« Heureuse l’enfance qui ne fait pas honte à la vieillesse »

Il est écrit (Béréshit 23:1): « La vie de Sarah fut de cent vingt-sept ans, telles sont les années de la vie de Sarah ». Rashi remarque que la répétition « telles sont les années de la vie de Sarah » indique qu’elles furent toutes également bonnes.

Mais il est difficile de comprendre pourquoi Rashi interprète ainsi la répétition, puisque ce sens est déjà indiqué dans le fait que shana, l’an, est au singulier, et il est dit littéralement: cent ans et vingt ans et sept ans ce qui nous montre que chaque année est égale aux autres, et donc la question se repose: pourquoi est-il dit « les années de la vie de Sarah »?

Nous allons l’expliquer clairement. Rashi rapporte le commentaire des Sages (Béréshit Rabba 58:1): « A cent ans, elle était sans faute comme une jeune fille de vingt ans. De même qu’une jeune fille de vingt ans est sans faute, à cent ans elle était sans faute, et à vingt ans elle était splendide comme une enfant de sept ans ». La Torah témoigne ici des vertus de Sarah, à l’âge de sept ans. A cet âge où l’on aime jouer, où l’on n’a aucune responsabilité ni envers soi-même ni envers les autres, elle était comme une jeune fille de vingt ans, adulte et responsable. Elle était vertueuse et connaissait son créateur tant à l’âge de vingt ans qu’à l’âge de sept ans. A vingt ans elle était sage comme une femme de cent ans, et inversement, de même qu’à vingt ans elle était en pleine possession de ses forces, à l’âge de cent ans elle était en pleine possession de tous ses sens et de toutes ses forces. Non pas qu’elle fût restée au même niveau, mais elle avait progressé d’année en année, et bien que dans le jeune âge la force du mauvais penchant soit grande, elle avait fait de grands efforts pour parvenir avec les mêmes vertus à l’âge de cent ans. Telles furent les années de la vie de Sarah.

A propos du roi Shaül il est écrit (Shmouel I, 13:1): « Shaül avait un an lorsqu’il devint roi », et les Sages demandent (Yoma 22b, Yalkout Shmouel 1:117): « Shaül avait-il vraiment un an? Il était adulte! Mais il était comme un enfant d’un an qui ne connaît pas le goût du péché ». Tel était Shaül. Le but de l’homme en ce monde est de parvenir à la perfection, c’est-à-dire que toute sa vie, du début jusqu’à la fin, doit être également sans tache et sans faute. Cela ne peut exister que si l’on progresse « avec une force toujours croissante ». De même, un enfant qui vient de naître, qui grandit, qui devient vieux, est néanmoins le même depuis sa naissance jusqu’à sa mort, si ce n’est que ses membres ont grandi, sans cependant être différents. Au début de sa vie ils étaient petits, et à présent ils sont grands. De même, l’homme naît avec une âme pure, et il doit vivre sa vie du début jusqu’à la fin, sans l’altérer. De même que ses membres ne changent pas, mais deviennent ceux d’un enfant, puis d’un adulte, puis d’un vieillard, de même l’homme doit améliorer sa situation, grandir et progresser dans sa connaissance de la Torah et multiplier les bonnes actions, dans le sens où il est dit: « Cet homme devint grand et sa grandeur allait croissant, et enfin il fut très grand » (Béréshit 26:13).

Sarah était à cent ans comme à vingt ans, et à vingt ans comme à cent ans, à sept ans comme à vingt ans, et à vingt ans comme à sept ans, c’est-à-dire qu’elle n’a pas goûté au péché, mais qu’elle a progressé dans le service de D. sans faillir.

Cela explique clairement pourquoi le verset répète « les années de la vie de Sarah ». La vie de Sarah était faite d’années qui avaient deux aspects (en Hébreu l’expression shney h’ayé peut se comprendre: deux vies). Le mot h’ayé a la même valeur numérique que le mot koah, force, ce qui montre qu’elle avait acquis une puissance extraordinaire durant sa vie en ce monde. « A sept ans comme à vingt ans » montre que lorsqu’elle avait sept ans, elle était sérieuse comme une jeune fille de vingt ans qui a le sens des responsabilités, et elle exigeait d’elle-même un comportement de jeune fille. « Et à vingt ans elle était comme une femme de cent ans », ce qui indique qu’à vingt ans elle avait l’esprit posé comme celui d’un vieux sage, duquel il est dit (fin du traité Kinin): « Plus ils sont vieux, plus ils sont posés » et (Shabbat 152a): « Ils deviennent de plus en plus sages ». La sagesse grandit avec les années, mais la Torah stipule que Sarah, à l’âge de vingt ans, avait déjà une force d’âme extraordinaire. Sarah vécut une vie exemplaire.

Elle possédait en outre une autre qualité tout aussi difficile à acquérir. « A sept ans comme à vingt ans, et à vingt ans comme à sept ans », c’est-à-dire qu’à vingt ans, elle servait D. comme une enfant de sept ans avec une foi tout innocente, puisqu’un enfant n’a pas de mauvais penchant, et d’ailleurs le tribunal céleste ne le punit qu’à partir de l’âge de vingt ans (Bamidbar Rabba 18:3), et c’est comme si l’enfant ne commettait pas de fautes. De même, à l’âge de cent ans, à l’âge où une vieille femme est faible et sans forces, elle servait D. avec vigueur comme à vingt ans, en possession de toutes ses forces.

Celui qui sert D. dans son vieil âge avec la même vigueur que dans sa jeunesse mérite qu’on dise de lui (Souca 53a): « Heureuse l’enfance qui ne fait pas honte à la vieillesse ». Dans sa vieillesse, il n’aura pas honte de sa jeunesse.

En approfondissant ce concept, nous comprenons clairement que chaque homme possède un potentiel d’énergie caché, et qu’il doit le réaliser par la pratique des commandements et le service de D., durant toute sa vie.

Chaque homme a des forces naturelles, connues et disponibles, qu’il met en œuvre pour ne pas profaner le Shabbat, ne pas voler, ne pas cambrioler, ne pas tuer, honorer ses parents comme il se doit, choses évidentes pour tous. Mais, parallèlement, il a en lui des forces d’âme cachées, qu’il doit éveiller et mettre en œuvre. Il doit aussi créer et acquérir des forces qu’il ne possède pas naturellement. On raconte de Rabbi Tarfon (voir Kidoushin 31b, Yéroushalmi Kidoushin I:7) que lorsque la chaussure de sa mère s’était déchirée, il plaça la paume de ses mains à terre afin que sa mère y pose son pied. Ce geste indique une grande force d’âme de la part de sa mère qui accepta un tel acte, ainsi qu’une grande soumission de la part de Rabbi Tarfon qui pria sa mère de marcher sur ses mains. Malgré cela, lorsqu’il tomba malade, les Sages ont dit à la mère de Rabbi Tarfon: « il n’est pas encore parvenu à la moitié de ce que la loi exige pour qu’on honore ses parents ». La Torah ne révèle pas la récompense des commandements, parce que chaque commandement, même le plus facile, peut s’exécuter avec un dévouement et un amour incommensurables, et donc il n’y a pas lieu de révéler la récompense qui s’ensuit. Le même geste peut exiger un grand don de soi ou très peu d’effort et la Torah récompense l’effort et l’intention réels et non le geste en soi. Il n’est pas possible d’en connaître la récompense car l’exécution d’un commandement n’a pas de limite. L’homme possède des forces cachées qui lui permettent d’atteindre le comble de la perfection, et tout ce qu’il y ajoute de lui-même avec joie, est apprécié et valorisé par D.

Il est dit que D. « dans Sa bonté renouvelle chaque jour l’œuvre de la création », autrement dit: selon les lois naturelles, le monde vieillit, mais il est renouvelé et rajeuni jour après jour. De même l’homme a des forces cachées qui se renouvellent chaque jour. En vieillissant il peut sembler jeune et, inversement, ressembler à un homme qui navigue sur un bateau et ne peut plus ramer parce qu’il n’a plus de forces et que les rames lui tombent des mains, et qui soudain, puisant une énergie nouvelle, saisit les rames, domine les vents, et dirige le bateau avec succès jusqu’au port. Il en est de même pour les forces morales. Chaque homme doit puiser en lui-même des forces nouvelles, car chaque homme a en lui la capacité de renouveler ses forces, en multipliant de lui-même celles qu’il possède naturellement, car il a reçu, avec le libre arbitre, la volonté. Tout dépend de sa volonté, et des efforts qu’il fait pour entretenir et développer ses forces naturelles.

Il ne suffit pas d’étudier la Torah et d’exécuter ses commandements, nous avons aussi l’obligation d’y consacrer tous nos efforts, dans le sens où le Gaon Rabbi Israël Salanter, de mémoire bénie, dit que « les efforts dans la Torah, sont comme la sueur qui perle effectivement pendant l’étude ». C’est alors que l’on est vraiment « plongés dans la Torah » et que l’on progresse effectivement « avec des forces grandissantes ».

Lorsque D. voulut donner la Torah à Israël, Il dit: « Présentez-Moi des garants qui assureront que vous la mettrez en pratique » (Midrash Shoh’ar Tov Téhilim 8:5, Tanh’ouma Vayigash 2). D. refusa que ceux qui avaient reçu la Torah fussent eux-mêmes garants. Il refusa aussi la garantie des Patriarches, et même celle des prophètes. Mais lorsque Israël dit: « Nos enfants seront nos garants », D. accepta cette garantie et leur donna la Torah.

Il faut expliquer pourquoi D. n’a pas dit d’emblée à Israël: « Je vous donne la Torah, à condition que vos enfants se portent garants », et pourquoi a-t-Il attendu qu’Israël, de lui-même présente ses enfants comme garants?

Il semble tout simplement que D. ait voulu donner aux Enfants d’Israël la liberté de choisir leurs garants. S’ils veulent vraiment exécuter la Torah, ils ont l’obligation de se choisir des garants qui assurent la continuité de sa pratique. S’ils désirent effectivement la Torah, D. a voulu leur signifier que ce désir doit être sincère, en leur demandant de présenter des garants.

En quoi les enfants constituent-ils une garantie? Il faut une grande assurance pour proposer les enfants comme garants. L’homme est naturellement prêt à sacrifier sa vie pour ses enfants, surtout pour un enfant unique, mais ici, il risque la vie de ses enfants en en faisant ses garants, dans le sens où il est écrit « Je poursuis le crime des pères sur les enfants » (Shemot 20:5). Accepter que leurs enfants soient leurs garants était un grand risque et dénote une ferme conviction. Etre prêt à mettre en danger la vie des enfants montre une assurance peu commune que la Torah sera toujours observée.

 

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