L’esprit, le cœur et l’âme, richesses essentielles de l’homme

Il est écrit (Béréshit 15:13-14): « Et [D.] dit à Avraham: Sache que tes descendants séjourneront dans une terre étrangère où ils seront asservis et opprimés pendant quatre cents ans... ensuite ils sortiront avec de grandes richesses ».

Nous savons que lors de l’Alliance entre les Morceaux (Brit Habétarim) D. annonce à Avraham le décret d’exil pour ses enfants. Mais en même temps, D. lui promet qu’en fin de compte, ils sortiront avec de grandes richesses. Et nous voyons que c’est effectivement ce qui s’est produit à la sortie d’Egypte. D. ordonna à Moshé (Shemot 11:2): « Parle, Je te prie (na), au peuple et fais-leur entendre que chaque homme aille demander à son voisin, et chaque femme à sa voisine, des ustensiles d’argent et des ustensiles d’or ». « L’école de Rabbi Yanaÿ  enseigne que le mot na indique une supplique. D. dit à Moshé: Je te prie de demander aux Egyptiens des ustensiles d’argent et d’or, afin que ce Juste (Avraham) ne puisse pas dire que la servitude s’est réalisée, mais pas la sortie avec de grandes richesses. Les Enfants d’Israël ont répondu à Moshé: pourvu seulement que nous sortions nous-mêmes » (Brach’ot 9a, Rashi ad. loc.).

Ce qui n’est pas dit dépasse de loin ce qui est dit, et nous allons tenter de l’expliquer:

1. Pourquoi est-il tellement important de faire savoir à Avraham que les Enfants d’Israël sortiront avec de grandes richesses, si bien que D. doit réaliser ce qu’Il a promis à Avraham et qu’Il prie le peuple de demander aux Egyptiens de leur donner de l’argent et de l’or? De toute façon, le butin de la Mer des Joncs fut beaucoup plus important que le butin d’Egypte. D. aurait pu dire à Avraham que les Enfants d’Israël recevraient toutes leurs richesses du butin de la Mer des Joncs?

2. Le Rabbin Shimon Akavitz cite une question du Mah’azé Avraham: « Pourquoi D. ordonne-t-il à Moshé d’aller dire au peuple que chacun demande des objets à son voisin, sous forme d’emprunt, alors que nous savons que celui qui emprunte un objet est tenu de le rendre à son propriétaire (voir Shemot 22:13, Rambam Halach’ot Shéela I:5)? Nous ne voyons pas que les Enfants d’Israël aient restitué ce qu’ils ont emprunté aux Egyptiens, et il n’y a pas lieu de dire que les possessions des Egyptiens sont une compensation pour l’esclavage enduré chez les Egyptiens (voir Kli Yakar, Shemot 11:2) car, s’il en est ainsi, il aurait suffi que D. leur ordonne de s’approprier les richesses et les possessions des Egyptiens, et il n’aurait pas été nécessaire de les prier de prendre ces biens sous forme d’emprunt.

3. Le Maharsha au nom du Ayin Ya’akov pose une autre question (Brach’ot 9a): « Il convient de se demander quel est le sens de cette formule: « Parle Je te prie », étant donné que c’était une chose avantageuse pour Israël... pourquoi est-il nécessaire de présenter la demande sous forme de prière? »

En réponse: Au moment de l’Alliance entre les Morceaux, ce ne sont pas les richesses matérielles qui inquiétaient Avraham lorsqu’il entendit pour la première fois le décret d’exil pour ses enfants, mais leur avenir spirituel, leur devenir après tant d’années d’exil en terre étrangère.

Nous savons que les Enfants d’Israël furent exilés en Egypte afin d’y corriger les deux cent quatre-vingt-huit étincelles de sainteté qui étaient captives dans ses profondeurs, comme l’explique le Ohr Hah’ayim concernant le verset: « L’obscurité planait sur la surface des eaux... » (Béréshit 1:2). Comment s’opéra cette correction? Uniquement par la souffrance des Enfants d’Israël en Egypte. Le Ari zal explique dans ses écrits que ce que nous disons dans la Hagada de Pessah’: « Ce pain de misère » (la Matza) indique les étincelles de sainteté qui étaient captives en Egypte, et l’expression « que nos ancêtres ont mangé en Egypte » indique que nos ancêtres les ont corrigées.

Seuls les enfants d’Avraham étaient capables d’opérer la correction de ces deux cent quatre-vingt-huit étincelles de sainteté, afin de ramener la création à sa perfection première, de sorte que la Présence Divine retrouve sa place dans le monde de la Assyia, de l’action, et D. donne la Torah aux Enfants d’Israël. Tant que ces deux cent quatre-vingt-huit étincelles de sainteté n’avaient pas été corrigées, D. n’a donné Sa Torah à aucun peuple, ni même à nos ancêtres, Avraham, Yits’hak et Ya’akov, bien qu’ils en aient observé déjà tous les commandements, même les ordonnances rabbiniques ». La Torah ne fut pas donnée aux Patriarches mais au peuple tout entier, publiquement, sur le Mont Sinaï, après que les deux cent quatre-vingt-huit étincelles de sainteté eurent été corrigées.

Et pourtant, Avraham, en entendant la sentence et la promesse, non seulement ne fut pas heureux, mais son monde s’assombrit, comme il est écrit dans l’Alliance entre les Morceaux (Béréshit 15:12): « Et voici qu’une angoisse sombre, profonde, pesa sur lui ». Il craignait que la peur et les souffrances qui seraient le lot des Enfants d’Israël en Egypte, non seulement ne corrigeraient pas ce qu’ils étaient sensés corriger mais causeraient encore plus de mal, et alors ils ne pourraient jamais sortir de l’emprise de ce peuple qui allait les asservir. De plus, Avraham craignait que même s’ils pouvaient corriger les deux cent quatre-vingt-huit étincelles de sainteté par les souffrances et la servitude, ils risquaient de subir des dommages dans leur âme et dans leur cœur, et de tomber dans le cinquantième degré d’impureté, et ne mériteraient alors plus d’être sauvés et resteraient sans protection.

D. connaît les craintes d’Avraham et ses pensées. C’est pourquoi Il lui annonce et lui promet qu’après les souffrances et l’esclavage, ses enfants sortiront de l’exil avec de grandes richesses, c’est-à-dire: tu n’as aucune raison de craindre que tes enfants s’avilissent et ne sortent pas d’Egypte - au contraire, non seulement ils sortiront grâce à leurs souffrances mais de plus, « ils sortiront avec de grandes richesses », c’est-à-dire qu’ils emporteront dans leurs sacoches ces mêmes étincelles de sainteté qui sont une grande richesse. De plus D. promet à Avraham que ses enfants n’atteindront pas le cinquantième degré d’impureté parce que leur âme et leur cœur n’en seront pas atteints et cela aussi est une grande richesse. Effectivement, les Enfants d’Israël furent sauvés dès qu’il parvinrent au quarante-neuvième degré d’impureté (Zohar Yithro 39a), et D. ne les laissa pas atteindre le cinquantième degré.

Le verset lui-même y fait allusion. Les premières et dernières lettres des mots « Et ensuite ils sortiront avec de grandes richesses », ont la même valeur numérique globale que les mots « le cœur et l’âme », c’est-à-dire que D. promet à Avraham que ses enfants ne sombreraient pas dans le cinquantième degré d’impureté et que ni leur cœur ni leur âme ne seraient affectés, et qu”ils sortiraient d’Egypte avant d’arriver à ce stade. C’est ce qui s’est passé. Ils sortirent, le cœur et l’âme intacts, richesse essentielle pour l’homme, lui permettant de servir D. durant sa vie.

De même, D. a promis à Avraham qu’après l’esclavage de ses enfants en terre étrangère, ils sortiraient avec, outre une grande richesse spirituelle, de grandes richesses matérielles. Cet or et cet argent n’étaient pas une compensation de leur servitude, mais un emprunt, afin de ne pas donner à l’Accusateur la possibilité de demander pourquoi ils recevaient de grandes richesses, puisque « ceux-ci (les Egyptiens) sont des idolâtres, et ceux-là (les Enfants d’Israël) sont des idolâtres » (Shoh’ar Tov 15:5, Zohar II 170b). Pourquoi ont-ils droit à une compensation? S’ils remontent ces quarante-neuf degrés d’impureté (avant de recevoir la Torah) et s’élèvent aux cinquante degrés de sainteté, alors cette fortune deviendra effectivement leur, sans aucune contestation possible.

Certains prétendent que cette fortune est donnée en contrepartie de leur servitude et non pas à titre d’emprunt. Il convient de leur rappeler ce que Gévia ben Passissa a répondu aux nations (Sanhédrin 91a): « Si c’était un paiement, les Enfants d’Israël ont été asservis pendant deux cent dix ans, et un simple calcul montre qu’ils auraient dû recevoir une quantité d’argent et d’or incomparablement plus élevée».

Il est écrit: « et ensuite ils sortiront avec de grandes richesses ». Précisément: « ils sortiront » et non « ils prendront de grandes richesses», ce qui aurait indiqué qu’ils les auraient prises en compensation de leur servitude, tandis que « ils sortiront » indique qu’il s’agit d’un emprunt qui sera restitué. Mais lorsqu’ils corrigeront les quarante-neuf degrés d’impureté dans lesquels ils furent plongés en Egypte, l’argent et l’or, tout d’abord empruntés, se transformeront en saisie définitive, sans retour, et resteront leurs (cela aussi est indiqué par allusion dans le verset, car les mots « ensuite ils sortiront avec de grandes richesses » a exactement la même valeur numérique que les mots « L’emprunt appartiendra totalement à tous les Juifs »).

La promesse de D. à Avraham comprend deux étapes: l’une, dès leur sortie d’Egypte, lorsqu’ils ont pris à leurs voisins de l’argent et de l’or sous forme d’emprunt afin d’éviter toute contestation. La deuxième étape aura lieu lorsqu’ils parviendront au cinquantième degré de sainteté, et alors cet argent leur appartiendra sans contestation. Il est certain que les Enfants d’Israël ne seront plus l’objet d’aucune accusation puisque D. rétorquera à l’ange tutélaire de l’Egypte que les Enfants d’Israël ont pris cette richesse à bon droit. Même s’ils étaient idolâtres en Egypte, ils se sont immédiatement corrigés, ils ont abandonné l’idolâtrie et se sont élevés en sainteté.

Mais une autre question se pose: à quel moment la deuxième étape a-t-elle commencé? Elle débuta avec le butin de la Mer des Joncs, comme le disent les Sages (Bamidbar Rabba 13:19, Tanh’ouma Bo 8, Rashi Shemot 15:22): « Le butin de la Mer des Joncs surpassait de loin le butin d’Egypte, comme il est écrit (Shir HaShirim 1:11): Nous te ferons des chaînons d’or avec des paillettes d’argent ». Si les Enfants d’Israël n’avaient rien demandé ni emprunté aux Egyptiens, ceux-ci auraient apporté tout leur argent et leur or à la Mer des Joncs, et là les Enfants d’Israël auraient tout reçu. Par conséquent, à la Mer des Joncs, même ce qu’ils avaient emprunté est devenu leur (par allusion, les lettres du mot zahav (l’or) sont les premières lettres des mots qui signifient: c’était leur possession), et ils n’ont pas à le rendre.

Au moment de la sortie d’Egypte, D. dit à Moshé: « Parle, Je te prie, au peuple, et qu’ils demandent... » Il n’a pas attendu qu’ils arrivent à la Mer des Joncs pour leur donner toutes les richesses qui leur revenaient. « Il convient que Je remplisse exactement Ma promesse afin qu’ils sortent avec de grandes richesses, autant spirituelles que matérielles, comme Je le leur ai promis », et l’on sait que toute promesse divine se réalise.

 

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