S’il le mérite, son travail sera fait par d’autres

A propos du verset : « Yits’hak sema dans ce pays et récolta cette année-là au centuple, et l’Eternel le bénit » (Béréchith 26 :12), le saint Rabbin I. Z. Morguenstern de Sokolov-Kotsk écrit dans son livre Chéerit Yits’hak des choses merveilleuses, que nous allons citer longuement, tant elles nous sont chères.

« La Torah attribue à Yits’hak le fait de semer, mais il est certain qu’Yits’hak, qui fut sanctifié comme un sacrifice consacré (Béréchith Rabah 64 :3) n’a pas lui-même effectué de travail profane, de même qu’il est interdit à un animal consacré d’exécuter un labeur quelconque. D’autres faisaient ce travail pour lui. De plus, Yits’hak qui était sorti de la catégorie des Enfants de Noa’h, avait des serviteurs qui étaient tous non-juifs. « Un non-juif ne peut pas être nommé émissaire d’un Juif, de telle sorte que ce qu’il fait ne peut pas être attribué à un Juif » (Baba Metsya 71b). A propos des puits, il est écrit une fois (Béréchith 26 :18) : « Yits’hak se remit à creuser les puits » et ailleurs il est écrit (ibid. v. 9) : « Les serviteurs d’Yits’hak creusèrent... » il faut donc expliquer pourquoi cet acte est attribué une fois à Yits’hak, une autre fois à ses serviteurs.

« Cela nous permet de corroborer l’opinion du Ma’hané Ephraïm (Halakhoth Chelou’hin 31) qui stipule qu’un ouvrier, même non-juif, peut agir au nom de son maître. Le Chaar HaMelekh, dans les Halakhoth Troumot, est en désaccord avec lui, avançant que si « Yits’hak a converti des gens » (Béréchith Rabah 84 :2), ils avaient le statut de Juifs, ce qui permet d’attribuer ce qu’ils font à celui qui les envoie, et lorsqu’un travail quelconque était attribué à Yits’hak il faut comprendre qu’il avait des employés qui exécutaient ce travail en son nom. Mais il reste à comprendre pourquoi, selon les versets, ce travail était exécuté une fois par ses serviteurs, et une autre fois par lui-même.

« Il faut par ailleurs souligner que les gens qui se convertissaient au judaïsme au temps des Patriarches, avant que la Torah ne soit donnée, bien qu’ils soient appelés « convertis », gardent leur statut d’Enfants de Noa’h en ce qui concerne la possibilité d’en faire des envoyés, puisque nous ne trouvons nulle part dans les paroles de nos Sages que ces convertis aient perdu leur statut de non-juif, mis à part les Patriarches eux-mêmes (Moreinou HaRav Yaffé, Béréchith 16 :9 ; Vayigach 93 :5). Et pour ceux qui pensent que même les Patriarches n’ont pas perdu leur statut d’Enfants de Noa’h (‘Ha’hmey Tsfat rapporté dans le commentaire du Ramban sur la Torah Vayikra 24 :10), cela ne répond pas à la question, car dans ce cas, si les non-Juifs peuvent être des émissaires, la question revient de savoir pourquoi le travail est attribué à Yits’hak ».

Rachi commente (Brach’oth 35b) : « Quiconque étudie la Torah et se soumet à la volonté de D. a le mérite de voir son travail exécuté par d’autres ». De plus, celui qui étudie la Torah est lui-même semblable à un sacrifice (voir Zohar III, 80b), comme il est écrit (Vayikra 1 :2) : « Si l’un d’entre vous présente un sacrifice... » (qui en Hébreu peut se lire : « si l’un d’entre vous se présente en sacrifice »), et s’il est dit qu’il est lui-même un sacrifice, il s’ensuit qu’il lui est interdit de faire un labeur quelconque. S’il s’adonne à la Torah, il aura le mérite de voir son travail accompli par d’autres, comme le dit Rabbi Chimon Bar Yo’haï.

Par la suite, il est écrit : « Il récolta cette année-là au centuple, et l’Eternel le bénit ». N’aurait-il pas fallu dire qu’il eut une récolte aussi abondante après avoir été béni ? Il s’agit ici sûrement de semailles dans le sens spirituel, c’est-à-dire que la pratique des commandements et l’étude de la Torah sont les semences de chacun en ce monde, comme « Il est dit de celui qui étudie qu’il sème » (Sanhédrin 99a). Nous trouvons la même analogie concernant les actes de bienfaisance et l’obéissance aux commandements, comme il est écrit (Ochéa 10 :12) : « Faites de la justice vos semailles et vous récolterez selon votre amour du bien... » et les Sages expliquent (Baba Kama 17a) : « Ce que l’on acquiert est proportionnel à l’effort investi ». De même, les cent bénédictions que chacun doit prononcer quotidiennement (Mena’hoth 43b) font allusion aux méah chéarim - une moisson cent fois plus abondante que la normale. C’est que « chaque bénédiction a sa mesure » (voir Zohar III, 271a) et c’est de cette façon qu’Yits’hak grandit  (Béréchith 26 :13), et « il progressait avec une force toujours croissante » (Téhilim 84 :8) dans la Torah et la crainte de D.

La vie d’Yits’hak était faite d’épreuves. Il fut sanctifié de la sainteté d’un sacrifice présenté sur l’autel, ce qui l’obligeait à se garder de tout travail profane, et il était plus saint que le Nazir dont il est écrit (Bamidbar 6 :3) : « Il s’abstiendra de vin enivrant, ne boira ni vinaigre de vin, ni liqueur de vin, ni une infusion de raisins, et ne mangera pas de raisins frais ni secs » alors que tout travail était interdit à Yits’hak. C’était pour lui une grande épreuve, car il avait beaucoup de travail et de nombreux biens comme il est écrit (Béréchith 26 :14) : « Il avait des possessions en menu bétail, des possessions en gros bétail et des cultures considérables ».

Son travail se faisait par l’entremise d’anges qui agissaient en son nom, comme fondés de pouvoir. Il est écrit (ibid. 26 :18) : « Yits’hak se remit à creuser les puits... » car les anges venus faire son travail étaient comme lui, dans le sens où il est dit : « L’envoyé de quelqu’un est comme lui » (Brach’oth 34b ; Kidouchin 41b) - il est en tout point comme lui. C’est pourquoi tout le monde pensait qu’Yits’hak lui-même creusait les puits, mais en fait le travail était fait par ses envoyés. En effet, Yits’hak lui-même tenait de l’ange, car au moment du sacrifice son âme s’envola et elle lui fut rendue avec un niveau encore plus élevé (Yalkout Chimoni Vayéra 101 ; Zohar I, 60a), comme cela est expliqué dans les écrits du Ari zal. C’est aussi la raison pour laquelle Yits’hak a la qualité de Puissance (Zohar III, 302a), car il n’est pas facile pour un être céleste de vivre dans ce bas-monde, comme il est écrit à propos des « fils de la race divine » (Béréchith 6 :2) qui ont fauté en ce monde (Yalkout Béréchith 44 ; Zohar III, 208a). Mais Yits’hak les surpassait, et même en ce bas-monde, il réussit à s’élever.

La Torah écrit : « Les serviteurs d’Yits’hak creusèrent des puits » (Béréchith 26 :19) ; ceci indique que grâce au mérite de la Torah qu’il avait acquise durant sa vie, tous les objets de ce monde se mettaient à son service et agissaient selon sa volonté, si bien que son travail se faisait de lui-même, sans qu’il lui soit nécessaire d’intervenir.

Nous apprenons ici un principe fondamental. Rabbi Chimon Bar Yo’haï nous enseigne que si quelqu’un a effectivement le mérite de s’occuper de choses sacrées, d’adhérer à la Torah et d’être rempli de la crainte de D., son travail sera fait sans aucun doute par les autres, et même par des anges. Nous savons (Zohar Ruth 92a) que « l’exécution d’un commandement crée un bon ange, qui ressemble exactement à celui qui a pratiqué ce commandement », qui est son émissaire. Rabbi Ichmaël n’est pas de cette opinion car « beaucoup de gens ont agi comme Rabbi Chimon Bar Yo’haï, mais n’ont pas eu le même succès que lui » (Brach’oth 35b). Selon Rabbi Ichmaël, quelqu’un qui travaille beaucoup (il voulait se comporter comme tout le monde afin de ne pas tirer profit de la Torah) perd de sa dignité car tout homme est considéré comme un sacrifice comme il est dit (Vayikra 1 :2) : « Si l’un d’entre vous (se) présente (en) un sacrifice ». Comment peut-on à la fois étudier la Torah et exécuter un labeur lorsqu’on est considéré comme aussi saint que l’est le sacrifice présenté sur l’autel ? Les Sages ont dit (Mena’hoth 110a ; Midrach Téhilim 134 ; Or Ha’hayim 120) à propos de l’ange Michaël « qu’il sacrifie les âmes d’Israël, des Justes, sur l’autel », ce qui montre bien qu’ils sont considérés comme des sacrifices. Leur serait-il interdit de faire un travail quelconque, comme cela est interdit à l’animal offert en sacrifice ? Est-il vraiment impossible d’associer l’étude de la Torah au travail ? C’est pourquoi Rabbi Ichmaël pense qu’il faut s’appliquer à étudier la Torah avec ferveur, et tenter par là de devenir ce sacrifice pur que l’ange Michael présente sur l’autel devant D. Tous les anges seront alors les émissaires de ceux qui sont parvenus au degré de sanctification d’Yits’hak. Chaque Juif doit s’efforcer de ressembler à Yits’hak, car « Les actes des pères sont un exemple pour leurs enfants » (Sotah 34a).

 

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