L’épreuve de la richesse

Il est écrit (Béréshit 12:1-2): « Et l’Eternel dit à Avram quitte ton pays... vers la terre que Je t’indiquerai, et Je ferai de toi une grande nation, et Je te bénirai, et Je te donnerai la renommée et tu seras béni ». Rashi explique (ibid): Voyager entraîne un triple désavantage:  au plan des enfants, de la richesse, et de la renommée; c’est pourquoi [Avraham] avait besoin de ces trois bénédictions et D. lui a promis une descendance, la richesse et la renommée.

Si D. le bénit de renommée, de richesse, et surtout d’une descendance que jusqu’à ce jour il a tant espérée, en quoi consiste l’épreuve? Qui n’accepterait de quitter son pays, sa terre natale, et la maison paternelle et d’aller même vers un pays inconnu, s’il lui est assuré de telles récompenses de la part de D.?

C’est que celui qui est riche et célèbre a très peu de temps libre, comme le disent les Sages (Avot II:7): « Celui qui accumule les biens accumule les soucis ». Son esprit n’est pas libre pour s’occuper de choses spirituelles et de son élévation personnelle. S’il en est ainsi pour tout un chacun, combien plus pour quelqu’un comme Avraham. Avraham avait commencé à servir D. de tout son cœur, de toute son âme et de toutes ses forces, dès son jeune âge. « A l’âge de trois ans Avraham connaissait son Créateur » (Béréshit Rabba 30:8). Il a aussi observé toute la Torah (Vayikra 2:9, Yoma 28b), il méditait sans cesse la Loi de D. et la pratiquait en tout. Pour lui, quitter son pays était donc une grande épreuve, car s’il devenait très riche et très célèbre et que les gens viennent lui demander de l’aide, des conseils et le déranger à toute heure, il en résulterait qu’il n’aurait pas le temps de s’occuper de la Torah et de servir D. C’est en soi une grande épreuve, et c’est pourquoi D. lui dit: Là-bas, Je te bénirai par la richesse, la renommée et une progéniture et malgré cela tu continueras à servir D., si tu réussis cette épreuve.

Et effectivement, Avraham quitte sa maison sans savoir vers quel pays il va, il devient très riche, sa renommée s’étend dans le monde entier, et de partout les gens viennent rechercher ses conseils et recevoir ses bénédictions. De plus, Avraham se souciait de satisfaire leurs besoins à la fois spirituels et matériels. Il les amenait à la connaisance de D. (Béréshit Rabba 39:21), il fonda à Béer Sheva une auberge ouverte à tous (Béréshit Rabba 48:9): « La tente de Avraham avait une ouverture dans chacune des quatre directions afin que les gens venus de toutes les directions n’aient pas à chercher l’entrée. Son serviteur de longue date, Eliézer, était chargé de veiller sur ses biens et de gérer toutes ses possessions (Béréshit 24:2). Avraham lui confia la tâche de s’occuper du budget et de distribuer la part due aux pauvres, comme le traduit Onkelos (ibid. 15:2): « il gère la maisonnée ». Les Sages (voir Rashi ibid. 15:2) interprètent le mot Damassek, Damascéen, comme s’il était dit: doléh ou’mashkéh, « Eliézer puise la Torah chez son maître et la répand autour de lui ». Quelle est la Torah de son maître? Rapprocher ceux qui sont éloignés de la connaissance de D., distribuer de l’argent aux pauvres et pourvoir aux besoins des nécessiteux. Eliézer est chargé de toutes ces fonctions, et Avraham, au lieu d’être dominé par ses richesses, les domine.

Ceci dit, Avraham n’a pas d’enfants et le fils de sa maisonnée - celui qui gère ses biens - est son serviteur Eliézer de Damas.  D. lui dit (ibid. 15:4): « Celui-ci n’héritera pas de toi, mais celui qui naîtra de toi, sera lui, ton héritier ». Le Sforno écrit (ibid.): « ton fils gérera avec succès tes biens de ton vivant ». Ce n’est pas ton serviteur Eliézer qui héritera de toi car il ne sait pas gérer tes biens, mais le fils qui naîtra de toi, lui, saura gérer tes biens et ta fortune. Ceci est difficile à comprendre. D. promet à Avraham un fils qui saura gérer ses biens, au lieu de le bénir en lui promettant un fils pieux et saint qui héritera de toutes ses vertus! Avraham peut-il se contenter d’un fils qui se bornerait à administrer ses biens, et qui ne le suivrait pas dans le chemin d’une vie spirituelle et sanctifiée? S’il en est ainsi, en quoi consiste la promesse?

A la lumière de ce que nous avons dit plus haut, nous pouvons comprendre. Avraham savait très bien comment gérer ses biens, il dominait ses richesses et ne leur était pas assujetti; il distribuait une partie de ses biens aux pauvres, il dépensait ses richesses pour faire le bien autour de lui, et c’est en cela qu’il a soutenu l’épreuve de la richesse afin qu’elle ne le distraie pas et ne l’empêche pas de servir D. C’est pourquoi il a hérité de la promesse divine que le fils qui naîtrait de lui utiliserait ses richesses de la même façon et surmonterait l’épreuve de la richesse, un fils qui saurait comment gérer les biens, dominer l’opulence et s’en servir pour faire le bien, ce qui n’était pas le cas de son serviteur Eliézer. Bien qu’il ait été un serviteur fidèle, s’il avait dû hériter de cette fortune, il n’aurait pas su comment la gérer, car il n’avait pas les qualités sublimes d’Avraham Avinou.

De même qu’Avraham a résisté à l’épreuve de la richesse et ne s’est pas laissé détourner par elle, de même à notre époque, le saint Rabbin Israël de Rozhin et autres hommes vertueux et pieux, ont surmonté l’épreuve de la richesse et ne se sont pas laissé détourner de D., de Ses voies et de Son service. C’est un enseignement moral valable pour tous, car la richesse est une épreuve bien plus grande que la pauvreté. Il ne faut pas tomber dans ses pièges, mais au contraire, grâce à l’argent, exécuter les commandements et faire de bonnes actions, en tout temps et à toute heure, et ne pas ressembler à ceux dont il est écrit (Ishaya 2:10): « Je leur ai donné la fortune et ils en ont fait des idoles ». Les Sages (Brach’ot 32a) comparent cela à « ce fils qui a fauté parce qu’il avait reçu beaucoup d’or et d’argent de son père ». Il faut consacrer sa fortune à faire le bien, aider son prochain, obéir aux commandements, suivre en tout l’exemple d’Avraham Avinou. Amen! Ainsi soit-il!

J’ai entendu une explication sympathique de la part du Grand Rabbin d’Autriche, le Rabbin Reizberg. Il dit que l’épreuve de « quitte ton pays » est l’épreuve la plus probante et la plus difficile de toutes les épreuves d’Avraham, car toutes les autres étaient ponctuelles, mais celle-là est une épreuve permanente, celle de progresser toujours, « de succès en succès », dans la Torah et la prière, c’est à dire d’être constamment occupé à servir D.

Nous désirons humblement ajouter encore quelques mots. A propos du verset (Vayikra 26:3): « Si vous marchez dans Mes lois... » [dans le sens de « exécutez »], Rashi commente: « Il ne suffit pas d’exécuter les commandements, il faut aussi étudier la Torah ». Dans ce verset nous voyons que la Torah est appelée « loi » et pas « commandement ». En effet, l’étude de la Torah s’accompagne d’épreuves difficiles. Le mauvais penchant désire entraver cette étude, il trouble celui qui étudie par toutes sortes d’arguments dans le but de lui faire abandonner cette étude. C’est pourquoi D. ordonne: « marchez dans Mes lois », pour nous enseigner que l’étude de la Torah est une loi qu’il ne faut pas transgresser, même si l’on ne comprend pas le sens et la raison d’être de ce décret, et tous les arguments mis en avant par le mauvais penchant pour empêcher cette étude ne sont que des stratagèmes. L’étude de la Torah est une loi qui a sa propre raison d’être, c’est un décret divin qui doit nous amener à l’observance de tous les commandements, et ce faisant, à vaincre le mauvais penchant.

Cela nous permet d’expliquer pourquoi l’étude de la Torah est appelée « loi », et pourquoi la Torah  utilise l’expression « marcher ». D’après le Ohr Hah’ayim, dans ses divers commentaires du verset « Si vous marchez dans Mes lois », il ressort en bref: « Faites tout ce que vous devez faire: mangez, buvez, parlez... faites tout ce que la nature exige, afin de pouvoir vous occuper de Torah » et (ibid. verset 4): « Mes lois (houkim) sont les rations de subsistance que Je dispense (le mot hok en Hébreu a le double sens de loi et ration), et si vous voulez recevoir votre part de nourriture, vous devez de même obéir à Mes commandements ».

Il est écrit: « Si vous marchez dans Mes voies », et dans ce même verset, « si vous obéissez à Mes commandements », c’est-à-dire autant en ce qui concerne la relation de l’homme envers D. qu’en ce qui concerne les relations des hommes entre eux. L’homme parviendra facilement à vaincre l’épreuve de la richesse s’il pratique ce qui est stipulé dans le verset: « Que chacun assiste son prochain et donne du courage à son frère » (Ishaya 41:6). Une telle victoire sur l’épreuve permet d’atteindre les plus hauts degrés de perfection, jusqu’à être compté parmi « les proches de D. » C’est le devoir sacré de tout homme de persévérer avec force dans l’étude de la Torah, dans la peine et la sueur, tout en observant les commandements et en faisant de bonnes actions. Tel est sans doute le sens de la Mishna (Avot II:2): « Il est beau de joindre l’étude de la Torah (la loi religieuse qui gère la relation de l’homme à D.) à la bonne conduite dans le monde (la loi civile et sociale qui gère les relations des hommes entre eux) car l’observance de l’une et de l’autre, conjointement, empêche de commettre des fautes ». Si l’homme pratique les commandements qui lui incombent, alors il peut être heureux et dans ce monde et dans l’autre.

 

 

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