Ceux qui prient ne restent pas les mains vides

Il est écrit (Béréshit 13:13): « Les habitants de Sodome étaient pervers et pécheurs devant l’Eternel au plus haut degré », et (ibid. 18:20): « La conduite de Sodome et de Gomorrhe est criante, leur perversité est excessive ». Malgré cela, Avraham prie pour tenter de sauver les habitants de Sodome et de Gomorrhe au nom de la justice divine (ibid. 18:23): « Anéantirais-tu d’un même coup l’innocent et le coupable? Peut-être y a-t-il... »

Il faut éclaircir plusieurs points:

1. D. sait sans doute qu’il n’y a à Sodome ni cinquante, ni quarante, ni même un seul homme innocent. Quelle est la raison de ces longs pourparlers entre D. et Avraham? D. dit à Avraham: « Si Je trouve à Sodome cinquante justes... Je pardonnerai... » (ibid. 18:26), « Je ne sévirai pas si J’en trouve quarante-cinq (ibid. 28), « Je M’abstiendrai pour ces quarante... » (ibid. 29).  D. aurait pu dire d’emblée à Avraham: « Sache qu’il n’y a pas même dix hommes vertueux dans toute la ville ». Quelle est la raison de cet échange entre D. et Avraham? Nous savons qu’il n’y a dans la Torah aucune lettre inutile, et de plus, s’il y avait à Sodome dix Justes D. n’aurait pas, pour eux, détruit la ville, mais il ne se trouvait dans la ville aucun homme innocent.

2. Les commentateurs posent une autre question (voir Ohr Hah’ayim): Pourquoi est-il dit: « Cacherai-Je à Avraham ce que Je veux faire? » (ibid. 18:17). Le mot utilisé en Hébreu signifie littéralement « Couvrirai-Je », et non « Cacherai-Je ». Le terme « couvrir » n’est pas précis.

Nous savons que les gens de Sodome étaient très pervers, « ils connaissaient le Maître du monde et voulaient se révolter contre Lui » (Sanhédrin 109a), « ils étaient avides de satisfaire leurs désirs et leurs goûts dépravés » (Béréshit Rabba 41:10, Tanh’ouma Vayéra 7). Ils étaient tellement dénaturés qu’il leur était difficile d’avoir foi dans le Créateur de l’Univers, leur conduite inique mettait en danger l’existence du monde, qui est « bâti sur la bonté » (Téhilim 89:3) alors qu’eux poussaient le monde à la destruction par leur licence et leur négation de tous les fondements qui justifient son existence.

Ils savaient que D. avait fait le serment, après le déluge, de ne plus détruire le monde (Shavouot 36a, Béréshit Rabba 34:10) et ils profitaient de cette promesse pour perpétrer leurs abominations, pensant qu’ils ne seraient pas punis. Leurs méchancetés allaient jusqu’à dépasser la satisfaction de leurs appétits pervers. Mais ils n’étaient pas pires que la génération du déluge de laquelle il est écrit (Béréshit 6:13): « La terre était remplie d’iniquité à cause d’eux »; ils fautaient doublement les uns envers les autres et tous envers D.

Tout d’abord D. désirait cacher à Avraham son intention de détruire Sodome et Gomorrhe, parce qu’Il savait qu’Avraham allait prier afin que même ces hommes pervers puissent se repentir, comme il est écrit (Téhilim 104:35): « Que les péchés disparaissent de la terre ». Il n’est pas dit « les pécheurs » mais « les péchés » (Brach’ot 10a). Mais D. ne voulait pas qu’ils soient sauvés, et Il ne leur envoya pas de prophète pour les réprimander et les corriger, comme Il l’avait fait pour la génération du déluge qui fut prévenue par Noah’ (Sanhédrin 108a), et comme Il fit pour Ninive, en leur envoyant le prophète Yona.

En fait, les gens de Sodome et Gomorrhe étaient pires que ceux de la génération du déluge, à propos de laquelle les Sages ont dit (Sanhédrin 108b, Béréshit Rabba 30:7, Tanh’ouma Noah’ 5): « Noah’ a construit l’arche pendant cent vingt ans, et pendant tout ce temps il les appelait au repentir. Mais ils ne l’ont pas écouté car « ils avaient perverti leurs voies sur la terre » (voir Béréshit 6:12) et leurs perversités remplissaient la terre. Même si D. avait envoyé un prophète réprimander publiquement les habitants de Sodome et de Gomorrhe, ils ne l’auraient pas écouté, car l’homme n’a pas une tendance naturelle à donner raison à un autre homme, même envoyé par D., et il est dans la nature de l’homme méchant de voler, bien qu’il sache sans aucun doute combien la chose est grave. Il arrive un moment où rien ne peut corriger un tel homme, au point que même Avraham, à qui son serviteur Eliézer racontait les agissements des gens de Sodome et de Gomorrhe, n’est pas allé les réprimander et les exhorter à se repentir. En fait, pourquoi? C’est qu’il les savait incapables de se corriger. Tout d’abord, D. cacha à Avraham son intention de les détruire, car Il savait qu’il tenterait de s’opposer à ce décret et qu’il allait sans aucun doute remuer ciel et terre afin de les sauver de l’anéantissement.

Mais en disant: « Tairai-Je à Avraham ce que Je veux faire? », D. voulait que le plaidoyer d’Avraham bénéficie justement aux Enfants d’Israël. S’Il cache à Avraham la punition des gens de Sodome et de Gomorrhe, fait qui sera connu par la suite, c’est qu’il sait qu’Avraham en sera désolé et craindra que si les Enfants d’Israël, eux aussi, devaient fauter, D. leur cacherait la punition. S’ils sont privés de la possibilité de se corriger, le décret sera signé et la punition très sévère.

D. pensait pour ainsi dire: Il M’est impossible de cacher à Avraham ce que Je veux faire à Sodome, car il va prier en leur faveur et sa prière ne sera pas vaine, elle profitera à ses enfants, comme il est écrit tout de suite après (Béréshit 18:19): « Je le connais, afin qu’il prescrive à ses enfants et à sa maisonnée après lui ». Avraham veillera à ce que les Enfants d’Israël ne ressemblent pas aux gens de Sodome et de Gomorrhe, car ils recevront une bonne éducation et suivront les voies de leur père. Même s’ils fautent, ce n’est pas par méchanceté comme les gens de Sodome et de Gomorrhe, mais parce que le mauvais penchant les pousse et prend le dessus, dans le sens où il est dit: « C’est le levain de la pâte qui en est la cause » (Brach’ot 17a). Sans aucun doute le peuple juif ne manque pas de Justes. Et donc D. ne peut pas cacher à Avraham la punition prévue pour Sodome et Gomorrhe, car sa prière bénéficiera à ses enfants.

Maintenant nous pouvons aussi comprendre le plaidoyer d’Avraham qui demanda grâce en faveur de cinquante Justes, quarante, trente, etc. D. ne lui révéla pas qu’il n’y avait pas un seul Juste à Sodome, parce qu’Il désirait qu’Avraham continue à prier pour leur survie, afin que cette prière serve à ses descendants après lui. S’il devait se lever un accusateur contre Israël, il pourrait faire valoir le mérite de la prière d’Avraham en faveur des méchants.

Avraham craignait bien d’éveiller la colère divine à cause de son insistance, mais il a continué à prier en faveur des fautifs, et cette prière est pour les Enfants d’Israël une assurance qu’ils seront toujours prévenus avant d’être punis. De plus, Avraham a prié sans relâche pour le nombre de Justes - il est possible que, par rapport aux autres, certains possèdent quelque mérite - jusqu’à ce qu’il lui fût dit qu’il n’existait aucun Juste à Sodome et que tous étaient coupables au plus haut degré, et alors il se tut. Mais cette prière protège ses enfants, et elle a de plus le mérite de cacher au Satan, aux forces du mal, les fautes d’Israël, afin qu’il ne puisse pas les accuser. S’il voulait les accuser, la prière d’Avraham en faveur des méchants les protégerait, et l’accusateur devrait céder, puisqu’ils ne sont sûrement pas pires que les gens de Sodome, pour lesquels Avraham a intercédé.

C’est un enseignement important valable pour tous les temps. Cela nous apprend que lorsque l’on prie pour sauver les méchants, cette prière protège celui qui la prononce, ou ses descendants après lui, des accusations du Satan. De plus, D. avant de punir, envoie au fautif des avertissements, des souffrances qui doivent l’amener à se repentir, comme il est écrit (Ishaya 53:10): « L’Eternel a résolu de le briser, de l’accabler de maladies » et les Sages expliquent: « Les souffrances sont pour le bien de l’homme » (Tanna D’Bey Eliyahou Rabba 13, Zouta 11), et « Israël corrige ses voies grâce aux souffrances » (Menah’ot 53b). En effet, D. désire que les fautifs se repentent et se corrigent de leurs fautes, c’est pourquoi Il ne leur cache pas la punition, ce qui annulerait définitivement la possibilité de la prière et du repentir.

Maintenant nous pouvons comprendre pourquoi D. révèle à Avraham ce qu’Il va faire. Cette révélation est un bienfait pour Israël, étant donné qu’Avraham va prouver son dévouement en leur faveur.

Il nous est permis de penser qu’Avraham avait prié en faveur des gens de Sodome bien avant que D. ne lui révèle ce qu’Il allait faire. Mais après cette révélation, Avraham s’est mis en danger en prenant le risque d’éveiller la colère divine contre lui-même. Mais non, D. n’a pas montré de colère envers lui, au contraire, Il l’a laissé plaider longuement car Il désirait que cette prière bénéficie à ses enfants, pour toutes les générations.

C’est ce qui est écrit: « Je l’ai distingué, pour qu’il prescrive à ses enfants, et à sa maisonnée après lui, d’observer la voie de l’Eternel, en pratiquant la vertu et la justice... » (ibid. 18:19). Malgré toutes les épreuves et tous les obstacles qu’Avraham a traversés, ses actions sont pour nous un enseignement, et donnent du mérite à ses descendants après lui, afin qu’ils surmontent les épreuves, se repentent de leurs fautes, et servent D. avec une dévotion totale.

En résumé:

Le plaidoyer d’Avraham en faveur des habitants de Sodome, et la réponse de D.: « Tairai-Je à Avraham ce que Je veux faire? » ont une raison d’être. Malgré la perversité incorrigible des gens de Sodome et de Gomorrhe, Avraham pria en leur faveur et D. lui donna la possibilité de multiplier ses suppliques, afin que cette prière protège ses descendants après lui et fasse taire les accusations du Satan. En effet, les enfants d’Avraham ne sont sûrement pas pires que les gens de Sodome et de Gomorrhe et ils ont, eux, la possibilité de se repentir.

 

 

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