Les explorateurs et les trésors d'Erets Israël

Les hommes que Moché a envoyés en exploration n'étaient pas des personnes ordinaires, mais des hommes intègres, intelligents, sages, 'hakhamim (c'est ce à quoi feraient allusion les dernières lettres de Chéla'H LeKHa AnachiM) (Baal Hatourim, loc. cit.). Comment alors peuvent-ils faire fi du Créateur du monde qui tient en Sa main le souffle de tout vivant (Job 12:10), et de tous les miracles qu'Il a accomplis pour les enfants d'Israël en Egypte, qui a fait taire l'univers entier lors du don de la Torah (Chémoth Rabah 29:9), jusqu'à en venir à proclamer qu'il y a des personnes plus fortes que Lui, à Dieu ne plaise?

C'est que les explorateurs avaient médit de la Terre d'Israël et méritaient donc un châtiment sévère, ainsi que toute la génération du désert. En fait, comme nous l'avons vu, ils ne voyaient partout qu'un aspect particulier de la situation à laquelle ils étaient exposés. Quand ils ont prétendu par exemple que la terre dévore ses habitants, ils n'arrivaient pas à comprendre que le Saint, béni soit-Il, avait fait en sorte que les habitants du pays soient occupés à enterrer leurs morts pour ne pas prêter attention à leur présence dans le pays de Cana'an... Le Kéli Yakar (Nombres 13:32) explique: Les explorateurs n'ont fait que rendre compte de ce qu'ils avaient vu. Comment peut-on alors les accuser de calomnie? Ce sont plutôt des imbéciles! La raison en est qu'ils n'ont pas compris que tout ce que faisait l'Eternel était pour leur bien... C'est qu'un péché entraîne un autre péché (Pirké Avoth 4:2; Sifri Ki Tetsé 22:13). jusqu'à ce qu'ils en sont venus à prétendre que le peuple est plus fort que Dieu, ils ont renié Dieu. Ainsi on peut comprendre qu'ils méritaient eux et ceux qu'ils ont convaincu une punition très sévère.

Toutefois, comme le soulignent certains commentateurs (voir par exemple Beth Israël et Séfer HaZekhout du 'Hidouché Ha'Rim), les explorateurs visaient à sanctifier le nom du Ciel et le bien des enfants d'Israël. En soulignant que le peuple est plus fort que Dieu, ils voulaient montrer que si les enfants d'Israël se détournent de la voie de Dieu, alors qu'ils sont installés dans leur pays saint sur lequel veille l'Eternel, ton Dieu, et qui est constamment sous l'œil du Seigneur, depuis le commencement de l'année jusqu'à la fin (Deutéronome 11:12), le Saint, béni soit-Il, ne les protège pas et ils peuvent être facilement vaincus par les nations, car ils méritent une punition. Il enverra des rois puissants contre eux qui se chargeront de les châtier: on assistera alors à une profanation extraordinaire du Nom de Dieu qui fera dire aux habitants du pays: L'Eternel ne peut pas sauver Son peuple dans cette terre... La Providence Divine se détournera alors d'Israël.

Dans le désert, les enfants d'Israël ont appris la Torah de Moché. Ils n'avaient aucun souci ni sur le plan de la nourriture  ils consommaient la manne, cette nourriture de délices qui descendait du Ciel ni sur le plan des vêtements, comme il est écrit: Tes vêtements ne se sont pas usés sur toi (Deutéronome 8:4): ils ne faisaient que servir l'Eternel, notre Dieu... Les explorateurs ont alors mis leur vie en danger pour le bien de tous en faisant en sorte que les enfants d'Israël restent dans le désert pendant une durée de quarante ans. Ils ont sans doute considéré que s'ils en venaient à fauter, il valait mieux le faire dans le désert plutôt qu'en Terre Sainte. Car dans le désert, aucune nation ne verrait le châtiment qu'ils recevraient... La profanation du nom de Dieu serait alors amoindrie, si on peut dire.

Le Talmud raconte qu'en fuyant son fils Avchalom, le roi David voulait adorer des idoles. Il rencontra 'Houchaï qui lui dit: Comment un roi comme toi peut-il adorer des idoles! Que diront les nations? David lui répondit: Est-ce qu'il est possible que le fils d'un roi comme moi peut vouloir me tuer? Il vaut mieux que j'adore les idoles et que le nom de Dieu ne soit pas profané en public (Sanhédrine 107a) car tout le monde dira alors que si mon fils me poursuit c'est parce que je suis un idolâtre et que c'est à cause de la justice divine. [Notons que dans son 'Hidouché Agadoth, (loc. cit.), le Maharcha explique que David ne visait pas, à Dieu ne plaise, à adorer littéralement les idoles, mais à fuir son fils et Erets Israël, ce qui équivaut à adorer des idoles (Torath Cohanim, Béhar 25:38).]

Nous voyons de là combien le Roi David s'est dévoué pour que le nom de Dieu ne soit pas profané. Il ne voulait pas que les gens se disent: Comment David, le Tsadik, qui se considérait comme le serviteur de son Créateur (Zohar III, 195a) peut-il mériter une mort aussi atroce? Est-ce là la récompense réservée à ceux qui étudient la Torah (Bérakhoth 61b)... De même les explorateurs étaient prêts à courir un danger mortel pour le bien des enfants d'Israël et empêcher la profanation du nom de Dieu.

C'est qu'il ne convient pas de donner des conseils au Saint, béni soit-Il, dans la conduite de Son monde: Tout ce qu'Il fait ne vise essentiellement que le bien (Bérakhoth 60b). C'est donc comme si les explorateurs s'étaient révoltés contre Dieu... Car en fin de compte, la sortie d'Egypte visait à ce que les enfants d'Israël accomplissent la Torah en Erets Israël, et non dans le désert. On sait à cet effet que la Chékhinah n'a jamais bougé de la Terre Sainte (Yébamoth 105b), comme il est écrit: en y dirigeant constamment mes yeux et ma pensée (Rois I, 9:3) et que toutes les prières se concentrent en Terre Sainte avant de monter aux Cieux, comme il est écrit: et qu'ils T'adressent leurs prières dans la direction de leur pays (ibid. 8:48). Nos Sages enseignent à cet effet que ceux qui prient dans la Diaspora doivent diriger leur cœur vers Erets Israël, comme il est écrit: Ton cou est comme la tour de David, bâtie létalpiyoth (Cantique des Cantiques 4:4), un tél (mont) vers lequel se dirigent toutes les piyoth (bouches). Par conséquent, le fait même que les explorateurs ne désirent pas entrer en Terre Sainte constitue une profanation du nom de Dieu. Ils montrent ainsi que, à Dieu ne plaise, le Saint, béni soit-Il, ne peut pas y faire résider Sa Chékhinah.

Le Yalkout Chimoni, (Chéla'h Lékha 742) relate: Les enfants d'Israël ont dit à Moché: Notre Maître, laisse-nous envoyer des hommes devant nous. Pourquoi? leur demanda Moché. Ils lui dirent alors: Le Saint, béni soit-Il, nous a déjà promis d'entrer au pays de Cana'an et d'en hériter tout le bien, comme il est écrit: des maisons abondantes en bien (Deutéronome 6:11). Or [les Cananéens] savent que nous allons bientôt les conquérir et feront tout pour que nous n'y trouverons plus rien [les habitants du pays ont sans doute creusé des tranchées et y ont enterré tous leurs trésors dans l'espoir de voir les enfants d'Israël revenir au désert parce qu'ils n'ont rien trouvé dans le pays]. La promesse de Dieu se sera alors annulée... Nous proposons par conséquent que des explorateurs nous précèdent et nous montrent ce qui se passe dans le pays. Il est en effet écrit: Nous voudrions envoyer quelques hommes en avant qui Vaya'hpérou creuseraient pour nous... (Deutéronome 1:22); des explorateurs qui veilleraient sur les puits creusés où sont enterrés les trésors des habitants du pays. La proposition plut à Moché (ibid. 23).

Le Rabbi de Satmar demande dans son livre HaKountras: Les explorateurs auraient-ils pu trouver tous les puits où les habitants du pays avaient enterré leurs trésors durant les quarante jours de leur séjour? On peut se demander aussi pourquoi la proposition plut à Moché. Ne savait-il pas que la richesse n'a fait toujours que pervertir les enfants d'Israël, comme c'était le cas pour le veau d'or? Commentant à cet effet le verset: Ils se sont faits un veau d'or (Exode 32:31), le Talmud (Yoma 86b) explique: Moché dit au Saint, béni soit-Il: Maître du monde, c'est à cause de l'argent et de l'or que Tu leur as octroyés en abondance jusqu'à ce qu'ils eussent dit: Assez! qu'ils se sont faits des dieux d'or, comme il est écrit: ...qui lui prodiguais cet argent et cet or, dont on se servait en l'honneur de Ba'al (Osée 2:10).

C'est qu'on peut dire que les habitants du pays, qui perdaient des amis ou des proches (une terre qui mange ses habitants, en profitaient pour enterrer des trésors avec eux. Les explorateurs savaient donc où ils pouvaient trouver tous leurs biens. Or, on sait que pour celui qui se rappelle le jour de la mort, l'argent n'a aucune valeur, comme il est écrit: Car quand il mourra, il n'emportera rien (Psaumes 49:18). Il n'est donc pas à craindre que cet argent et cet or ne conduisent les enfants d'Israël au péché. Car chaque fois qu'ils voudront s'en servir, ils se rappelleront qu'ils les ont trouvés dans des tombes où ils doivent être ensevelis un jour ou l'autre, comme tous les communs des mortels... Ils s'en serviront alors pour accomplir des mitsvoth et des bonnes actions. C'est pourquoi, comme nous l'avons vu plus haut, la proposition plut à Moché, persuadé que ces possessions leur rappelleraient le jour de la mort (cf. Bérakhoth 5a) et les épargneraient du mauvais penchant. La Michnah (Pirké Avoth 3:1) enseigne à cet effet: Akiva ben Mahalel disait: Pénètre-toi de ces trois choses, et tu éviteras le péché: pense à ton origine et ta fin, et rappelle-toi devant Qui tu auras un jour à rendre compte de tes actions... (voir aussi Vayikra Rabah 18:1). Les enfants d'Israël se serviront donc de cet argent pour des œuvres de charité qui sauve de la mort (cf. Proverbes 10:2, 11:4).

Toutefois, à cause de leur orgueil, le souvenir de la mort n'a fait aucune impression sur les explorateurs. Au contraire, ils ont considéré que si leur mauvais penchant s'intensifiait, le Saint, béni soit-Il, ne pourrait pas les sauver. C'est ce qui est écrit dans notre sidrah: Il est plus fort que Lui (Dieu).

Les explorateurs se trompaient bel et bien: celui qui se laisse mourir dans la tente de la Torah, qui fait pénitence un jour avant sa mort... (Pirké Avoth 2:15; Zohar III, 33a, Chabath 153a) peut facilement maîtriser son mauvais penchant, car la Torah protège et sauve celui qui l'étudie (Sotah 21a).

Nous voyons empiriquement que le mauvais penchant s'attaque essentiellement à ceux qui ne s'engagent pas dans l'étude de la Torah. Ils ne sont pas dignes de l'assistance divine grâce à laquelle ils peuvent l'éliminer. Ils se rappellent bien le jour de la mort, mais ce souvenir n'exerce aucune influence sur eux. Il ne suffit pas de se souvenir de son origine et de sa fin, il faut aussi se rappeler devant Qui on aura un jour à rendre compte de ses actions et mettre en pratique l'injonction divine: Tu méditeras (la Torah) le jour et la nuit (Josué 1:8). Celui qui étudie la Torah intensivement et soutient les Sages en se conformant à leur volonté se fait certainement aider par le Saint, béni soit-Il et ne se laisse pas troubler par les possessions de toutes sortes.

Celui qui dépense toute son énergie dans l'étude de la Torah, revêt l'aspect de Voici la Torah, l'homme, adam, qui meurt dans une tente (Nombres 19:13). Ce serait la raison pour laquelle l'homme a été créé de la poussière de la terre, comme il est écrit: L'Eternel Dieu façonna l'homme, poussière du sol... (Genèse 2:7). Il a accumulé de la poussière des quatre points cardinaux (Rachi, loc. cit. Pékoudé 3) pour que l'homme se rappelle que poussière tu fus, et à la poussière tu retourneras... (Genèse 3:19), là où qu'il aille. Il se repentira alors de ses fautes.

C'est pourquoi, à la Création, le Saint, béni soit-Il, n'a chargé Adam que d'un seul précepte relatif à la nourriture: L'Eternel Dieu donna un ordre à l'homme en disant: Tous les arbres du jardin, tu peux t'en nourrir, mais l'arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n'en mangeras point, car du jour où tu en mangeras, tu devras mourir! (Genèse 2:16-17). Car la nourriture aussi provient de la poussière et y retourne. Par conséquent, tout ce dont on jouit dans ce monde: argent, or, nourriture, est basé sur le sable et la poussière... Si on le rappelle à l'homme, c'est donc pour lui faire comprendre qu'il doit viser à les utiliser pour servir Dieu et ne pas les considérer comme l'essentiel, car l'essentiel c'est la Torah.

 

Des vertus de la lettre youd
TABLE DE MATIERE
L'orgueil, source de tout péché

 

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