Savoir que la vie n’est qu’une résidence temporaire aide au repentir

Examinons la conduite d’Avraham au moment de l’enterrement de Sarah. Avraham dit aux fils de H’eth (Béréshit 23:4): « Je ne suis qu’un étranger, un résident parmi vous, accordez-moi la propriété d’une sépulture ». Le Maguid de Douvna remarque que le verset comporte une contradiction: s’il est étranger il n’est pas résident, et s’il est résident il n’est pas étranger. Qu’est-ce qu’Avraham veut signifier par « un étranger et un résident »? Rashi explique: « Je suis un étranger venu d’ailleurs, et je me suis installé chez vous ».

Il nous semble qu’Avraham voulait signifier aux fils de H’eth (le mot h’eth veut dire en Hébreu un pécheur) que tous ceux qui commettent des fautes et n’en ont aucun regret mourront sans s’être repentis. Ils fautent sans remords uniquement parce qu’ils considèrent qu’ils habitent ce monde pour toujours. Ils ne pensent pas qu’un jour ils mourront, et ils ne se considèrent pas comme des résidents temporaires qui n’habitent ce monde que pour un laps de temps déterminé. S’ils sentaient qu’ils ne sont que des résidents temporaires, et que chaque jour de leur vie peut être le dernier, il est sûr qu’ils voudraient se corriger avec énergie et qu’ils se repentiraient de leurs fautes. Tel est le sens de toshev, résident, qui comporte aussi la notion de téshouvah, le repentir. Avraham dit aux fils de H’eth: « Je ne suis qu’un étranger, un résident parmi vous, et savez-vous pourquoi Sarah a toujours été très vertueuse, même à H’aran parmi des gens méchants? C’est parce qu’elle ne considérait pas ce monde comme un séjour éternel, mais comme une résidence temporaire. Sarah ne se considérait en ce monde que comme une étrangère, ce qui lui permit de se garder des fautes des habitants du pays. Le verset fait allusion à cela dans la brièveté de son expression, car les mots guer vétoshav imach’em, (comptés avec le nombre de lettres et le nombre de mots) a la même valeur numérique que « Sarah Tzadeket », Sarah est vertueuse.

Chacun doit se considérer comme résident temporaire, car de plus, cela lui permet de vaincre plus facilement le mauvais penchant. Car le mauvais penchant dérange toujours ceux qui se fixent quelque part. Ce fut le cas de Ya’akov qui pensait « s’installer dans le pays d’habitation de son père » (Béréshit 37:1) et vivre en toute tranquillité, se sentir résident dans un pays où Yits’hak n’avait été qu’un étranger. Il fut atteint par le malheur de Yossef qui le sauva de cette erreur en lui signifiant que son père aussi n’avait été qu’un étranger.

Par contre, les personnes qui se trouvent encore en exil et qui voyagent d’un lieu à l’autre ont une vie déjà difficile et D. ne les accable pas de souffrances qu’ils seraient incapables de supporter.

C’est ce qu’Avraham signifie aux fils de H’eth: Bien que je sois habitant de ce pays puisque D. me l’a donné, je vis ma vie en tant qu’étranger et je n’ai rien appris de vous, fils de H’eth. Sans aucun doute, il faut une détermination exceptionnelle pour vivre en étranger dans un lieu qui vous appartient! En outre, Avraham a demandé aux fils de H’eth la propriété d’une sépulture pour Sarah, il leur dit (Béréshit 23:4): « Accordez-moi la propriété d’une sépulture ». Avraham les a réprimandés et les a amenés à se repentir comme il en avait l’habitude, en leur montrant comment il se comportait. Les fils de H’eth vivent sur une terre qui n’est pas la leur (elle appartient à Avraham), ils y sont des résidents étrangers mais ils se considèrent comme des habitants à part entière, ce qui est très audacieux de leur part. Avraham aurait pu à juste titre les chasser de sa terre, mais il n’a fait que leur signifier cela oralement. Il agissait selon la qualité du h’assid, qui dit « ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à toi » (Avot 5:11), et la bienveillance est, comme on le sait, la qualité essentielle d’Avraham (Zohar III 302a). Il a renoncé à sa part de la terre, au point de dire à Efron: si tout t’appartient, je désire te payer pour le Caveau.

Nous pouvons maintenant comprendre pourquoi « chacun des Patriarches a doté le monde de quelque chose de nouveau » (Babba Metzya 87a, Béréshit Rabba 65:4, Tanh’ouma H’ayé Sarah 1). Avraham a demandé qu’il soit donné à l’homme des signes de vieillesse qui jusqu’à son époque n’existaient pas, comme il est dit (Béréshit 24:1): « Et Avraham devint vieux, avancé en âge », ce qui était une nouveauté. Yits’hak a offert au monde l’expiation que constitue la souffrance (Béréshit Rabba 65:4). Ya’akov a révélé la maladie (Babba Metzya 87a, Pessikta Zouta Vayéh’i 48:1): « Jusqu’au temps de Ya’akov la maladie n’existait pas, comme il est écrit (Béréshit 48:1): « Il fut dit à Yossef: voici que ton père est malade... » C’est grâce à la vieillesse, aux souffrances et à la maladie qu’il est possible de corriger le monde. Comment?

Avraham a introduit dans le monde les signes de la vieillesse. Comme chacun sait, lorsque l’homme parvient à l’âge de la vieillesse, il risque de mourir à chaque moment, il commence donc obligatoirement à se sentir étranger en ce monde et c’est ainsi qu’il en vient à se repentir lorsqu’il voit que la vieillesse le saisit et que la mort approche. C’est le sens de guer v’toshav, un étranger qui se repent, comme nous l’avons dit plus haut.

Yits’hak a introduit le phénomène de la souffrance dans le monde. Bien que l’homme ne soit pas encore vieux, s’il est saisi par les souffrances, il peut se rappeler qu’il n’est qu’un résident étranger en ce monde et se repentir, comme le disent les Sages (Brach’ot 5a): « Celui qui est atteint par des souffrances doit examiner sa conduite » et ne pas attendre de devenir vieux pour se corriger car il va peut-être mourir, malheureusement, avant son temps. C’est donc que les souffrances aussi rappellent à l’homme qu’il n’est qu’un étranger en ce monde, et grâce aux souffrances il retrouve le droit chemin, comme le disent les Sages (Menah’ot 53b): « Israël ne prend le droit chemin que par les souffrances ».

Ya’akov a introduit la maladie dans le monde, car l’homme s’habitue aux souffrances comme le pauvre accepte la pauvreté et le fait que l’indigence est son lot en ce monde. Mais le sort peut l’amener à voler ou à perdre sa dignité, tandis que s’il tombe malade et si la maladie le fait souffrir, il se rappelle qu’il est un étranger en ce monde et il revient à D. Les Sages ont déterminé strictement les voies du repentir afin que les gens ne se noyent pas dans leurs fautes, mais qu’ils sachent ce qu’ils doivent faire à chaque étape. Le roi H’izkya avait caché les livres de médecine, acte que les Sages ont loué (Pessah’im 56, Avot D’Rabbi Nathan 2:4). Jusque là, chaque malade consultait ces livres et guérissait de sa maladie, sans avoir accompli l’essentiel, qui est de se repentir. Et les Sages disent encore (Tanna D’Bey Eliyahou Rabba 13, et Zouta 11): « Toutes les souffrances de l’homme sont pour son bien »; c’est dire que les souffrances et les maladies sont un bienfait pour l’homme quand elles lui rappellent qu’il n’est qu’un étranger de passage dans ce monde; alors il prie et revient à D. de tout son cœur. Il rectifie ainsi la pensée erronée qu’il réside pour toujours en ce monde, qu’il ne mourra pas, ou que la vie n’a pas de sens.

Les Patriarches ont introduit dans le monde la vieillesse, la souffrance et la maladie, afin de nous enseigner que nous ne sommes ici-bas que des résidents temporaires. Les mots zikna, issourim, mah’alot, (vieillesse, souffrance, maladie) ont la même valeur numérique que les mots guer v’toshav anoch’i, (je suis étranger et résident). Ce qui confirme notre explication.

A ce propos, présentons le cas d’Ishmaël, le fils d’Avraham, dont il est écrit (Béréshit 25:17): « Tel est le nombre des années de la vie d’Ishmaël, cent ans et trente ans et sept ans ». Ce verset comporte aussi une répétition - « les années de la vie d’Ishmaël » comme il est dit de Sarah. Dans la narration de l’enterrement d’Avraham, il est écrit (ibid. 25:9): « Ses fils Yits’hak et Ishmaël l’ont enterré... » et les Sages remarquent à ce sujet (Babba Bathra 16b): « Pourquoi Yits’hak est-il mentionné avant Ishmaël, car Ishmaël est bien l’aîné? Cela nous enseigne qu’Ishmaël s’est repenti et a donné à Yits’hak l’honneur d’être devant ».

En quoi le fait d’avoir donné la priorité à Yits’hak indique-t-il qu’Ishmaël s’est repenti? Peut-être Yits’hak avait-il la préséance parce qu’il avait reçu les bénédictions directement de D. ou parce qu’il ressemblait en tout à Avraham (Béréshit Rabba 53:10), ou encore parce qu’Avraham avait gardé Yits’hak auprès de lui tandis qu’il avait renvoyé les enfants des concubines (ibid. 25:6). Tous ces faits justifient qu’Yits’hak passe le premier. Quelle preuve avons-nous donc qu’Ishmaël s’est repenti?

Si la Torah nous signale qu’Ishmaël donna la priorité à Yits’hak, c’est une indication qu’il n’a pas contesté que la royauté revenait à ce dernier et qu’il  était l’héritier légitime. A ce moment-là, il n’y avait aucune divergence d’opinion entre eux. C’est la preuve qu’Ishmaël s’est repenti sincèrement.

Cela explique aussi pourquoi la Torah répète l’expression « les années de la vie d’Ishmaël » comme il est dit « les années de la vie de Sarah ». Les Sages disent (Avoda Zara 10b, 17a): « Il en est qui gagnent la vie éternelle en un instant », et « les portes du repentir sont ouvertes même pour les hommes les plus méchants, au point que les fautes intentionnelles sont comptées comme des erreurs, voire comme des mérites » (Yoma 86b, Babba Metzya 33b). Au moment où Ishmaël s’est retiré devant Yits’hak en reconnaissant en lui le véritable héritier d’Avraham auquel les bénédictions reviennent à juste titre, la Torah considère que c’est comme si toutes les années de sa vie avaient été vécues dans la droiture. Il n’a pas contesté les droits d’Yits’hak, ce qui montre qu’il s’est soumis à la volonté de D. De là nous concluons qu’il s’est repenti et toutes les années de sa vie sont rétrospectivement considérées comme également bonnes.

Par contre Korah’, pour avoir contesté l’autorité de Moshé et remis en question sa souveraineté, a créé une division dans le peuple, s’est opposé à la volonté de D. et s’est rendu coupable (Bamidbar Rabba 18:1). Est-ce possible? Car Korah’ était un homme grand et sage, de ceux qui avaient reçu la tâche de porter le Tabernacle (ibid. 18:2), il était vertueux, il aurait pu être Grand Prêtre (voir Zohar III 176b), et il possédait l’inspiration divine. Mais D. ne l’a pas protégé comme « Il veille sur les pas de Ses adorateurs » (Shmouel I, 2:9), parce que Korah’ a choisi de semer la discorde, cause de bien des maux., et « D. efface jusqu’au souvenir tous ceux qui prennent part à une discorde » (Bamidbar Rabba 18:3, Tanh’ouma Korah’ 3). Ishmaël lui, n’a pas contesté les droits d’Yits’hak, bien qu’il ait été plus âgé que lui. Il a reconnu sa supériorité, et il s’en suit qu’il en est venu à reconnaître D., et donc toutes les années de sa vie sont considérées comme également bonnes puisqu’il a mérité de vivre jusqu’au jour où il s’est repenti.

En respectant les droits de son prochain, on se soumet à coup sûr à D., on s’annule devant Lui et l’on se repent, et alors toutes les années passées sont rétroactivement considérées comme bonnes.

Paroles de l’auteur:

J’écrivais ce chapitre lors d’un voyage en train de Lyon à Paris, où j’avais deux rendez-vous importants pour nos institutions à Lyon. Cela faisait une heure déjà que le train était arrêté en route à cause d’une panne. Sans aucun doute, les rendez-vous seraient annulés. C’était pour moi une rude épreuve, car j’avais attendu longtemps avant d’obtenir ces rendez-vous et il était pratiquement sûr qu’ils n’auraient pas lieu. J’avais besoin à ce moment-là de grandes forces pour surmonter les mauvaises pensées qui m’assaillaient à cause de mon manque de confiance en D. et cela, parce que le mauvais penchant me talonnait: « C’est en vain que tu as pris tant de peine pour voyager de Lyon à Paris. La fin du mois approche. Comment vas-tu payer les élèves du Kollel? Tu perds ton temps ». Tel était le fil de mes pensées. J’avais besoin de beaucoup de confiance en D. pour surmonter ces doutes et il me fallait un surplus de confiance pour lutter contre le mauvais penchant qui essayait de saper ma foi, et même des forces au-delà de ma nature afin de m’aider à combattre les mauvaises pensées qui m’envahissaient et pour sentir que D. est Tout-Puissant et qu’Il dispose de centaines de messagers pour dispenser Ses bontés et Ses bénédictions.

Je pensais aussi à toutes mes responsabilités. S’il y a un déficit dans la caisse de la Yéshiva, ce sera à cause de moi, à cause de mon manque de foi  que je dois surmonter, car ce n’est sûrement pas sans raison que le train s’est arrêté soudain pendant si longtemps, mais pour me permettre de me ressaisir et de trouver un regain d’énergie qui me permettra d’avancer « avec des forces toujours croissantes », des forces nouvelles, comme Sarah qui a renouvelé dans son vieil âge les forces de sa jeunesse.

Veuille D. nous venir en aide et nous donner la force de faire Sa volonté toujours, comme Il l’exige de chacun à la mesure de ce qu’il est. Amen! Qu’il en soit ainsi!

Enfin, D. soit loué, le train démarre. Il ne dépend que de D. que les rendez-vous aient lieu ou non ce soir, tout vient de Lui, béni-soit-Il, et ce n’est pas à nous de percer Ses raisons... tout ce qui nous arrive est une épreuve que nous devons surmonter, et il faut accepter la volonté de D.

 

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