Ya’akov sera le chef de ses frères, Essav vivra  à la pointe de l’épée

Nous avons déjà expliqué la bénédiction d’Yits’hak à ses fils Ya’akov et Essav, mais nos maîtres et nos pères n’ont pas épuisé les points de vue possibles, et il nous ont laissé le mérite d’ajouter un nouvel éclairage.

1. Pourquoi Yits’hak veut-il bénir Essav, alors qu’en fait c’est Ya’akov qui mérite les bénédictions ? D’autant plus qu’Yits’hak dit (ibid. 27 :2) : « Je ne sais pas quand je vais mourir », et c’est peut-être la dernière occasion de le faire qu’il me reste. N’aurait-il pas dû bénir Ya’akov en cette occasion, et non Essav ?

2. Pourquoi Yits’hak voulait-il octroyer cette bénédiction à l’occasion d’un repas à son goût, puisqu’il était devenu vieux, que sa vue s’était affaiblie, et qu’il ne pouvait donc pas apprécier un tel repas ? Quel est le sens de l’expression « à mon goût » ?

3. Nous avons déjà demandé plusieurs fois pourquoi Yits’hak envoya Essav à la chasse ? N’y avait-t-il pas de quoi manger dans sa maison ? S’il désire bénir Essav, pourquoi Rivka intervient-elle en faveur de Ya’akov ? Lorsque Ya’akov se présente devant son père, pourquoi ne change-t-il pas sa voix, afin qu’Yits’hak ne se fâche pas contre lui ? Après avoir béni Ya’akov, pourquoi Yits’hak dit-il à Essav : « Ton frère a usé de ruse » (ibid. v. 35), ce qui va attiser la haine d’Essav envers Ya’akov, à tel point qu’il voudra le tuer ?

4. Il est écrit : « Ton frère a usé de ruse », et Onkelos traduit le mot « ruse » par « intelligence ». De quelle sorte d’intelligence est-il question, demande le Rabbin Rabinovitch au nom de son père ?

5. Lorsque Essav découvrit la chose, il s’écria douloureusement : « Ne possèdes-tu qu’une seule bénédiction mon père ? Mon père, bénis-moi aussi ! » (ibid. verset 38). Même si Essav avait eu droit aux bénédictions, il était un voleur et un usurpateur, et en quoi donc les bénédictions peuvent-elles lui profiter, et pourquoi en a-t-il besoin ? Pourquoi entre autre, dit-il « n’as-tu qu’une seule bénédiction, mon père ? » Yits’hak n’a-t-il vraiment qu’une seule bénédiction à donner, qu’il doive en créer une spécialement pour Essav, ce qui signifierait que la plainte d’Essav serait justifiée ?

Nous allons répondre clairement à toutes ces questions. Yits’hak voulait bénir Essav justement durant la nuit privilégiée de Pessa’h qui appartient à Ya’akov et ses descendants (Pirkey D’Rabbi Eliézer 32), afin de faire la paix entre Ya’akov et Essav et éviter toute guerre entre eux, puisque c’est cette nuit-là que les Enfants d’Israël sortiront d’Egypte, et pour que l’exil en terre d’Edom ne soit pas trop pénible pour les Juifs. Le Talmud (Méguilah 6a) souligne qu’Yits’hak et Ya’akov ont tous deux prié pour que l’exil en terre d’Edom ne soit pas trop cruel. C’est la raison pour laquelle Yits’hak voulait bénir Essav justement cette nuit-là, une nuit protégée. Bien qu’il sût que les bénédictions d’Avraham seraient transmises aux descendants de Ya’akov que D. avait choisis pour être Siens, Yits’hak désirait qu’Essav ait une part de ces bénédictions afin que les descendants de Ya’akov ne souffrent pas de ses cruautés. Yits’hak a agi de la sorte parce qu’il connaissait bien les vertus de Ya’akov.

Essav consentit tout d’abord (apparemment) à partager les bénédictions de cette nuit sainte et à bénéficier du mérite de Ya’akov et de ses descendants. Mais en fait, il cachait à son père et à son frère le fond de son cœur. Il n’avait pas l’intention de renoncer à sa haine envers Ya’akov, et il pensait le priver des bénédictions. Il n’avait aucune intention de partager le destin de Ya’akov, mais il cachait ses vraies pensées.

Cela nous permet de comprendre qu’Yits’hak demanda à Essav de ne pas lui apporter de gibier volé mais seulement le produit de sa chasse (Béréchith Rabah 65 :8). C’était l’avertir de ne pas voler à Ya’akov les bénédictions qui lui revenaient grâce à sa fidélité à la Torah. Mais Essav avait dans le cœur d’autres pensées. En temps de paix comme en temps de guerre, il se battrait contre lui pour l’éliminer. C’est pourquoi Yits’hak voulait le bénir justement au moment d’un repas, malgré son vieil âge qui lui ôtait tout appétit. Il voulait que les bénédictions données sur une nourriture permise et non volée encouragent Essav à se corriger. Mais Rivka savait qu’Essav ne désirait pas vivre en paix avec Ya’akov, que la haine d’Essav envers Ya’akov était incorrigible, et qu’il allait apporter à son père du gibier volé (Béréchith Rabah 65 :10) dans l’intention perverse de nuire à Ya’akov et de tromper son père, car il ne voulait pas partager le sort de Ya’akov et de ses descendants.

Mais Yits’hak ne perdait pas l’espoir qu’Essav se corrigerait, puisque D. a doué les êtres humains, mêmes ceux qui sont méchants, du libre arbitre, comme il est dit « Tu choisiras la vie » (Devarim 30 :19). Si D. devait faire mourir les hommes prématurément, ce serait les priver du temps nécessaire à l’exercice de leur libre arbitre. Yits’hak avait tenté de faire comprendre à Essav que Ya’akov était parfait parce qu’il avait choisi le bien et qu’il fuyait le mal. Toi aussi, tu peux abandonner le mal et choisir le bien, ne pas voler du gibier, ne pas haïr Ya’akov, transformer ta haine en amour. Tu mériteras alors ta part de toutes les bénédictions de Ya’akov.

Par contre, Rivka savait sans l’ombre d’un doute qu’il n’y avait aucun amour possible entre Essav et Ya’akov et qu’Essav ne s’améliorerait en aucune façon. Prophétiquement, elle vit que la haine d’Essav envers Ya’akov persisterait, quelles que soient les circonstances.

Lorsque Ya’akov vint recevoir les bénédictions, il ne transforma pas sa voix, afin de démontrer à Yits’hak que même lorsque la voix de Ya’akov est une voix pacifique, les mains d’Essav sont agressives. Et donc - tel est l’argument de Ya’akov - il n’a pas l’intention de partager avec Essav les bénédictions. « Lorsque la Torah se fait entendre dans le monde, la paix règne et la domination d’Essav disparaît, mais lorsque la Torah est oubliée, ce sont les mains d’Essav qui dominent » (Béréchith Rabah 65 :16).

Lorsque Essav arriva portant le plat qu’il avait préparé afin de mériter les bénédictions en cette sainte nuit de Pessa’h, Yits’hak lui dit : « ton frère t’a supplanté et il a pris ta bénédiction » (ibid. verset 35). De même que toi tu as voulu le tromper et profiter de ses bénédictions tout en continuant à le haïr et en refusant de faire la paix avec lui (et la preuve en est que tu m’apportes du gibier volé), de même, mesure pour mesure, Ya’akov te rend la pareille et il a pris ta bénédiction « par ruse », c’est-à-dire avec l’intelligence de la Torah (Béréchith Rabah 67 :4, Targoum). Il ne désire partager avec toi ni le pouvoir ni le mérite de sa Torah, et tu ne pourras pas le dominer. Tu auras le dessus uniquement s’il abandonne la Torah et donc, « il restera béni » (ibid. verset 33). Je confirme ses bénédictions, car il ne convient pas que vous viviez ensemble, puisque tu n’as pas l’intention de t’améliorer. Cet épisode est entièrement en accord avec la volonté de D.

En fait, il est étonnant que Ya’akov se soit présenté devant son père avec ruse, puisque sa qualité essentielle est la franchise comme il est écrit (Mich’a 7 :20) : « Tu as donné la vérité à Ya’akov ». Comment a-t-il pu mentir en s’habillant de vêtements qui ne sont pas les siens et même dire (Béréchith 27 :19) « Je suis Essav ton aîné » ?

C’est que justement Ya’akov s’est comporté avec franchise, car il a confirmé à son père qu’Essav n’était pas vertueux et qu’il ne méritait pas les bénédictions. C’est lui qui les mérite, car il a déjà reçu en toute justice le droit d’aînesse d’Essav. Il agit de la sorte pour qu’Yits’hak ne soit pas induit en erreur par Essav.

Ya’akov n’a pas dévié de sa qualité de vérité, il a seulement été « loyal envers l’homme loyal... et artificieux avec le pervers » (Téhilim 18 :26-27). Parfois c’est grâce à la ruse et aux stratagèmes qui ressemblent à des tromperies que l’on peut exposer la vérité. De même, chacun doit ruser avec son mauvais penchant qui lui fait miroiter des vérités illusoires afin de l’induire en erreur et le capter dans ses filets. Si le mauvais penchant veut le tromper et le capter, il faut l’attaquer de même par la ruse, et l’entraîner vers la maison d’étude (Soucah 52b ; Kidouchin 30b), où le mauvais penchant sera vaincu à coup sûr.

Lorsque Essav se rendit compte de sa perte, il s’écria : « N’as-tu qu’une seule bénédiction mon père ? » C’est-à-dire : Ne peux-tu pas me bénir d’une bénédiction qui n’est pas liée à Ya’akov ? Je suis incapable de l’aimer et de faire la paix avec lui après qu’il m’a supplanté, et voilà qu’il prend aussi pour lui les bénédictions de la nuit de Pessa’h et moi je n’ai rien ! Tu dois donc me bénir d’une autre bénédiction.

Et Yits’hak dit : « Certes, je l’ai institué ton supérieur » (ibid. verset 37). Tant que Ya’akov et ses descendants réalisent cette supériorité par la pratique de la Torah, tu ne peux pas les dominer, mais c’est seulement par la Torah qu’ils sont supérieurs. Par contre, s’ils abandonnent la Torah, tu les domineras et « après avoir plié sous son joug, ton cou s’en affranchira » (verset 40). Mais pour le moment, « tu vivras à la pointe de ton épée », car tu as choisi le mal, et tu n’as pas renoncé à la violence, au vol, au brigandage et au meurtre. Ce sont des malédictions, car D. ne peut pas bénir un meurtrier. De plus, même si les Enfants d’Israël se rendent fautifs, les enfants d’Edom, eux, sont incorrigibles.

Nous pouvons ajouter ceci : lorsque Yits’hak dit à Essav qu’il vivrait à la pointe de son épée, il lui signifia que tel était son sort et telle était sa part. Ce n’est pas le cas des Enfants d’Israël, qui ne dépendent pas du sort, comme il est dit : « Israël n’est pas soumis aux astres » (Chabath 156a ; Nédarim 32a), mais directement des bontés de D. Lorsque les descendants d’Edom firent la guerre aux descendants d’Israël, qui étaient dépourvus d’armes et de moyens et qui se tournaient vers le Ciel pour leur salut, D. accomplit pour eux des miracles visibles, et ils survécurent à leurs ennemis. Par contre, les enfants d’Essav qui sont sous la domination des astres, ne bénéficient pas de miracles. Ils se reposent uniquement sur la force de leur épée et la puissance de leurs armes. Ce n’est qu’en faveur des Enfants d’Israël que D. bouleverse l’ordre naturel du monde. Nombreux sont les exemples de cette intervention divine. Les H’achmonéens n’étaient qu’une famille de treize hommes, et joints à quelques centaines d’hommes, ils vainquirent toutes les armées étrangères. Bar Koch’ba (Yérouchalmi Ta’anith 4 :5 ; Ekhah Rabah 2 :4) a vaincu les Romains, alors qu’il avait demandé à D. de ne pas le soutenir pourvu qu’Il n’aide pas ses ennemis. Yéhochaphat, roi de Judée (Melakhim I, 22 ; Divrey HaYamim II, 20), est parti en guerre avec quelques soldats contre les Amonites, les Moabites, et les Amalékites. H’izkya, roi de Judée, a combattu l’armée de Sanhériv, le puissant roi d’Assyrie, et l’a vaincu (Melakhim II,19 ; Divrey HaYamim II, 32), car les Juifs ne dépendent que de D.

Telle était la bénédiction de Ya’akov et la malédiction d’Essav. Mais Essav pensait qu’il était béni, car « chacun est aidé dans le chemin qu’il choisit de prendre » (Makot 10b ; Bamidbar Rabah 20 :11), s’il s’attache à faire le mal, il est aidé dans ce sens, comme il est dit : « Celui qui veut se corrompre est exaucé » (Yoma 38b) et celui qui est attaché à la sainteté reçoit le soutien du Ciel pour se sanctifier (ibid.). La lutte entre Ya’akov et Essav a commencé à ce moment-là, l’un choisissant le bien, la voie de D., l’autre ne poursuivant la plupart du temps que le mal et il reste à savoir si la volonté d’Essav se réalisera ou non.

A partir de là, les choses se déroulent comme d’elles-mêmes. Essav commença à haïr Ya’akov, si bien qu’Yits’hak sépara ses enfants pour qu’ils ne se fréquentent pas. De plus, Yits’hak bénit Ya’akov une seconde fois (Béréchith 28 :1), il lui conseilla d’aller chez Laban, de ne pas prendre pour épouse une femme de Canaan et de ne pas se lier avec les habitants du pays. Ya’akov écouta ses parents et il alla étudier la Torah pendant quatorze ans dans les tentes de Chem et Ever (Méguilah 17a), afin de réaliser « la voix est la voix de Ya’akov » non seulement dans son pays, mais aussi et surtout en exil (où le pouvoir du mauvais penchant est grand) et alors les mains d’Essav ne pouvaient pas l’atteindre.

Essav avait du mal à accepter que Ya’akov ait acquis les bénédictions grâce au mérite de la Torah. Il voulait recevoir de son père une bénédiction qui affaiblirait le pouvoir de Ya’akov. Mais au contraire, Essav est devenu dépendant des bienfaits de Ya’akov. Lorsque les Enfants d’Israël obéissent à la volonté de D., ils reçoivent tous les bienfaits qui proviennent du trésor de D., en quelque endroit qu’ils se trouvent (Yérouchalmi Guitin, fin du Ch. 5), et alors les nations du monde jouissent aussi de la prospérité grâce au mérite des Enfants d’Israël. Tout dépend de la conduite des Enfants d’Israël.

 

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