De plus, les Tossephot ont écrit (‘Avoda Zara 71b) que même concernant les nations du monde, s’ils encourent deux châtiments, « on inflige uniquement le plus sévère ».
Ainsi, puisque les Egyptiens ont été punis par la mort, pourquoi D. leur a-t-Il imposé également un dédommagement financier ?
Dans son livre « Parachat Derakhim », Rabbi Yéhouda Rozanis répond que ce principe n’est valable que dans le cas d’une mort décidée par un tribunal humain. Mais en ce qui concerne le châtiment divin, le fauteur doit payer de son argent et aussi de sa vie.
« Et chacune à sa voisine, des ustensiles d’argent et des ustensiles d’or. » (11, 2)
Pourquoi D. a-t-Il ordonné aux bnei Israël de demander à leurs voisins des ustensiles d’argent et autres richesses ? En effet, les Egyptiens les avaient asservis à cause du décret de « l’alliance entre les morceaux » !
Rabbi ‘Haïm Faladji écrit dans « Ha’hayim Véhachalom » que les Egyptiens les ont opprimés bien plus que ce qui était prévu, et c’est pour cela qu’ils ont dû leur léguer leurs biens. Cela reste cependant difficile à comprendre, car du fait de cet assujettissement particulièrement cruel, les bnei Israël ont déjà été délivrés au bout de deux-cent-dix ans d’esclavage au lieu des quatre cents années initialement prévues, et dans ce cas, ils ne méritaient pas une grande fortune !
A ce sujet, on explique que les bnei Israël ont été sauvés avant l’échéance pour une autre raison : du fait de leur grand nombre, ils ont accompli le travail dû à Par’o avant terme. Par conséquent, la rudesse de l’esclavage leur a fait mériter une grande richesse.
On en trouve une allusion dans le verset (Psaumes 107, 41) « Il relève le malheureux de sa misère » : Pourquoi ont-ils mérité une fortune si importante ? Car « Il a rendu les familles nombreuses comme des troupeaux »…
« Environ six cent mille voyageurs » (12, 37)
Rabbeinou Bé’hayé a écrit : « Ce langage enseigne qu’ils n’avaient pas atteint le nombre de six cent mille » puisque la Torah n’a pas précisé le nombre exact. On en déduit qu’il ne manquait qu’une personne pour atteindre ce nombre et le texte n’a pas voulu employer un langage de manque. »
J’ai également trouvé dans Pirkei DeRabbi Eliezer : lorsque les bnei Israël ont quitté l’Egypte, ils étaient au nombre de « six cent mille moins un ». Qu’a fait Hachem ? Il s’est joint à eux pour qu’ils soient six cent mille, comme il est dit « Moi-même aussi Je t’en ferai remonter. »
LA LUMIERE DU ZOHAR
« Vous ne mangerez d’aucune pâte levée » (12, 2)
Rabbi Eliezer a dit qu’il est écrit « vous ne mangerez d’aucune pâte levée (ma’hmetset) ». Les première et dernière lettres de ce terme forment le mot « met (mort) », ce qui nous enseigne que quiconque mange du ‘hamets à Pessa’h doit s’attendre à la mort. Nous savons aussi que cette personne mourra dans ce monde-ci et dans le monde futur, car il est dit « Cette âme-là sera retranchée. »
Pour quelle raison la matsa est-elle appelée ainsi ? Le nom de D. « Cha-day » signifie « Celui qui a dit à Son monde ‘Cela suffit ! (Daï)’, et Il dira également à nos souffrances ‘Cela suffit !’ » (en éloignant les esprits malfaisants). Ainsi, la matsa soumet et anéantit tous les éléments négatifs nous concernant, en les opposant les uns aux autres. Tout comme le nom « Cha-day » écrit sur la mezouza fait fuir les démons et esprits malfaisants de l’entrée de la maison, la matsa les fait fuir de tout endroit saint et entraîne une dispute entre eux, comme dans l’expression « Matsa Oumériva ». C’est pourquoi elle a été appelée « matsa ».
SUR LA VOIE DE NOS PERES
Précieux est l’homme
L’obligation que nous avons d’accorder respect et estime à autrui à tout moment, en vertu de l’enseignement « Précieux est l’homme, car il a été créé à l’image de D. », apparaît de manière extraordinaire dans les paroles adressées par Hachem à Moché et Aharon dans notre paracha : « Il leur donna des ordres pour les bnei Israël et pour Par’o, roi d’Egypte » (Chemot 6, 13). D. leur a dit : « Traitez Par’o avec respect et accordez des honneurs à son royaume même si Je dois user de rigueur envers lui. »
Le Gaon Rabbi ‘Haïm Kanievski s’est exprimé ainsi dans l’ouvrage « Or’hot Yocher » : « Nous savons bien que quiconque respecte son entourage sera respecté en retour. Et à l’inverse, quiconque méprise son entourage sera également méprisé, comme il est enseigné (Pirkei Avot Chapitre 4) : ‘Qui est l’homme honorable ? Celui qui respecte les autres.’ »
Il cite à ce sujet des paroles entendues de Rav Tsvi Koufschitz dans son explication de la michna de Pirkei Avot : « Ben Zoma a dit ‘Qui est l’homme sage ? Celui qui apprend de chacun. Qui est l’homme fort ? Celui qui maîtrise son mauvais penchant. Qui est l’homme riche ? Celui qui est content de son sort. Qui est l’homme respectable ? Celui qui respecte les autres. » Cette michna énumère quatre qualités et les interprète de manière originale et surprenante. En effet nous pensons tous que « sage » désigne une personne que tout le monde consulte mais qui n’a elle-même besoin d’aucun conseil. Sur ce, la michna nous enseigne que bien au contraire, l’homme sage est celui qui apprend de chaque individu ! De même, « l’homme fort » serait celui qui domine tout le monde et que personne ne peut dépasser. Or la michna atteste que l’homme fort est précisément celui qui maîtrise son mauvais penchant et fait des concessions aux autres. Ou encore, le terme « d’homme riche » évoque immédiatement celui qui s’efforce durant toute sa vie d’amasser des biens et d’augmenter sa richesse, mais la michna affirme qu’il n’est autre que celui qui est satisfait de ce qu’il possède. Enfin dans l’esprit de tous, quelqu’un de respectable est quelqu’un qui reçoit tous les honneurs, sans devoir en accorder de son côté. C’est pourquoi la michna nous enseigne que paradoxalement, « l’homme respectable est celui qui respecte les autres. »
Je suis venu demander l’autorisation
L’histoire suivante nous montre le respect et l’estime que le Gaon Rabbi Ezra Attiya portait à ses amis érudits en Torah :
Un jour, quelqu’un est venu poser une question de halakha à Rabbi Ezra. Celui-ci a réfléchi au sujet avant de trancher. Mais il a dit à son visiteur qu’avant de lui donner la réponse il devait demander au rabbin de la localité la permission de prendre une décision rabbinique…
Le rabbin en question habitait loin, à une demi-heure de marche de chez Rabbi Ezra, et il faisait terriblement chaud ce jour-là. Mais il s’est levé résolument et a entrepris le chemin. Puis il a présenté à son ami tous les aspects de la question, ses preuves ainsi que sa conclusion. En entendant son discours pavé de preuves justes et d’explications profondes, son interlocuteur, stupéfait, s’est exclamé : « Pourquoi êtes-vous venu me voir ? »
Plein de modestie, Rabbi Ezra a répondu :
« Je suis venu vous demander l’autorisation de prendre une décision halakhique. » Le rabbin a souri et a dit : « Mais vous savez tout, c’est moi qui dois venir vous consulter et non l’inverse ! »
On raconte également à ce sujet que le Gaon Rabbi Ye’hezkel Abramski faisait très attention à respecter autrui. Ainsi avait-il l’habitude, lorsque ses hôtes s’attardaient chez lui le soir et qu’il voulait aller dormir, de ne pas dire qu’il était temps de prendre congé et de ne même pas y faire une allusion directe. Il commençait seulement à réciter la lecture du Chema (qu’on dit au moment du coucher) d’une voix agréable, et ceux qui étaient là comprenaient alors que le moment était venu de se lever. Puis ils le quittaient en lui souhaitant une bonne nuit, et le Rav, en pleine prière, leur adressait un chaleureux signe de tête.