Le pouvoir du repentir et de l’abnégation

« Le pouvoir du repentir est si grand qu’il atteint le Trône de Gloire » (Yoma 86b, Rosh HaShana 17a), et « Même les hommes les plus vertueux ne peuvent pas se tenir là où se tiennent ceux qui se repentent » (Brach’ot 34b, Sanhédrin 99a). S’il en est ainsi, aucun ange et aucun séraphin n’a la possibilité d’accuser celui qui par son repentir s’est rapproché de D., comme on le voit dans le cas du roi Ménashé, pour qui D. a creusé un refuge sous Son trône, hors d’accès des anges (Ruth Rabba 5:6).

Lorsque D. dévoila à Avraham son intention de détruire les villes de Sodome, Gomorrhe, Adma, Tzevouyim, et Tzoar, Avraham s’avança et dit: « Anéantirais-Tu, d’un même coup, l’innocent avec le coupable? » (Béréshit 18:23). Et la Torah rapporte les nombreuses supplications d’Avraham en faveur des habitants de Sodome et des autres villes. Malgré tout, il n’a pas réussi à les sauver, D. n’a pas agréé sa requête et les villes furent détruites sous une pluie de soufre et de feu du Ciel. Pourtant, Loth, dont la mauvaise conduite est connue puisqu’il avait choisi de vivre parmi les gens de Sodome et Gomorrhe (Béréshit Rabba 42:12), en apprenant que les villes allaient être détruites, demanda la possibilité de s’enfuir et de se réfugier dans un village voisin, disant aux envoyés du Ciel: « Cette ville est assez proche pour que je puisse m’enfuir là-bas et elle est peu importante, je peux m’y réfugier, vu son peu d’importance, et avoir la vie sauve » (ibid. 19:20). Il craignait de ne pas pouvoir atteindre ce village « le fléau m’atteindra et je mourrai » (ibid. 19). L’ange lui répondit: « Je vais agréer ta demande, je ne détruirai pas la ville dont tu parles » (ibid. 21). Les commentateurs s’étonnent que la demande de Loth d’épargner la petite ville ait été agréée (Yeffé Toar, Vayéra 19:21, Meam Loez, Vayéra 378): Avraham n’avait pas réussi à sauver ne serait-ce que cette petite ville et Loth, qui est fautif, a réussi! Comment est-ce possible?

Il faut dire que les anges ont vu en Loth une conduite irréprochable du moment où ils sont arrivés chez lui jusqu’à ce moment-là. Loth savait qu’ils étaient des anges (Béréshit Rabba 50:2), il insista pour les accueillir dans sa maison, il leur fit prendre un détour pour que les gens de Sodome ne sachent pas qu’ils étaient chez lui, il les hébergea, offrit de leur laver les pieds afin qu’on ne lui demande pas combien de temps ils étaient restés chez lui et où ils avaient dormi (ibid. 4). Bien que dans la ville de Sodome personne ne pratiquât l’hospitalité (ibid. 10), Loth mit sa vie en danger pour les héberger, ce qui montre combien ce devoir lui tenait à cœur. Lorsque les anges lui annoncèrent (Béréshit 19:13): « Nous allons détruire cette contrée », il comprit que Sodome allait être détruite de fond en comble et qu’il n’en resterait que des ruines et il courut dire à ses gendres (deux de ses filles étaient mariées), de sortir immédiatement de la ville. Malheureusement, ses gendres se moquèrent de lui (ibid. 14). Surtout, il mit sa famille en danger lorsqu’il dit aux habitants de Sodome qui assaillaient sa maison: « De grâce mes frères, ne leur faites point de mal! J’ai deux filles à la maison... je vais vous les amener... mais ne faites rien à ces hommes... (ibid. 7-8). En fin de compte, il ne s’est pas moqué des anges comme ses gendres, et il les supplia de lui donner le temps de s’enfuir. Les anges virent que Loth avait une grande foi en D.

Les anges se sont dit: si Loth est prêt à risquer sa vie et celle de sa famille parce qu’il a foi en ce que nous lui avons annoncé au nom de D. et s’il fait tant d’efforts pour nous accueillir chez lui, c’est qu’il a la possibilité de lutter contre le mauvais penchant et de se repentir, et même d’amener d’autres gens à se repentir et à croire en D. Créateur du monde. La preuve en est qu’il sait que D. est le Juge, et que la région va être dévastée et les villes anéanties à cause des péchés commis par les habitants de Sodome et des autres villes. Et donc, sans aucun doute, lorsqu’il parviendra au village en question, et qu’il racontera que lui, Loth, « un des notables de Sodome et son magistrat » (Béréshit Rabba 50:3) seul a survécu, ses réprimandes seront entendues, et les gens se repentiront sincèrement grâce à lui.

C’est la raison pour laquelle l’ange lui répondit: « J’accède à ta demande... je ne détruirai pas la ville », c’est-à-dire: Nous ne détruirons pas Sodome et Gomorrhe avant que tu n’aies atteint le village, et si vous vous repentez de vos fautes, D. vous épargnera et ne détruira pas ce village.

Avraham n’avait pas réussi, malgré sa prière, à faire annuler le décret de Sodome, de Gomorrhe et des autres villes, mais Loth a réussi à sauver la petite ville de Tzoar, car il avait le pouvoir d’amener ses habitants à se repentir, ce qui sauva la ville entière.

Le Kli H’emda (19:21-22) écrit, à propos du verset: « Je ne vais pas détruire la ville », que « la demande de Loth fut agréée dans le sens où la ville fut sauvée de la destruction, seuls ses habitants furent tués et brûlés ». On en trouve une confirmation car il est écrit « Il détruisit ces villes... » (ibid. 19:25), et Rashi explique: « Les quatre villes étaient bâties sur un rocher et elles furent détruites de fond en comble ». C’est donc que seules quatre villes furent détruites, Sodome, Gomorrhe, Adma, et Tzévouyim, alors que la ville de Tzoar fut épargnée grâce à Loth. Nous savons que la ville de Tzoar ne fut pas détruite comme il est écrit (Devarim 29:22): « une terre de soufre et de sel, partout calcinée... ruinée comme Sodome et Gomorrhe, Adma et Tzevouyim que l’Eternel bouleversa dans Sa colère et Son courroux ». Tzoar n’est pas mentionnée dans ce rappel de la destruction, car elle ne fut pas détruite, grâce au mérite et au dévouement de Loth, qui avait le pouvoir d’amener les hommes à se repentir de tout cœur.

Le nom même de la ville l’indique. Tzoar, est lié aux mots néetzar, arrêté, atzira, arrêt, et atzeret, rassemblement qui indique la fête du don de la Torah. Le verset (Shmouel I, 21:8): « Là se trouvait, ce jour-là, un des serviteurs de Shaül, retenu (néetzar) en présence du Seigneur... » indique ce sens puisque Rashi explique: « Il tardait dans la tente d’assignation où il étudiait la Torah » (voir Sanhédrin 93b). Dans notre cas aussi, Loth avait fait suspendre la sentence dans l’espoir de les amener à se repentir et à suivre les voies de la Torah, ce qui les sauva du décret de destruction totale.

Tel est le pouvoir de l’homme qui se sacrifie pour obéir aux commandements. Car celui qui met sa vie en danger pour obéir, ne serait-ce qu’à un seul commandement, prouve qu’il croit en D. dont la Présence est partout, qu’il a foi en Lui, et même qu’il regrette tout le mal qu’il a fait auparavant, sinon pourquoi se mettrait-il en danger pour obéir à ce commandement?

Sans aucun doute un tel homme est appelé vertueux, et son mérite a le pouvoir d’annuler un décret pour toute une ville, comme le disent les Sages (Kidoushin 40b): « Quelqu’un qui obéit à un commandement fait pencher la balance du monde entier vers le mérite ».

De même, le prophète Yona, se repentit et alla en fin de compte à Ninive où il proclama publiquement (Yona 3:4): « Dans quarante jours Ninive sera bouleversée ». Lorsque les habitants entendirent cet avertissement, ils réparèrent leurs fautes, comme il est écrit (ibid. 3:8): « Ils invoquèrent D. avec ferveur et chaque homme renonça à sa mauvaise conduite et aux objets volés qui étaient dans ses mains ». De même, Loth amena les gens de Tzoar à se repentir lorsqu’il leur dit qu’il était le seul survivant de tous les habitants de Sodome et de Gomorrhe.

Les Sages disent: « Raphaël est l’ange qui amena la guérison à Avraham et qui fut envoyé pour sauver Loth » (Babba Metzya 86b, Béréshit Rabba 50:2). Mais nous savons « qu’un même ange n’est pas chargé de deux missions » (Béréshit Rabba 50:2). De plus, D. ne manque pas de serviteurs, comme il est écrit (Téhilim 104:4): « Il fait des vents Ses messagers, des flammes ardentes Ses ministres », que Rashi (ad. loc.) explique: « Même les vents et les flammes peuvent faire la volonté de D. » et donc, pourquoi n’envoyer qu’un seul ange pour ces deux tâches?

Aucun ange ne désirait sauver Loth, car il était tout aussi fautif que les habitants de Sodome, et il n’y avait personne pour l’innocenter si ce n’est Avraham qui savait qu’effectivement il était capable de se repentir et d’amener une ville entière à se corriger. C’est lui qui l’a protégé. C’est pourquoi le même ange, envoyé pour guérir Avraham, est allé à la demande d’Avraham sauver Loth, et c’est ce que disent les Sages (Béréshit Rabba 50:11): « Sauve-toi vers la montagne », c’est-à-dire « par le mérite d’Avraham qui est comparé à une montagne, tu seras sauvé ». Avraham avait la possibilité de prier pour que son neveu Loth au moins soit sauvé, car « le Juste peut annuler un décret », et « le Juste demande et D. réalise sa demande » (Moed Katan 16b). C’est pourquoi Raphaël, qui a guéri Avraham, a aussi sauvé Loth.

 

Article précédent
Table de matière
Paracha suivante

 

Hevrat Pinto • 32, rue du Plateau 75019 Paris - FRANCE • Tél. : +331 42 08 25 40 • Fax : +331 42 06 00 33 • © 2015 • Webmaster : Hanania Soussan